Première diffusion le 14/12/2018 — L’Observatoire du journalisme (Ojim) se met au régime de Noël jusqu’au 5 janvier 2019. Pendant cette période nous avons sélectionné pour les 26 articles de la rentrée qui nous ont semblé les plus pertinents. Bonne lecture, n’oubliez pas le petit cochon de l’Ojim pour nous soutenir et bonnes fêtes à tous. Claude Chollet, Président
Ceux qui ont suivi le catéchisme dans leur enfance connaissent les différentes sortes de péchés, par intention, par action, par omission (il est possible qu’il y en ait d’autres, les souvenirs du rédacteur datent un peu). Emmanuel Durget dans Le Point.fr du 7 décembre 2018 s’exercerait il dans ce coupable domaine ? Précisons que nous ne connaissons rien de ce Monsieur et que notre neutralité vis à vis de lui est absolue.
Péché par intention
Le sous-titre « Non contraignant pour les Etats, le pacte de Marrakech a pour but de renforcer la coopération entre les pays. Loin des intox qui fleurissent que Internet », annonce l’angle de l’article : justifier le pacte à tout prix et surtout dénoncer ceux qui le dénoncent (les intox). Car « sur les réseaux sociaux, les théories les plus délirantes fleurissent sur ce que contient le pacte de Marrakech ». Des « fausses informations grossières » hélas partagées sur internet. Comme le disait l’immortel éditorialiste de L’Express Christophe Barbier en janvier 2014, l’internet doit être régulé, « les Chinois y arrivent bien ». Et comme l’ajoute le journaliste du Point on sent « une atmosphère de complot ». Complot, vous avez dit complot ? Salles obscures, masques, manipulations, factieux, dangers, menaces, répression nécessaire contre les comploteurs.
Péché par action
L’intention n’est pas toujours suivie par l’action, voyons si nous sommes dans ce cas de figure. Hélas Emmanuel, mon frère, tu as suivi ton penchant (celui que tu avais énoncé, je te l’accorde) et tu es tombé. Bien entendu il te sera beaucoup pardonné, mais quand même… Noyer dans d’innombrables précisions techniques le véritable but du pacte ? Il n’y a pas de secrétariat de rédaction qui relise les articles dans cet hebdomadaire ? Il manque l’essentiel dans ce papier : la volonté de pérenniser, organiser, rendre « plus sûres » les migrations, d’ailleurs rappelons l’intitulé du pacte « pour des migrations, sûres, ordonnées et régulières ».
Ré-gu-lières, mon bon. Tous les ans, tous les trimestres, tous les mois, et pourquoi pas tous les jours ? Et pour longtemps, au moins tant qu’un nouveau pacte ne sera pas signé. Pas de confusion sur les mots, sur le fond il n’est pas question de réguler les migrations mais de leur donner un cadre régulier, inéluctable, pérenne, irréversible. Pacte symbolique ? Oui, mais le symbole philosophique est écrasant et se veut performatif : la morale internationale soutient, soutiendra les migrations, au nom de la morale justement. Et les opposants ne peuvent qu’être des immoraux, qu’il faut réduire au silence comme nous le verrons dans le péché par omission.
Il n’y a pas d’obligation ? Tu soulignes « Les termes « coopérer » et « coopération » reviennent à 81 reprises dans ce pacte de 40 pages ». Mais l’essentiel n’est pas là, c’est la création d’un standard international auquel les avocats, les ONG, les militants diversitaires pourront se raccrocher, ainsi que les journalistes d’ailleurs. Les expulsions de clandestins se verront opposer les normes morales du pacte. Il s’agit tout simplement d’affaiblir les frontières, toutes les frontières, a minima de créer le cadre qui les rendra – par effet de cliquet – petit à petit caduques. Rappelons pour mémoire que les Etats-Unis, Israël, la Hongrie, l’Autriche (le Brésil est aussi annoncé) entre autres ont annoncé qu’ils refuseront ce pacte qui met en scène symboliquement la mort des frontières. Le pacte forme un socle pour l’élaboration ultérieure de normes contraignantes, l’effet de cliquet comme toujours, c’est le sens même des engagements des Etats qui signeront le 19 décembre à New york. Bizarrement (ou le contraire, à vous de choisir) le pacte n’a même pas été discuté par le Parlement français. Et certains se gaussent des gilets jaunes qui réclament plus de démocratie…
Péché par omission
C’est peut-être le péché le plus dérangeant. Cacher un fait, un événement, une situation et le faire en toute connaissance de cause, on peut craindre le péché mortel. En particulier si le pécheur le commet dans un domaine où il peut être considéré comme un expert, en l’état le journalisme.
L’article 17 du pacte vous connaissez ? Si vous lisez frère Emmanuel, vous n’en saurez rien, et pour cause. L’article 17 (qui rappelle la 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris, qui traite des affaires de presse) énonce froidement « Il faut éliminer toutes formes de discrimination, condamner et contrer les expressions, actes et manifestations de racisme, de discrimination, de violence, de xénophobie et d’intolérance envers les migrants ». Comme le dit l’historien du droit Jean-Louis Harouel « ce document préconise aux Etats de couper les subventions aux médias diffusant des discours jugés xénophobes et intolérants. Or, un journal qui publierait des faits contredisant le dogme du caractère nécessairement bienfaisant des phénomènes migratoires serait aussitôt accusé d’être xénophobe et intolérant. Le pacte contribue donc à restreindre la liberté d’expression et de pensée » (Le Figaro, 11 décembre 2018). Un avantage collatéral pour certains ?
À tout péché, miséricorde
Accordons le bénéfice du doute au frère Emmanuel, ainsi que les circonstances atténuantes : manque de temps, pression des chefs, lecture en diagonale, regard des collègues, soucis personnels etc. Nous lui demanderons de réécrire son article après avoir copié dix fois la charte de Munich des journalistes. Te absolvo frère, va et ne pèche plus.
PS : Nous n’allons pas vous infliger la lecture d’un papier du 6 décembre dans le même journal sur le même sujet de Luc de Barochez. Pour donner un avant-goût, quelques expressions glanées en moins de dix lignes « propagande identitaire, tison de l’immigration, nationaux-populistes européens ». La maison migratoire est bien gardée.