Le fil AFP est souvent le fil d’Ariane des journalistes un peu paresseux. Plutôt que d’enquêter il est plus facile de « s’inspirer » de l’AFP en paraphrasant son information voire en la recopiant tout simplement. L’AFP a donc un devoir d’état : apporter une information sincère, non biaisée, qui ne soit pas du commentaire. Ce n’est pas toujours le cas et un papier hallucinant (halluciné ?) de Julie Carnis sur les redskins de Limoges donne dans tous les travers du journalisme de connivence.
Le titre est dramatique « Limoges, les redskins s’opposent à la montée du néo-nazisme ». Diantre ! Les hordes brunes occupent donc la célèbre gare de Limoges-Bénédictins ? Mais découvrons ceux qui « résistent ». Sympathiques, vraiment. Jeunes « 23 et 24 ans », Jérôme, Jérémy et Théo se retrouvent dans « un bar tranquille », « allure sportive », « la tête est froide, les idées sont claires et le débit calme ». Ils « se défendent d’obéir à des codes vestimentaires » mais deux portent un polo Fred Perry apprécié des skins des deux bords. Bien que l’un d’entre eux ait un « physique massif » et que les deux aient les bras couverts de tatouages « le trio … ne cherche pas forcément à impressionner ». Vraiment ?
Le petit groupe est emblématique d’une parentèle de rêve (rêvée ?). Un petit fils d’immigrés républicains espagnols avec un grand père déporté et en plus « fils de mécano CGT », un « descendant d’une famille de résistants », et un « enfant d’immigrés italiens » au père syndicaliste. Une image sulpicienne. Et les grands anciens ! Les « Arditi del popolo » de 1921 sont convoqués sans oublier l’internationale syndicale rouge. L’aimable trio a une vie normale, deux sont chômeurs, le troisième intérimaire. Ils n’ont pour raison d’être que leur « opposition à la montée de l’extrême droite ». Ils protègent les manifs d’extrême gauche, collent et décollent des affiches. Mais ne vous méprenez pas : leur lutte « se joue sur le terrain des idées » ! Idées étrangement absentes dans leurs propos. Mais gare à la menace brune : « si ces groupes devaient accéder au pouvoir, nous sommes préparés à entrer dans la lutte physique ».
Ce « reportage » paraitrait dans Politis, L’Humanité, Libération ou Rouge il ne serait que convenu. Sous le fil de l’AFP, il est simplement consternant. Aucune distance avec le sujet. La question « mais où sont les groupes fascistes à Limoges » n’est même pas posée. Sans doute parce que ces groupes ne sont que fantasmés. Le rôle de l’AFP est-il d’entretenir les fantasmes et de les diffuser par connivence affective ou idéologique ? La réponse est dans l’article.
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Crédit photo : Pascal Lachenaud/AFP via lepopulaire.fr (DR)