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Qui est Louis Sarkozy, « nouvelle star de la droite » et des plateaux TV ?

26 mars 2025

Temps de lecture : 12 minutes
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Qui est Louis Sarkozy, « nouvelle star de la droite » et des plateaux TV ?

Temps de lecture : 12 minutes

Fraîche­ment débar­qué des États-Unis où il a suivi ses class­es, le plus jeune fils du clan Sarkozy con­naît depuis quelques mois seule­ment une ascen­sion médi­a­tique ful­gu­rante et « mys­térieuse », que cer­tains médias inter­prè­tent comme un préam­bule avant une entrée en poli­tique à l’orée des prochaines échéances élec­torales. Cos­mopo­lite, proche des milieux d’affaires et atlantiste… Voici ce qu’il faut savoir du jeune Louis Sarkozy dont, selon son père, « l’heure est arrivée ».

Louis, la vedette

C’était le 14 décem­bre dernier. Ce soir-là, au pub O’Sul­li­vans, dans le 12e arrondisse­ment de Paris, au milieu des cock­tails, des lam­pes tamisées et des good­ies flo­qués LR, exci­ta­tion et impa­tience se mélan­gent dans un étrange flot­te­ment. Car les Jeunes Répub­li­cains (une bonne cen­taine) réu­nis ce soir dans l’emblématique pub irlandais, où l’ambiance « chaleureuse et con­viviale » des pubs irlandais embrasse le chic parisien, atten­dent aujourd’hui, à l’occasion de leur tra­di­tion­nelle « soirée de Noël », une « vedette ».

Il est aux alen­tours de 20h30 quand Louis Sarkozy, la nou­velle « petite star de la droite », arrive enfin, dans une mise en scène bien soignée, sous les accla­ma­tions de ses sym­pa­thisants. Les Français l’avaient quit­té enfant au vis­age jouf­flu sur le per­ron de l’Élysée en 2007, le voici désor­mais adulte et « con­voité comme jamais », mur­mu­rant, dit-on, aux oreilles de Rachi­da Dati, Sébastien Lecor­nu ou encore Bruno Retailleau.

« Je ne suis pas là en campagne »

Aux jour­nal­istes qui l’interrogent, inter­loqués par cette ascen­sion ful­gu­rante et mys­tère, le ben­jamin des fils Sarkozy l’assure : il n’y a aucune­ment lieu d’évoquer « une soirée de lance­ment de cam­pagne ». « Je ne fais pas une entrée en poli­tique : j’essaie de ven­dre des livres, j’étais invité à par­ler à un événe­ment… J’écris des tri­bunes… Je ne suis pas là en cam­pagne. Pas envie. Pas pour l’instant », assure-t-il.

Au micro de TF1, l’organisatrice de la soirée Emmanuelle Bris­son (fille du séna­teur LR Max Bris­son) abonde dans le sens de la nou­velle idole, évo­quant seule­ment « une soirée un peu sym­pa » où le nou­veau chroniqueur de LCI est « venu par­ler aux jeunes LR ».

Dans les couliss­es des rédac­tions pour­tant, per­son­ne ou presque n’y croit. Bon sang ne saurait men­tir. « Son père com­mença son ascen­sion par la mairie de Neuil­ly à seule­ment 28 ans. Louis Sarkozy, 27 ans, ne se cache plus : lui aus­si a le virus de la poli­tique, et l’ambition qui va avec », écrit le JDD tan­dis que Le Monde assure dans ses colonnes que le Fran­co-Améri­cain, qui a vécu une large par­tie de sa vie aux États-Unis, est revenu s’installer dans l’Hexagone « en vue des prochaines échéances électorales ».

D’autant que le clan Sarkozy a une revanche à pren­dre après la mésaven­ture du fils Jean Sarkozy dont la car­rière, stop­pée en plein vol à la suite d’accusations de népo­tisme, sem­ble avoir lais­sé le père amer. L’irruption du jeune Louis, par bien des aspects, a en effet tout d’un coup orchestré par l’entremise des réseaux du père. « Pour que le petit Louis puisse faire son trou en poli­tique, il fal­lait pré­par­er le ter­rain en amont », raille-t-on d’ailleurs dans les colonnes de Blast.

