Plus encore que les quotidiens payants, les gratuits – qui dépendent exclusivement de la publicité – se retrouvent bien souvent de l’autre côté de la ligne rouge dans leurs rapports aux annonceurs.
Révélé par Acrimed, un nouvel exemple vient démontrer cet état de fait au sujet de Direct Matin, troisième quotidien gratuit le plus lu en France avec 2,5 millions de lecteurs par jour. Le 10 avril, la marque de fruits à croquer « Nature Addict ! » s’offrait la une du quotidien pour sa publicité. Ce jour-là, un produit de la marque était même distribué avec le journal.
15 jours plus tard, Direct Matin s’est fendu d’un article de presse vantant les mérites de la marque, et intitulé : « Sains et gourmands » « Sans sucres ajoutés, ni conservateurs, ces concentrés de fruits en forme de bâtonnets, à base notamment de pommes ou de framboises, sont une alternative à la “junk food”, alors que le ministère de la Santé ne cesse de sensibiliser les Français sur l’importance de manger cinq fruits et légumes par jour », pouvait-on lire entre autres compliments.
Le problème, c’est que cet article dithyrambique était présenté comme un article de presse parmi d’autres, tout ce qu’il y a de plus banal. Il n’est nullement précisé qu’il s’agissait là d’une publicité, ou plus exactement ce que l’on appelle couramment un article publi-rédactionnel. « La frontière entre information et publicité est souvent plus que poreuse dans la presse écrite (…). Dans la presse gratuite qui se finance exclusivement par la publicité, il arrive encore plus fréquemment que la frontière s’estompe totalement », constate Acrimed, qui avait déjà épinglé Direct Matin au sujet de l’Auto-Lib.
Et le site de critique média de citer Éric Fottorino — ancien rédacteur en chef et directeur de la publication du Monde puis président du directoire du groupe La Vie-Le Monde — qui confirme ce poids de plus en plus important des publicitaires et groupes commerciaux sur les journaux : « Même si c’est un combustible très important, avoir de la publicité, c’est se contraindre dans les contenus […] [Au Monde] Il y avait certaines parties du journal que je ne maîtrisais pas. Il fallait la bagnole tel jour, la conso tel autre, la mode… Ça veut dire que vous considérez, même si vous ne le dites pas comme ça, qu’une partie de la pagination ne vous appartient pas. Qu’elle est déjà préemptée, d’une certaine manière. Au bout d’un moment, on ne fait plus un journal. On remplit les cases là où il n’y a pas de pubs. »
Les journaux vont-ils se transformer en revues publicitaires ? Il semblerait que certains le soient déjà en partie devenus…