Les critiques s’étaient un peu calmées contre l’émission de Christine Kelly mais il eût été naïf de croire que Face à l’info était toléré dans le paysage médiatique. Les réactions à la couverture du décès de la petite Lola par certains chroniqueurs de l’émission en est une nouvelle illustration.
La participation d’Éric Zemmour à Face à l’info sur CNews a permis à cette émission d’atteindre au fil des mois une audience très importante. Ses interventions fougueuses sur des pages de l’histoire de France et ses saillies sur l’actualité ont drainé un public considérable jusqu’à son entrée en politique fin 2021. À la suite du départ d’Éric Zemmour de l’émission, Christine Kelly a accueilli de nouveaux intervenants comme Mathieu Bock-Côté et Guillaume Bigot. Cela n’a pas fait taire les critiques, toujours empressées à taper sur le clou qui dépasse. De farouches défenseurs de la liberté d’expression version woke ont continué à lancer des appels aux annonceurs visant à arrêter la diffusion de publicités sur la chaine. Un mouvement anti-Bolloré, le propriétaire de CNews, a vu le jour. Ces initiatives ont lamentablement échoué. Dans les jours qui ont suivi la mort tragique de Lola, les critiques contre l’émission ont redoublé. Mathieu Bock-Côté aurait-il touché juste en analysant les ressorts de l’accusation de « récupération » ?
L’émoi après le décès de Lola
Comme l’OJIM le relatait la semaine dernière, l’émission Face à l’info sur CNews était parmi les médias centraux bien seule à s’attarder le 17 octobre sur le décès de Lola et à tenter d’en faire une analyse des causes sans tabou. A la suite de ses interventions sur le sujet dans Face à l’info, Mathieu Bock-Côté mettait une nouvelle fois en lumière dans l’édition du 21 octobre du Figaro les ressorts de l’accusation en « récupération » de l’assassinat de Lola, un fait divers dont les caractéristiques ont tout du phénomène de société, qu’il faut analyser et traiter comme tel. Ces analyses factuelles n’ont pas eu l’heur de plaire à l’animateur de l’émission Quotidien.
L’immigré de CNews
Lors de l’émission Quotidien du 19 octobre sur TMC, Mathieu Bock-Côté était à l’honneur, si l’on peut dire. Yann Barthès a tenté laborieusement de dresser le portrait du journaliste et universitaire canadien : « L’immigré québécois de CNews, le chum (petit ami en québécois NDLR) de Montréal, qu’a rien à foutre ici, le chum qui se pogne, qui se pogne sur la France, le québécois de CNews qui met la France dans la laveuse en jasant, celui qui fait une colle sur des affaires qui ne le regardent pas, celui qui chicane tout le temps, bref, voici la chronique ».
Suit un extrait d’une intervention de Mathieu Bock-Côté sur CNews sur le procès en récupération fait à certains politiques et médias après la mort de Lola. Yann Barthès conclut : « Ils ne veulent vraiment pas le récupérer à Radio Canada ? ». Peut-on tirer de ce qu’a dit Yann Barthès une règle générale, à savoir, les « immigrés » doivent se taire sur les affaires de la France qui ne les regardent pas ?
Un bon week-end de repos qui ne passe pas
La charge ne s’est pas arrêtée là. Un prétexte a donné aux détracteurs de l’émission l’occasion de réagir.
Christine Kelly envoie régulièrement des « posts » sur son compte Twitter dans lesquels elle fait part de ses indignations et de ses coups de cœur. Pas de trace de méchanceté et une fraicheur de bon aloi, à laquelle elle nous a habitué sur CNews. Le 21 octobre, après une semaine marquée par le décès particulièrement horrible de la jeune Lola, l’animatrice joignait une photo de l’équipe de Face à l’info pour transmettre un message fraternel : « Nous avons tous été très émus cette semaine avec #lola nous vous souhaitons un week-end de repos ». Certains ont remercié Christine Kelly pour ce message. D’autres, à qui le message a fortement déplu, n’ont pas manqué de le faire savoir vertement sur Twitter. La civilité qui sied à des relations respectueuses d’idées et d’expression que l’on ne partage pas est bien souvent absente de certaines réactions.
La nausée sans les mains sales…
Un maitre de conférence à Reims y va de son « La télévision des charognards ». Bruno Gaccio se livre à un exercice d’introspection approfondi : « Vous êtes tous laids. Dehors dedans autour partout vous êtes laids ». Alexis Poulin, que l’on a connu plus inspiré : « C’est abject. Sourire, photo, bon week-end, repos, emoji cœur. Émotion. Notre époque est une poubelle de la dignité ». Celui qui se présente sur Twitter comme un heureux producteur de spectacles et propriétaire de Bobino, du Théâtre Antoine, du Théâtre Libre, du Point-Virgule, du Grand Point, du Sentier des Halles et Président des Molières (reprenez votre souffle) montre qu’il a des références littéraires :
« La NAUSÉE. Ils posent fringants et prétendent avoir été émus par #lola Et Zemmour ce charognard qui manifeste Ils n’ont aucun respect pour elle aucune décence ». Et pour conclure Pierre Lescure, tout en allusion : « Ce qui est un tout petit peu rassurant, c’est la teneur des commentaires… merci à celles et ceux qui les ont rédigé et adressé… tout n’est pas foutu. Ce tweet, ces visages, ces “mines”… je garde cette preuve que, cette semaine, on a (presque) touché le fond … ».
Nous épargnerons aux lecteurs de l’OJIM certains des commentaires auxquels il est fait référence, tant ceux-ci tiennent souvent plus du langage ordurier que de la critique argumentée. Voilà en tout cas qui en dit long sur un certain climat qui sévit en France dans le milieu du journalisme.