Si la vision libérale libertaire domine les médias officiels en France, les médias du Royaume-Uni partagent largement les mêmes combats et les mêmes biais. Que ce soit le magazine The Economist, le Guardian ou la très conformiste BBC, ils expriment la même philosophie diversitaire et favorable au néo-libéralisme financier et ont tous fait campagne pour le « remain » lors du référendum de 2016. Nous devons la vidéo de l’entretien agressif de Nigel Farage par un journaliste de la BBC à l’excellent site Délits d’image et nous y avons rajouté notre propre analyse.
Analyse de l’entretien
Alors que le mouvement fondé par Farage, le Brexit Party, caracole dans les sondages pour les étranges élections européennes qui se dérouleront au Royaume-Uni le 23 mai avec plus de 30% des intentions de vote, son leader était interviewé par Andrew Marr de la BBC le samedi 11 mai au matin. Marr souligne justement l’état de confusion du vote, qui va coûter plus de 100 millions de livres sterling pour élire des députés britanniques qui ne siègeront sans doute jamais au Parlement européen. Alors que Farage avait annoncé son retrait de la politique en 2016 à la suite du vote favorable au Brexit, celui-ci justifie son retour par une situation politique nouvelle devant l’échec des négociations avec l’UE.
C’est plus tard que Marr devient franchement agressif sous un air bonhomme. Il attaque le Brexit Party sur son « manque de programme », à quoi Farage répond facilement que ni les conservateurs, ni les travaillistes n’ont de programme et que son seul « manifeste » est le respect du vote des électeurs, de la démocratie et des résultats du référendum de 2016. Le ton monte ensuite (voir ici vers 13’) lorsque Marr veut faire dévier l’entretien sur le réchauffement climatique, le système de santé anglais ou les relations de Farage avec Vladimir Poutine, s’attirant des remarques sévères de Farage sur les partis-pris de la BBC. Et un jugement général de l’intéressé sur « le plus ridicule entretien jamais effectué ».
Les répercussions dans la presse anglaise
Le Daily Mail considère que, même si Andrew Marr reçoit le soutien de sa direction, Farage maintient son jugement et souligne qu’alors que la BBC reçoit des « sommes à sept chiffres » de l’UE, sa politique vis à vis du Brexit Party est grotesque (« ludicrous »). Le Daily Mirror estime que Farage n’a pas répondu à toutes les questions de Marr même si certaines réponses étaient claires. Le quotidien cite comme exemple la question « Estimez vous que les immigrants illégaux zéro-positifs devraient être interdits des soins anti HIV dans le système de santé britannique », la réponse de Farage fut un placide « Oui ». The Sun, partisan de toujours du Brexit,
The Sun est plus lapidaire en titrant « Comment l’entretien à la hache de Farage par Marr prouve que la BBC est une machine de propagande pour l’élite ». Le Financial Times ou le Guardian, partisans du remain, ou bien passent l’épisode sous silence ou soutiennent Marr.
Déjà en 2015…
Nous reprenons un de nos articles de 2015 et les curieuses déclarations de la BBC après l’attentat contre Charlie Hebdo refusant de qualifier les meurtriers de terroristes :
« Il y a des choix éditoriaux qui ne trompent pas. Pour la BBC, il ne faut pas qualifier les frères Kouachi, auteurs de la fusillade contre Charlie Hebdo, de « terroristes ».
Selon Tarik Kafala, responsable du service arabophone de la chaîne britannique, ce terme serait trop tendancieux. « Nous tentons d’éviter de décrire quelqu’un comme un terroriste, ou un geste comme étant terroriste. On essaye plutôt de dire quelque chose comme deux hommes ont tué douze personnes dans l’attaque d’un journal satirique. C’est suffisant », a‑t-il expliqué au quotidien The Independant. »
Alors, la BBC, neutre ou engagée ? Lors d’un séminaire d’octobre 2006 sur « l’impartialité », Marr avait répondu: « La BBC n’est ni impartiale, ni neutre. Elle est financée par le public, urbaine, avec un nombre anormalement grand de jeunes, de minorités ethniques, d’homosexuels. La BBC a un parti-pris libéral qui n’est pas un biais de parti politique. On peut mieux le définir comme un parti pris culturel libéral ». Une définition que pourrait reprendre le service public de l’information en France, parfois en l’aggravant.
Photo : capture d’écran vidéo Guardian News