Une influence familiale et cosmopolite

En évo­quant Louis Sarkozy, impos­si­ble en effet de faire l’impasse sur l’héritage du père et de sa famille. « Louis est le pro­duit de ces con­di­tions matérielles d’existence et du milieu social dans lequel il a gran­di, évolué. Nous sommes en plein dans la bour­geoisie de droite de l’Ouest parisien, avec une ten­dance famil­iale à l’ouverture inter­na­tionale et cos­mopo­lite », détaille l’écrivain et jour­nal­iste Rodolphe Cart auprès de la revue Élé­ments.

Louis Sarkozy a en effet gran­di dans un envi­ron­nement où pou­voir, stratégie poli­tique et cer­cles d’in­flu­ence sont omniprésents. Dès sa nais­sance, fût par exem­ple choisi comme mar­raine la bonne fée pour l’enfant Louis, l’ami proche de son père, Mar­tin Bouygues, prési­dent du groupe Bouygues et action­naire prin­ci­pal du groupe TF1 qui détient LCI (où offi­cie comme chroniqueur Louis Sarkozy depuis l’été 2024). Dif­fi­cile de ne pas y voir là l’entremise du père.

Dans la famille Sarkozy, il y a aus­si la mère : Cécil­ia Attias qui aurait un jour, selon Le Monde et Libéra­tion, avoué être « fière de n’avoir aucune goutte de sang français dans les veines ». Très proche de son fils Louis, en témoigne la pub­li­ca­tion de leur ouvrage com­mun Une envie de désaccord(s), « fab­uleux témoignage de l’amour qui unit par­ent et enfant, maman et son fils », Cécil­ia Attias est égale­ment un per­son­nage impor­tant dans l’échiquier Sarkozy de par son mariage avec l’homme d’affaires fran­co maro­cain Richard Attias (dont la cheffe de pro­jets d’une de ses entre­pris­es n’était autre que Natali Husic… la femme de Louis Sarkozy).

Cosmopolitisme assumé

« Richard Attias, selon Rodolphe Cart, fait par­tie de cette élite transna­tionale qui croit à la réus­site de la mon­di­al­i­sa­tion, aux bras­sages des cul­tures, des échanges financiers et des hommes […] S’il se déclare « très attaché à son pays, le Maroc », il pré­tend aus­si être une incar­na­tion du cos­mopolitisme car il a une iden­tité « juive, arabe » mais aus­si une « iden­tité française et même francophone » »,

C’est ain­si que dans le même esprit, sur le plateau de « C à Vous », Louis Sarkozy explique en 2019 « être chanceux d’avoir des amis sur des con­ti­nents dif­férents, d’avoir des net­works un peu partout ». Il avouera même dans la foulée « avoir un pince­ment au cœur quand il voit des gens qui ont le même groupe d’amis toute leur vie », comme une référence à peine voilée aux Français enrac­inés qui restent et font leur vie au pays.

Enfin, dans la famille, il y a bien sûr le père, Nico­las Sarkozy, et la belle-mère, Car­la Bruni, selon laque­lle, rap­porte Patrick Buis­son dans La Cause du peu­ple (Per­rin, 2003), la régénéra­tion du « vieux sang pour­ri » français — qui refuse de se renou­vel­er — viendrait de l’apport de sang neuf des pop­u­la­tions immigrées.

Du père à la mère, l’héritage de Louis est là : entre cos­mopolitisme assumé, pro­mo­tion du métis­sage et la prox­im­ité avec les milieux d’affaires.

Un père et un fils américains

Du père, Louis Sarkozy a pris beau­coup. D’aucuns diraient même que jusque dans les gestes et dans le ton, le fils essaie de recopi­er le père. Mais il est un point plus essen­tiel encore qui rat­tache le jeune Louis à son père et qui a, jusqu’ici, dirigé toute sa vie de jeune homme : les États-Unis.

Nico­las Sarkozy a tou­jours été vis­cérale­ment pro-améri­cain. Des diplo­mates améri­cains diront même de lui, lors de sa prési­dence, qu’il est le « prési­dent le plus pro-améri­cain depuis la sec­onde guerre mon­di­ale ». Fasciné par la cul­ture libérale du self-made man et du chef d’entreprise con­quérant, Nico­las Sarkozy a tou­jours vu, selon une note dif­fusée lors des Wik­ileaks, « sa pro­pre ascen­sion comme étant le reflet d’une saga à l’américaine ». Louis, lui, aura réus­si à accom­plir le rêve de son père jusqu’au bout : celui de devenir américain.

