Depuis que Elon Musk a repris Twitter pour 44 milliards de dollars, la tempête s’est abattue sur lui comme sur le réseau social. Licenciements massifs, avertissements financiers, allers retours sur des décisions annulées ou reportées, instauration d’un compte certifié payant, censure transitoire de certains journalistes, ouverture à Trump et à d’autres, attaques en tout genre. Notre correspondant pour le continent nord-américain prend un peu de hauteur avec une analyse politique du phénomène en deux parties.
Il fait virevolter sa mouche, recycle les soixante-quinze millions de supporters de Trump, indique qu’il soutiendra le gouverneur de Floride Ron de Santis lors de la prochaine présidentielle de 2024. Il garde un œil sur la gauche libertarienne. Il sert aux membres du Congrès la chance de réorganiser le pays. Alors, est-ce que les parlementaires républicains, habituels de l’essai jamais transformé, vont pouvoir faire quelque chose ?
Attendant la réponse, observons la méthode d’Elon Musk.
Braconner sur les terres de Trump
Musk et ses amis sont erratiques, lunatiques, ça va de soi. Ils ont lancé en quelques semaines plus d’une dizaine de vagues de révélations sur les relations coupables entre Twitter, la classe politique, les bureaucraties, la machine du Renseignement. Tous fixés sur le dressage des dissidents politiques, culturels, sanitaires.
Avec le recul, l’on peut y détecter une certaine stratégie, Musk dosant ses attaques en diverses tranches afin que l’opposition finisse par y gaspiller ses cartouches. Chaque vague déplaçant le sujet sur des considérations plus profondes. Nous avions au départ recensé l’essentiel des révélations, par exemple ici. Les choses se sont densifiées depuis, du fait de possibles prolongements judiciaires ou politiques.
L’OJIM n’a pas pour habitude de foncer sur la muleta. Notre propos n’est pas de nous réjouir de découvrir que le dossier Hunter Biden était finalement vrai, ou que les agences de renseignement ont habilement manœuvré contre Donald Trump pendant des années, ou que la vie politique et géopolitique américaine est devenue un perpétuel remake du film « Des hommes d’influence », de Barry Levinson avec Robert de Niro et Dustin Hoffmann. Nous nous doutons qu’à court terme, rien ne sortira de cette affaire. Mais nous y voyons déjà une capture par Musk des supporters de Trump. Lourde de conséquences.
Voici donc aujourd’hui une synthèse assez complète d’allégations (fort bien ici présentée par le site turc Anadolu ainsi que le site du Wall Street Journal) :
- Constitution de listes noires secrètes (« de-amplify ») ;
- Ingérences électorales, par exemple dans l’affaire de l’ordinateur de Hunter Biden ;
- Bâillon (« shadow banning ») ;
- Bannissement ;
- Alertes (« flagging ») aux fins de « modération » envoyées à Twitter par le FBI (en particulier dans le contexte post élection présidentielle) ;
- Demandes de plus en plus insistantes de la part du FBI sur diverses dossiers ;
- Recyclage de l’effet Russiagate : le FBI invoque les influences de l’étranger pour solliciter davantage Twitter ;
- Censure (monnayée semble-t-il par les agences de renseignement) de toute information nuisible à Biden ;
- Relayage des opérations de guerre psychologique du Pentagone ;
- FBI devenant le guichet unique, ou portier unique (« doorman to surveillance ») des diverses agences de renseignement dans le cadre d’un vaste programme de surveillance (réseaux sociaux) des américains,
- Censure COVID visant des scientifiques reconnus internationalement
- Fermeture de 250 000 comptes à la demande du gouvernement
Notons aussi que Elon Musk est lui-même entré dans le commentaire, donnant un sens général au discours officiel. Musk observe d’abord que les théories du complot sur Twitter qui furent réprimées n’étaient somme toute pas si fausses. Ensuite, que les relations entre Twitter (et par extension les GAFAM) avec le FBI (par extension l’ensemble des agences de renseignement) sont incestueuses. Et il feint de s’étonner que les médias ne se rebellent pas contre une telle situation. Tout en inquiétant le tombeur de Trump, Antoni Fauci, l’accusant d’avoir menti sous serment devant les parlementaires. À suivre.