Depuis les incidents en marge du défilé du premier mai du FN on attendait les preuves, les communiqués faisant état d’un « violent passage à tabac » avec plainte devant la justice. Bilan : une grosse bousculade, quelques coups, des « courbatures »… des remises en question oubliées et des faits eux aussi bousculés.
Dans son édition de lundi, le « Petit Journal » est revenu sur les molestations subies par ses équipes lors du rassemblement du 1er mai, organisé par le Front National. Dimanche déjà, BFMTV avait diffusé des images montrant Bruno Gollnish, député européen, agacé, se saisir d’une perche son à l’aide d’un parapluie et frapper la caméra des journalistes de Canal avec celui-ci.
Déjà les images avaient fait le tour des médias, qui évoquaient en chœur une « agression » d’une violence inouïe. Invité sur France Inter lundi matin, Yann Barthès lâche : « Ils vont beaucoup mieux. Ils ont eu des courbatures dimanche mais ça va mieux. »
Des courbatures ? Un peu léger pour un lynchage… Quoi qu’il en soit, le présentateur de l’émission phare du médiatiquement correct est allé plus loin, précisant que « c’est la première fois qu’on est agressés à ce point », et que ce genre de choses n’arrivaient qu’avec le FN.
Ah ? En janvier dernier, les équipes du « Petit Journal » n’avaient-elles pas déjà subi agressions verbales, claques, coups de poings, de pied et jet de canettes lors du « Jour de colère » ? N’ont-elles pas été également malmenées par les Bonnets Rouges ? Et par le service d’ordre du Front de Gauche ? Ou encore lors des manifestations d’opposition au mariage dit pour tous ? Même lors de la couverture de la manifestation « Mistral Gagnons » (pour s’opposer à la suspension de la livraison d’un navire Mistral à la Russie), en septembre, les journalistes de l’émission avaient dû quitter les lieux face à l’hostilité de la foule.
Mais le « Petit Journal » n’allait pas passer à côté d’une nouvelle victimisation. Ce lundi donc, Yann Barthès a ainsi débuté la présentation de son émission le visage maquillé de sang et de coquards. Après avoir complaisamment invité les trois Femen qui avaient perturbé la manifestation (dont Sarah Constantin, journaliste de France 24), les images tant attendues sont arrivées.
Sur celles-ci, outre l’ accrochage avec Bruno Gollnish, ont peut effectivement voir que lors de leur exfiltration, les journalistes de l’émission ont été malmenés par la foule. Bousculade, coups dans le dos et insultes sont bien visibles. Mais de là à parler de « tabassage » comme le fait Yann Barthès…
D’ailleurs, le présentateur manquait, semble-t-il, tellement d’images « violentes » qu’il a utilisé le même extrait pour présenter deux « victimes » différentes, Paul Larrouturou et Clément Brelet, comme le montrent les captures d’écran ci-dessous :
Cela n’a pas empêché certains médias d’en remettre une couche. Ainsi, L’Obs titre-t-il : « Yann Barthès, visage meurtri, exhibe la face violente du FN », quand Télé Loisirs évoque « les images (choquantes) de l’agression ».
Quant au discours de vierge effarouchée de l’animateur, feignant de ne pas comprendre ce qu’est un « micro directionnel » susceptible d’entendre les chuchotements, il est tout simplement malhonnête lorsqu’on sait que ses équipes se sont faites une spécialité dans l’écoute des conversations privées et le harcèlement, comme en février 2014 avec Béatrice Bourges.
Par ailleurs un témoin visuel interrogé par l’Ojim nous a précisé qu’il y avait eu deux incidents et non pas un :
La perche micro de Canal essayant de capter les conversations de Bruno Gollnish celui ci a demandé (avec véhémence) que cela cesse tout en assurant être disposé à donner un entretien au Petit Journal alors que celui avait vu son accréditation refusée. Le calme revient.
Quelques minutes plus tard et malgré cette promesse la perche micro continue son jeu de récupération à distance des discussions. Bruno Gollnish s’empare de la perche et un peu plus tard les journalistes sont bousculés par des militants.
Malgré son air faussement étonné, Yann Barthès ne peut pas ignorer que son émission est devenue le symbole d’une certaine presse vide d’intérêt et aux méthodes intrusives insupportables. Du Front de Gauche au FN en passant par les Bonnets rouges, le « Petit Journal » n’est plus le bienvenu.
Des mots que l’on a retrouvé dans la bouche de Bruno Gollnish d’ailleurs, qui pour justifier son action a déclaré sur BFMTV : « Ce sont des gens qui utilisent des moyens que la déontologie la plus élémentaire, la morale, la loi, les recommandations du Conseil de l’audiovisuel réprouvent […]. J’ai supporté ça pendant un quart d’heure, une demi-heure, 20 minutes. Et après, avec le parapluie d’un de mes collègues, j’ai croché le micro et j’ai cassé le micro. »
Un constat qui n’empêche pas la direction de l’émission de continuer à envoyer au casse-pipe des jeunes journalistes, des « gosses » comme on a pu l’entendre le 1er mai dans la foule, facilement repérables grâce à leur micro rouge et laissés à la merci de la vindicte croissante.
De là à penser que, chez Canal +, on n’attend que ça, il n’y a qu’un pas… Lundi, le « Petit Journal » a réalisé un record d’audience avec près de 2 millions de téléspectateurs, soit 7,6 % de part d’audience.
C’est sans doute ce qu’a voulu faire comprendre Florian Philippot, invité de « C à vous » sur France 5 mardi soir. « Je condamne toute violence par principe mais il se trouve que Le Petit journal est dans une stratégie de provocation permanente. Ils cherchent l’incident. Je les ai subis pendant tout le défilé, j’avais un micro collé à dix centimètres de moi alors que je leur disais que je ne voulais pas leur parler », a expliqué le vice-président du FN.
Concernant le geste de Bruno Gollnish, « cela faisait une demi-heure que Bruno Gollnisch demandait au Petit journal d’arrêter de les enregistrer », a‑t-il rapporté avant d’ajouter : « La fois précédente au parlement européen, ils avaient capté illégalement une conversation privée de Bruno Gollnisch et l’avaient retranscrite à l’antenne. C’est totalement illégal. »
La seule question à se poser désormais, c’est de savoir jusqu’où va aller le « Petit Journal » dans ses méthodes de course à l’audience par la provocation permanente et quelles en seront les conséquences…
Crédit photo : montage Ojim (cc)