Certes, le ben­jamin des Sarkozy aspire désor­mais à s’investir dans le débat poli­tique français, mais il n’en a effet pas tou­jours été ain­si. C’est en effet de l’autre côté de l’Atlantique qu’il sem­blait ini­tiale­ment vouloir faire sa vie avant de revoir à con­tre-coeur sa copie, son grand Amer­i­can Dream tour­nant court lorsqu’il com­prend que ses liens d’origine avec la France freineront sa pro­gres­sion dans la « US army ».

L’Amérique comme matrice intellectuelle

Suiv­ant sa mère qui s’est envolée aux États-Unis (pour y vivre avec son époux Richard Attias), le jeune homme choisi en effet très tôt de s’éloign­er des grandes écoles français­es pour faire ses class­es dans une école mil­i­taire. Dès l’âge de 14 ans, il rejoint ain­si la pres­tigieuse Académie mil­i­taire de Val­ley Forge. Son aspi­ra­tion ini­tiale : inté­gr­er l’Of­fi­cer Can­di­date School de l’ar­mée améri­caine en Géorgie, mar­quant ain­si un engage­ment per­son­nel fort envers les valeurs améri­caines mil­i­taires et patri­o­tiques avec lesquelles, selon ses mots, il « se marie très bien ».

« Si on va se bat­tre pour un pays, c’est surtout parce que les valeurs nous cor­re­spon­dent, explique-t-il à Paris Match en 2015. Je ne dis pas que les valeurs français­es ne me cor­re­spon­dent pas, mais, depuis un très jeune âge, j’ai été exposé aux valeurs améri­caines et c’est un pays que j’aime énor­mé­ment ». D’où sa déci­sion d’entamer les démarch­es pour obtenir la citoyen­neté améri­caine, qui lui sera accordée en 2023.

Plus tard, dans une inter­view accordée au mag­a­zine Tatler, le fils de l’ancien prési­dent de la République con­fiera même être allé jusqu’à chang­er de nom. « Je me suis fait appel­er Louis Adams, pour dis­simuler mon iden­tité, ce qui a lam­en­ta­ble­ment échoué », explique-t-il lors de l’entretien.

À défaut donc de pou­voir s’engager pleine­ment dans l’ar­mée améri­caine en rai­son de sa nation­al­ité, il adopte tout de même un mode de vie et des idéaux améri­cains qui lui sont chers, baig­nant dans un envi­ron­nement intel­lectuel anglo-sax­on qui va forg­er son regard sur le monde.

Ses références poli­tiques, intel­lectuelles et philosophiques sont d’ailleurs très sou­vent issues du monde anglo-sax­on, comme le note Rodolphe Cart dans son livre De quoi Louis Sarkosy est-il le nom ? (Édi­tions Per­spec­tives libres, 2025). Lors d’une séance pho­to pour Paris Match, on décou­vre ses tatouages qui le confirme :

« Un sym­bole de la révo­lu­tion améri­caine sur le bras, une cita­tion du philosophe John Locke, mais aus­si quelques tatouages de croisés et deux pièces romaines sur la poitrine et les côtes. Et un dra­peau napoléonien sur le dos ».

Tout y est : l’attrait pour sa patrie d’adoption que sont les États-Unis, son amour pour Napoléon, sa pen­sée libérale avec Locke, son tro­pisme con­ser­va­teur-améri­cain avec les « tatouages de croisés ».

Retour en France

Finale­ment, rêves de car­rière mil­i­taire con­trar­iés oblig­ent, Louis Sarkozy, qui assur­ait pour­tant en 2019 qu’un retour en France « était inen­vis­age­able », décide d’y ren­tr­er dès 2024. Par con­vic­tion ou par oppor­tunisme ? Per­son­ne ne le saura jamais vrai­ment. L’intéressé lui l’assure : « Per­son­ne n’aime son pays comme celui qui vit loin de lui ».

« Il se peut que l’affection de Louis pour la France soit sincère, pourquoi pas, analyse Rodolphe Cart dans les colonnes d’Élé­ments. En revanche, si Louis Sarkozy aime la France, il ne la con­naît pas pour autant. Là encore, rien n’est sa faute, mais bien plutôt de son par­cours de vie bour­geois qui a suivi une édu­ca­tion dans une école mil­i­taire aux États-Unis. Louis est le sym­bole d’une par­tie de l’élite qui – même lorsqu’elle est de droite – ne com­prend pas le pays, et surtout qui reste inaudi­ble pour une par­tie crois­sante de la population ».

