Les mauvais chiffres de vente de la presse papier, dont nous nous sommes faits l’écho il y a quelques jours, doivent-ils être aggravés, et le déficit de rentabilité par conséquent alourdi, du fait que les principaux journaux, dans leur version en ligne, font désormais appel à une famille de chroniqueurs non payés ?
Une chose est certaine, ces articles contribuent à entretenir la régie publicitaire des titres, tout en ne réclamant aucun paiement. Ou plutôt, tout en n’obtenant aucun paiement, car certains le réclament avec une insistance qui a tendance à croître. La gratuité d’une chronique, si elle se conçoit dans le cas d’un professeur d’Université ou d’un juriste amené à commenter ponctuellement l’actualité, se justifie beaucoup moins quand il s’agit d’un écrivain ou d’un journaliste qui « pond » trois articles par semaine, souvent à la requête du journal, et dont la fidélité du lectorat dépend finalement plus ou moins.
Où en seraient les résultats réels sans cette main d’œuvre non rétribuée ? Les commentaires amers de L’Obs au sujet du succès du Figaro en ligne (l’hebdomadaire citait récemment des chiffres flatteurs) ont permis de mettre en lumière le rapport de plus en plus embarrassant entre d’un côté les 180 000 clics uniques pour certains articles et l’absence du moindre paiement de l’autre. Qu’il s’agisse du détenteur du record de clics de l’année l’écrivain Christian Combaz, (lequel prétend avoir été écarté du journal pour « populisme rédactionnel »), ou du dessinateur Olivier Ménégol, qui collabore au figaro.fr depuis quatre ans et dont les dessins sont régulièrement repris dans l’émission de Ruquier, aucun des intervenants les plus assidus, les plus lus, et par conséquent les plus utiles au journal pour « faire rentrer de la pub » n’est payé. Le risque à terme est que les contributeurs réguliers se recrutent uniquement parmi ceux qui « n’ont pas besoin de cela pour vivre », et qui n’ont donc pas une vision très en phase avec le lectorat, lequel finira par diminuer aussi sur la version en ligne.
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