Lundi 7 juin 2021, Augustin Trapenard, sponsor de l’association des journalistes LGBTQ+ etc, recevait, pour un numéro de Boomerang, le rappeur Youssoupha. C’était sur France Inter durant 32 minutes.
L’accroche
« En une quinzaine d’années, il a su s’imposer, à coups de punchlines bien senties, comme une figure tutélaire du rap français. Il y a deux semaines, sa chanson « Ecris mon nom en bleu » accompagnant l’annonce des 26 joueurs sélectionnés pour l’Euro 2021, a déclenché une polémique. Youssoupha est dans Boomerang. »
Les propos
Le cœur de l’émission c’est la chanson « Écris mon nom en bleu » de Youssoupha, chanson retenue pour accompagner le dévoilement de la liste des joueurs retenus par Didier Deschamps pour jouer le championnat d’Europe (perdu contre la Suisse) des Nations de football. La chanson en elle-même ne pose pas de problème. Ce qui a pu gêner, c’est de choisir Youssoupha.
Pourquoi ?
- Pour Youssoupha, l’annonce est « devenue une grand-messe, plus importante qu’une allocution de président de la République au 20 heures ». La chanson lui a été demandée.
- La chanson prend une ampleur phénoménale. Trapenard précise : « En plus, vous êtes loin, vous êtes à Abidjan où vous vivez ». Le journaliste, qui a passé les cinq premières minutes de l’émission à défendre les sources et les informations fiables, ne relève pas ce fait inouï : le chanteur retenu pour écrire la chanson qui va accompagner les bleus préfère vivre en Afrique.
Ce que l’on reproche au « rappeur, militant » Youssoupha ? Des propos tenus longtemps auparavant et qui auraient dû empêcher, outre le fait qu’il se sente surtout Ivoirien, que l’on fasse appel à lui pour ce type de chanson. Accrochez-vous.
- « J’mélange mes fantasmes et mes peines comme dans ce rêve où ma semence de nègre fout en cloque cette chienne de Marine Le Pen » (sic).
- À propos de Zemmour : il chante vouloir mettre « un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour » (sic bis).
La polémique détournée de son sens
Pour Youssoupha et Trapenard, la polémique ne vient pas des propos tenus par le rappeur dans ses chansons mais de sa couleur de peau. Augustin Trapenard insiste et conduit Youssoupha sur ce terrain-là : il n’y aurait pas de problème s’il était « blanc et s’appelait Michel ». Trapenard pourrait poser la question autrement : pourquoi Michel, un blanc, n’écrit-il justement pas ces propos, des propos dont on peut se demander quel lien ils ont avec l’art, mais dont on voit bien l’aspect ordurier, criminel et politique.
Bien sûr, les propos de Youssoupha sur Zemmour ont été déboutés en justice et ceux sur Marine Le Pen sont à ce point bêtes que gâcher un procès pour cela peut sembler inutile. Youssoupha n’est pas condamné en justice. Il n’empêche, la question se pose et devrait être posée par le journaliste : ce type de rappeur est-il vraiment la personne idoine pour représenter la France, l’une de ces personnalités qui, d’après le gouvernement, sont censées servir d’exemples (sic ter) pour la jeunesse et pour les sportifs ? Poser la question…
Comme le disait Montherlant :
« Les hommes sensés de Lacédémone montraient à leurs enfants un ilote ivre, pour leur faire voir ce qu’ils ne devaient pas être.
Ensuite un temps vint où les hommes sensés (ou tenus pour tels), montrèrent à leurs enfants un ilote ivre, pour leur faire voir ce qu’ils devaient être.
Enfin l’ilote ivre, devenu modèle idéal, montra à ses enfants l’homme sensé, pour leur faire voir ce qu’ils ne devaient pas être ».
Henry de Montherlant, La Marée du soir, Carnets 1968–1971, Paris, Gallimard