Les théories visant à révéler ce que l’on nous cache à propos des attentats des 7 et 9 janvier fleurissent sur Internet, et il est de bon ton de mettre en garde contre ce « conspirationnisme ». L’une de ces théories, particulièrement fumeuse, est passée relativement inaperçue. Ce n’est pourtant pas sur Internet qu’on a pu la lire mais dans Libération qui n’a pas hésité à relayer les propos délirants d’Andrei Piontkovsky, éditorialiste politique à BBC World Service et Radio Free Europe, sur les attentats du 7 janvier à Charlie Hebdo et à l’hyper Casher de la porte de Vincennes. Pour lui en effet, le coupable c’est forcément la « Russie de Poutine ».
Toujours prompt à se poser en gardien de la déontologie journalistique, le quotidien Libération a certainement publié dans son édition du 4 février dernier l’article qui restera dans l’histoire comme l’équivalent de L’effroyable imposture de Thierry Meyssan pour les tueries de Charlie Hebdo et de l’hyper Casher. Intitulé « Poutine et le “printemps islamiste” », l’article d’Andreï Piontkovsky affirme que des ressortissants russes sont impliqués dans la série d’attaques terroristes islamistes qui se sont déroulées entre les 7 et 9 janvier 2015 en France, avant de se demander si les attentats terroristes de Paris ne seraient pas « annonciateurs de ce “printemps islamique” en Europe ?»
Pilier du Hudson Institute, think thank de la droite américaine basée à Washington, Andreï Piontkovsky possède son rond de serviette à Libération depuis plus de dix ans, où il multiplie interviews, avis et tribunes. C’est la correspondante de Libération à Moscou, puis à Washington, Lorraine Millot qui lui a ouvert les colonnes du célèbre quotidien « de gauche » français, dans lequel il peut déverser son délire conspirationniste en toute sérénité.
Dans son analyse publiée dans Libération, Andreï Piontkovsky reprend en effet les quatre grands postulats de la littérature conspirationniste définie par Pierre-André Taguieff, le grand spécialiste de la question :
- Rien n’arrive par accident ;
- Rien n’est tel qu’il paraît être ;
- Tout ce qui arrive est le résultat d’intentions cachées ;
- Tout est lié de façon occulte.
Rien n’arrive par accident…
Andreï Piontkovsky le tient de source sûre : « Avec insistance, les services russes se chargent de faire comprendre aux “partenaires” que s’ils ne se comportent pas comme il faut, ils auront des ennuis encore plus graves la prochaine fois ».
Tout ce qui arrive est le résultat d’intentions cachées…
La preuve, cette déclaration d’Andrei Illarionov du Cato Institute en décembre 2014 citée par Piontkovsky : « Je crois que les États et gouvernements européens ne seront pas très étonnés s’ils voient, disons à l’horizon de l’année 2015, un mouvement politique ressemblant à un “printemps islamique” émerger non pas dans les pays arabes, mais en Europe même. Ce mouvement pourrait chercher à déstabiliser certains pays européens. Avec pour objectif de détourner l’attention et d’absorber l’énergie des dirigeants européens au moment où Poutine cherche à réaliser son projet impérial, ou néo-impérial, dans l’espace postsoviétique ».
Rien n’est tel qu’il paraît être…
Vous pensiez que l’odieuse série d’attaques terroristes au cours de laquelle dix sept personnes ont été tuées à Paris avait été commise par trois criminels endurcis à passeport français ? Erreur. « L’enquête et les différentes arrestations qui ont eu lieu non seulement en France mais aussi en Allemagne et en Belgique apporteront des éclaircissements, y compris s’agissant des ressortissants russes qui figuraient au nombre des suspects ». Pour les attentats de Paris comme pour ceux de Boston, les Russes nous cachent la vérité : « Une histoire incroyable qui a conduit une journaliste russe de Novaïa Gazeta à la commenter en ces termes : “Celui qui a fait sauter les bombes à Boston avait été programmé depuis longtemps” ».
Tout est lié de façon occulte…
Le lobby poutinien aux États-Unis étouffe la vérité sur les attentats de Boston commis par les frères Tsarnaev : « Ce nouveau consensus de Washington, syndrome d’un lien de dépendance établi entre des questions fondamentales relevant de la sécurité des États-Unis et le bon vouloir de Poutine s’est révélé si profond qu’aujourd’hui encore, une forme de tabou pèse sur plusieurs interrogations restées en suspens au sujet des attentats d’avril 2013 ».
Inquiète de la multiplication de ces « théories du complot », Najat Vallaud-Belkacem avait pourtant demandé aux médias d’être responsables. Elle n’a pas dû être entendue par Libé…
Dessin : © Milady de Winter pour l’Ojim