Sur le chemin du retour, fer­mant la porte à près de 25 ans de vie aux États-Unis, Louis Sarkozy n’est pas repar­ti les mains vides. Dans ses valis­es, celui qui a été bom­bardé « spé­cial­iste de la poli­tique améri­caine » sur LCI dès son retour en France a en effet ramené avec lui l’idéologie néo-conservatrice.

Un néo-conservateur assumé

Dans ses inter­ven­tions médi­a­tiques et ses tri­bunes pub­liées notam­ment dans Valeurs Actuelles, il se posi­tionne ain­si comme un défenseur des valeurs tra­di­tion­nelles, tout en prô­nant une réforme rad­i­cale de l’État, « ce colosse obèse et dépen­dant, insa­tiable dans sa quête d’expansion et intraitable face à toute ten­ta­tive de contrôle ».

Libéral en économie et con­ser­va­teur sur les valeurs, Louis Sarkozy tranche tout de même sur cer­tains sujets avec le con­ser­vatisme catholique. Que l’État n’empêche pas, avec « ses gross­es pattes », l’individu de faire ce qu’il veut, dit-il par exem­ple à pro­pos de la pro­créa­tion médi­cale­ment assistée et de la ges­ta­tion pour autrui. La pre­mière ques­tion selon lui est celle du « con­sen­te­ment de l’individu » et ain­si, explique-t-il, si une « femme veut bien prêter son corps et que les deux par­ents sont d’accord », alors « ok ! ».

Icon­o­claste sur cette ques­tion comme sur celle des drogues (Louis Sarkozy étant pro-légal­i­sa­tion), Louis Sarkozy défend dans le reste de ses pris­es de parole ou dans ses tri­bunes tout ce que l’on attend d’une per­son­ne se décrivant comme « libéral en économie et con­ser­va­teur sur les autres sujets ».

Un atlantiste anti-woke

Ain­si, ses pris­es de posi­tion en poli­tique étrangère s’inscrivent dans la ligne dure du courant atlantiste et pro-israélien. Il jus­ti­fie notam­ment les actions mil­i­taires israéli­ennes comme néces­saires à la sécu­rité de l’Occident et s’insurge con­tre toute forme de com­plai­sance envers la Russie, la Chine ou l’Iran. Point de dis­corde avec son père : son sou­tien à l’Ukraine dans le con­flit con­tre la Russie est total, et il plaide pour un ren­force­ment des alliances occi­den­tales sous l’om­brelle de l’Otan.

Enfin, côté France, il s’inscrit dans la cri­tique du « wok­isme » et du mul­ti­cul­tur­al­isme exces­sif, plaidant pour une assim­i­la­tion rigoureuse des immi­grés à la cul­ture française. « Il faut que Mohamed devi­enne un prénom français. Si dans qua­tre siè­cles les Français ont tous la couleur de mon café, je m’en fous. S’ils boivent du vin et payent leurs impôts, on aura réus­si », l’a‑t-on par exem­ple enten­du dire, provo­quant l’ire, selon lui, de « par­ti­sans de l’extrême-droite ».

« C’est son heure »

Le jeune homme appelle d’ailleurs de ses vœux à une alter­na­tive à la droite iden­ti­taire du RN, qu’il juge trop focal­isée sur l’eth­nic­ité et pas assez sur le pro­jet socié­tal. Son homme poli­tique idéal ? « J’ai envie de pren­dre l’intelligence d’un Bel­lamy, la stratégie d’un Wauquiez, le régalien d’un Retail­leau, le budgé­taire d’un Lis­nard, l’attrait pop­uliste d’un Dar­manin, de mélanger ça en une per­son­ne et de fon­cer à la ligne », répond-il à un jour­nal­iste qui lui pose la ques­tion le 14 décem­bre dernier lors de la soirée des Jeunes Républicains.

Mais du côté du « Chef », comme il appelle son père, pas de doute. Ain­si, comme le rap­pelle Le Monde, l’ancien chef de l’État glis­sait à qui lui récla­mait un auto­graphe : « C’est l’heure de Louis ».

Bet­ty Douanel

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