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Quand Arte endoctrine les plus jeunes de ses téléspectateurs

27 novembre 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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Quand Arte endoctrine les plus jeunes de ses téléspectateurs

Temps de lecture : 6 minutes

L’endoctrinement est, chez Arte, une marque de fabrique. La chaîne payée par nos impôts est outrageusement pro-européiste, mondialiste, libérale-libertaire, le règne de Bernard Henri-Lévy en atteste, et obsédée par des moments précis de l’Histoire humaine. Par exemple, le 18 novembre 2024, Élisabeth Lévy, directrice de Causeur, déclarait sur le plateau de l’Heure des Pros, sur CNews, qu’il « faudrait les prévenir que la seconde guerre mondiale est terminée ». Il est vrai que la place de ce conflit dans les programmes est plutôt impressionnante. Cependant, Arte n’est pas que cela : c’est aussi une chaîne qui souhaite s’adresser aux jeunes.

La jeunesse, le programme dédié d’Arte

Il s’agit de son jour­nal télévisé quo­ti­di­en : Arte Jour­nal Junior dif­fusé à 6h50 puis mis à dis­po­si­tion en ligne durant quelques jours. La chaîne le présente ainsi :

« Le JT mati­nal et quo­ti­di­en de six min­utes pour les 10–14 ans.
Lancé en 2014 dans un for­mat mag­a­zine, ARTE Jour­nal junior pro­pose à lheure du petit déje­uner une édi­tion quo­ti­di­enne présen­tée dans les deux langues. Au pro­gramme : un décryptage du monde et de ses enjeux à tra­vers deux sujets dactu­al­ité et, tout au long de la semaine, un feuil­leton en cinq épisodes sur un même thème ou des répons­es à des ques­tions posées par des enfants. »

En elle-même, l’intention peut sem­bler louable. Sauf qu’elle est con­crète­ment pro­pa­gan­diste à souhait.

Que trouve-t-on dans ce journal quotidien ?

Deux qual­ités : il est ryth­mé et diversifié.

Le reste ? Les mêmes défauts que partout ailleurs sur le ser­vice pub­lic, et même bien plus con­cer­nant cer­tains sujets.

Entre le 13 et le 19 novem­bre, le jour­nal télévisé a évo­qué les sujets suivants :

  • La crise poli­tique en Allemagne
  • Les cernes sous les yeux
  • L’Intelligence Arti­fi­cielle
  • Le sport est-il politique ?
  • Surfer sur internet
  • Com­bi­en de temps pas­sons-nous devant un écran ? (« Les jeunes français passent 900 heures à l’école et 1200 heures devant les écrans »).
  • La vic­toire élec­torale de Trump
  • Les vac­cins
  • Les géo­glyphes du Chili
  • Les abus sex­uels com­mis sur les enfants
  • Les récifs coralliens
  • L’apparition de l’eau sur Terre
  • Les man­i­fes­ta­tions agricoles
  • Le sucre
  • Où vont les excré­ments des toi­lettes de l’avion ?

Voir aus­si : Arte, info­gra­phie

Une orientation politique souvent discrète. Deux exemples

Con­cer­nant l’Intelligence Arti­fi­cielle, la présen­ta­tion du sujet en mon­tre les pro­grès comme une néces­sité indis­cutable mais le jour­nal­iste part aux Philip­pines pour expli­quer qu’il y a « des petites mains der­rière l’IA ». Petites mains de pays pau­vres. Départ pour Manille. Les salariés sont des col­lecteurs d’informations des­tinées à entr­er dans les IA. Ils sont mal payés alors que « leurs entre­pris­es font de gros prof­its ». Le reportage donne ain­si la parole à un salarié « qui ne veut pas être filmé de peur de sanc­tions ». Il dénonce l’exploitation.

Plus impor­tant : nom­bre de Philip­pins tra­vail­lent pour des grandes entre­pris­es de façon clan­des­tine, ce qui per­met de pay­er leurs études. Sous-texte : pour pou­voir éventuelle­ment ensuite migr­er. Les migra­tions ont une expli­ca­tion sim­ple : l’exploitation. De même, nos pro­grès, si tant est que l’IA soit un pro­grès, s’expliquent par cette même exploita­tion que nous feri­ons subir aux pau­vres de ce monde.

