Mardi 8 décembre 2020 se déroulait au Parc des Princes le match de football opposant les équipes PSG et Basaksehir (Istanbul). Un improbable incident est venu mettre un terme au match à la quatorzième minute lorsque les joueurs des deux équipes ont simplement décidé de quitter le terrain au motif qu’un arbitre avait fait preuve de racisme.
Le déroulé des faits
Si l’on en croit les médias de grand chemin, l’acte de racisme a été définitivement constaté lors du match de foot ce qui justifierait pleinement la réaction des joueurs des deux équipes ayant décidé d’interrompre la rencontre sportive. Pour le profane qui ne suit pas le foot, on rappellera qu’il ne s’agissait pas d’une rencontre amicale mais d’un match de la ligue des champions.
Tous les gros titres et les journalistes de télévision ont parlé de joueurs « choqués » « blessés » ou même « meurtris ». Quelques minutes seulement après l’évènement, la sentence était déjà tombée alors même que les sous-titres à la télévision annonçaient encore « suspicion de propos racistes du 4ème arbitre ».
Vous avez bien lu, il y avait suspicion mais les journalistes avaient déjà donné condamnation et la télévision brésilienne avait twitté que si le match devait reprendre ce serait sans eux. Un choc violent avec un impact international. Mais que s’est-il exactement passé ce soir-là ?
Lors d’une action l’arbitre principal Ovidiu Hategan (il est roumain, c’est plus qu’un détail) siffle une faute commise par un joueur. À cet instant Pierre Webo, l’entraîneur adjoint de l’équipe turque, qui se trouve sur le côté du terrain, conteste avec véhémence la décision de l’arbitre. Par la suite un attroupement se crée près des bancs de touche. Ovidiu Hategan demande au quatrième arbitre, Sebastian Coltescu, (un roumain lui aussi ) de lui désigner la personne responsable de ce désordre. Le 4ème arbitre répond alors simplement dans sa langue « c’est le noir, là-bas ».
Arrêt sur images
À cet instant il est important de faire un arrêt sur image :
En roumain le mot noir se dit « negru » très proche du mot français « nègre » qui peut avoir une connotation raciste. Les deux arbitres sont roumains donc il n’est pas choquant qu’ils communiquent dans leur langue. Répétons-le, « noir » en roumain se dit « negru » ou bien « neagra ».
Deuxième point important à relever, au moment où l’arbitre principal demande de désigner le responsable de l’attroupement, il se trouve précisément le seul noir au milieu de personnes d’autres races. Dans la précipitation de l’action le moyen le plus simple, le plus rapide et le plus efficace de désigner le responsable était de le décrire par la couleur de peau. En tout les cas aucune insulte ou mot à connotation péjorative n’a été prononcé.
Webo sur ses grands chevaux
Tout aurait pu très bien se passer si monsieur Webo avait par exemple été le seul blond au milieu de la foule, ou bien le plus petit ou le plus grand ou s’il avait été habillé différemment. Il aurait été facile de le discriminer sur un autre critère. Manque de chance, il était le seul noir. En outre Pierre Webo n’est pas connu pour son calme et sa sérénité.
Le scandale que Pierre Webo avait commencé à créer en contestant l’arbitre rebondit de plus belle, c’est comme remettre une pièce dans le juke box. Une pièce ? non un seau entier de pièces lorsqu’on constate jusqu’où va l’affaire. Webo, qui est Camerounais et entend le français, a compris « Negro ». Il ne comprend pas le roumain et sa susceptibilité est déjà largement mise à rude épreuve, le raisonner devient mission impossible. Il est d’ailleurs à deux doigts de probablement commettre un impair lorsqu’il dit « Wesh pourquoi il dit negro lui le sale heu… le 4ème arbitre ? ». Les médias ont curieusement oublié de mentionner que Pierre Webo avait également été attaqué par les arbitres roumains pour … racisme ! Les arbitres disent que Webo les a qualifiés de « Gitans ».
L’entraîneur turc qui semblait suivre la dispute de loin déclare soudain au 4ème arbitre : « Sortez s’il vous plaît. On ne vous accepte pas. Vous êtes raciste. »
Demba Ba y va
À cet instant un autre acteur entre en jeu, l’attaquant du Basaksehir Demba Ba d’origine sénégalaise, qui était remplaçant ce jour-là. Ce dernier vient s’agglutiner pour participer à la houleuse discussion qui se déroule et prend immédiatement parti (comme tous les acteurs présents sur le terrain) contre l’arbitre : « En parlant d’un joueur blanc tu dis “ce gars” et non “ce gars blanc” donc pourquoi tu dis “ce gars noir” pour parler d’un joueur noir ? ». L’arbitre principal semble décontenancé et ne répond pas. Demba Ba propose alors de simplement quitter le terrain sans en entendre ni en attendre davantage. Il est suivi par ses coéquipiers ainsi que par les joueurs du PSG.
Demba Ba est connu pour sa lutte contre le racisme, lui qui avait officiellement déclaré qu’il ne jouerait jamais en Italie suite à un incident où des supporters italiens avait poussé des cris de singe à l’encontre du joueur africain de nationalité belge Roméo Lukaku.
Emballement médiatique
Les journalistes s’enflamment immédiatement et déclarent que l’arbitre principal aurait dû réagir lorsque son homologue (et compatriote) lui a dit le mot « negru » (noir en roumain pour ceux qui ne suivent pas). Comme si ce qualificatif était un mot diffamatoire ou injurieux.
La presse ne manque évidemment pas d’éloges pour ce chevalier blanc de l’antiracisme qui, non content d’interrompre un match de ligue des champions (inédit !) deviendrait un exemple à suivre pour tous les joueurs noirs du monde entier. Mercredi lorsque le match a repris, tous les joueurs se sont agenouillés en référence au mouvement BLM (Black Lives Matter) pour montrer leur soutien à la lutte contre le racisme.
La plupart des médias ont joué les moutons de Panurge à propos de cet évènement. On a crié au racisme sans même tenter de donner une justification. En remettant dans le contexte, qui plaide pourtant largement en faveur du malheureux 4ème arbitre, on voit bien qu’il est victime d’une réaction excessive de personnes trop susceptibles. Les grands médias ont pris l’habitude de surréagir dès qu’un sujet aux aspects un tant soit peu victimaires surgit. Ils se sont empressés de se réfugier dans la doxa en oubliant de faire simplement leur travail.
Il est bon de rappeler malgré tout que Demba Ba, si prompt à crier au racisme, est aussi capable de dire le 2 avril dernier sur tweeter : « Bienvenue en Occident, là où le blanc se croit tellement supérieur que racisme et débilité deviennent banalité. TIME TO RISE ».
Somme toute, ce preux chevalier de l’antiracisme est capable d’essentialiser et d’amalgamer tout un groupe de personnes en fonction de leur couleur de peau. Du racisme dites-vous ?