Con­cer­nant le match de foot­ball France-Israël, la présen­ta­trice indique que nom­bre d’organisations pro-pales­tini­ennes ont appelé à le boy­cotter. Du fait de la guerre entre Israël et le Hamas. La parole est don­né à l’association France-Pales­tine, laque­lle refuse que le match ait lieu car Israël pra­tique des « crimes de guerre et des crimes con­tre l’humanité ». Pré­ci­sion de la mil­i­tante interrogée :

« Nous ne sommes pas con­tre les juifs, cela n’a rien à voir. Nous sommes con­tre la poli­tique de l’État d’Israël ».

Le reportage indique que les autorités français­es ne céderont pas et empêcheront les « actes anti­sémites du type de ceux d’Amsterdam ».

Arte junior sombre dans le pire en évoquant la victoire électorale de Trump

Le 15 novem­bre 2024, le jour­nal télévisé d’Arte des­tiné aux jeunes de 10 à 14 ans lâche la bride. Plus rien n’arrête les jour­nal­istes. Con­cer­nant son gou­verne­ment, « Trump a main­tenant don­né les pre­miers noms qui inquiè­tent beau­coup de gens partout dans le monde. On vous dit pourquoi. Trump et son futur gou­verne­ment font peur à tous les défenseurs des droits de l’Homme car ses futurs min­istres sont des extrémistes de droite ». Un exem­ple : Mike Gaetz, pour les armes, con­tre la défense de l’environnement, anti-avorte­ment, désigné min­istre de la justice.

« Sa mis­sion : détru­ire le sys­tème de la jus­tice actuelle pour le rem­plac­er par une jus­tice aux ordres de Don­ald Trump car vous le savez Trump a sou­vent été condamné. »

Pas de déf­i­ni­tion de ce que sig­ni­fie être à « l’extrême-droite », sauf à con­sid­ér­er qu’avoir les opin­ions sig­nalées con­cer­nant les armes, l’environnement ou l’avortement suff­ise. Ce qui est un peu juste en ter­mes de sci­ence poli­tique tout de même.

« Autre nom­i­na­tion très cri­tiquée, celle de Pete Hegseth à la Défense. Cet ancien mil­i­taire est surtout con­nu pour être ani­ma­teur depuis dix ans sur la chaîne Fox News, con­sid­éré comme archi-con­ser­va­teur et sex­iste, il ne veut pas de femmes com­bat­tantes dans l’armée ».

Tout lecteur de la presse améri­caine le sait pour­tant, ce n’est pas vrai : Hegseth ne veut pas de femmes au front, risquant leur vie, mais souhaite main­tenir la présence des femmes dans l’armée. Cela, le jour­nal­iste ne le pré­cis­era évidem­ment pas.

« Lui, vous le recon­nais­sez, c’est Elon Musk, le mil­liar­daire pro­prié­taire de Tes­la, fab­ri­cant de voitures élec­triques, du réseau social X et des fusées Space X. C’est un fan de Trump car il compte sur lui pour baiss­er les impôts des patrons et sup­primer les normes sur l’environnement ou l’intelligence arti­fi­cielle pour que Musk puisse faire tout ce qu’il veut ».

Deux remar­ques :

  • « des patrons »… l’expression en dit long sur le cadre men­tal du journaliste.
  • « Pour que Musk puisse faire tout ce qu’il veut » : il est prob­a­ble que le niveau d’argumentation des jeunes ado­les­cents écoutant ce Jour­nal est plus élevé que celui exprimé ici par le journaliste.

Con­clu­sion : « En 2025, la bande à Trump sera aux com­man­des de l’Amérique pour le meilleur et pour le pire ». Que pour­rait-on ajouter à une telle phrase…

Enchaîne­ment par la présen­ta­trice : « Le prochain min­istre de la san­té sera Robert Kennedy sur lequel de nom­breux spé­cial­istes por­tent un regard cri­tique parce qu’il s’oppose depuis des années à la vac­ci­na­tion des enfants ».

Du coup, le reportage suiv­ant porte sur l’importance des vaccins.

Ain­si, l’ensemble a une apparence sym­pa­thique, avec des sujets con­cer­nant les sci­ences et vie de la Terre ou les avions, mais dès que la ques­tion devient poli­tique Arte se met au dia­pa­son des médias de grand-chemin : il y a le camp du bien et le camp du mal. Vis­i­ble­ment, le camp du mal aurait gag­né les élec­tions aux Etats-Unis. Reste que le 18 novem­bre 2024, Joe Biden autori­sait l’Ukraine à bom­barder l’intérieur de la Russie avec des mis­siles améri­cains, accen­tu­ant ain­si le risque d’escalade vers une nou­velle guerre mon­di­ale. Le 19 novem­bre 2024, Arte Jour­nal Junior n’en par­le pas. Biden est sans doute moins dan­gereux que Robert Kennedy.

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