Fraîchement débarqué des États-Unis où il a suivi ses classes, le plus jeune fils du clan Sarkozy connaît depuis quelques mois seulement une ascension médiatique fulgurante et « mystérieuse », que certains médias interprètent comme un préambule avant une entrée en politique à l’orée des prochaines échéances électorales. Cosmopolite, proche des milieux d’affaires et atlantiste… Voici ce qu’il faut savoir du jeune Louis Sarkozy dont, selon son père, « l’heure est arrivée ».
Louis, la vedette
C’était le 14 décembre dernier. Ce soir-là, au pub O’Sullivans, dans le 12e arrondissement de Paris, au milieu des cocktails, des lampes tamisées et des goodies floqués LR, excitation et impatience se mélangent dans un étrange flottement. Car les Jeunes Républicains (une bonne centaine) réunis ce soir dans l’emblématique pub irlandais, où l’ambiance « chaleureuse et conviviale » des pubs irlandais embrasse le chic parisien, attendent aujourd’hui, à l’occasion de leur traditionnelle « soirée de Noël », une « vedette ».
Il est aux alentours de 20h30 quand Louis Sarkozy, la nouvelle « petite star de la droite », arrive enfin, dans une mise en scène bien soignée, sous les acclamations de ses sympathisants. Les Français l’avaient quitté enfant au visage joufflu sur le perron de l’Élysée en 2007, le voici désormais adulte et « convoité comme jamais », murmurant, dit-on, aux oreilles de Rachida Dati, Sébastien Lecornu ou encore Bruno Retailleau.
« Je ne suis pas là en campagne »
Aux journalistes qui l’interrogent, interloqués par cette ascension fulgurante et mystère, le benjamin des fils Sarkozy l’assure : il n’y a aucunement lieu d’évoquer « une soirée de lancement de campagne ». « Je ne fais pas une entrée en politique : j’essaie de vendre des livres, j’étais invité à parler à un événement… J’écris des tribunes… Je ne suis pas là en campagne. Pas envie. Pas pour l’instant », assure-t-il.
Au micro de TF1, l’organisatrice de la soirée Emmanuelle Brisson (fille du sénateur LR Max Brisson) abonde dans le sens de la nouvelle idole, évoquant seulement « une soirée un peu sympa » où le nouveau chroniqueur de LCI est « venu parler aux jeunes LR ».
Dans les coulisses des rédactions pourtant, personne ou presque n’y croit. Bon sang ne saurait mentir. « Son père commença son ascension par la mairie de Neuilly à seulement 28 ans. Louis Sarkozy, 27 ans, ne se cache plus : lui aussi a le virus de la politique, et l’ambition qui va avec », écrit le JDD tandis que Le Monde assure dans ses colonnes que le Franco-Américain, qui a vécu une large partie de sa vie aux États-Unis, est revenu s’installer dans l’Hexagone « en vue des prochaines échéances électorales ».
D’autant que le clan Sarkozy a une revanche à prendre après la mésaventure du fils Jean Sarkozy dont la carrière, stoppée en plein vol à la suite d’accusations de népotisme, semble avoir laissé le père amer. L’irruption du jeune Louis, par bien des aspects, a en effet tout d’un coup orchestré par l’entremise des réseaux du père. « Pour que le petit Louis puisse faire son trou en politique, il fallait préparer le terrain en amont », raille-t-on d’ailleurs dans les colonnes de Blast.
Une influence familiale et cosmopolite
En évoquant Louis Sarkozy, impossible en effet de faire l’impasse sur l’héritage du père et de sa famille. « Louis est le produit de ces conditions matérielles d’existence et du milieu social dans lequel il a grandi, évolué. Nous sommes en plein dans la bourgeoisie de droite de l’Ouest parisien, avec une tendance familiale à l’ouverture internationale et cosmopolite », détaille l’écrivain et journaliste Rodolphe Cart auprès de la revue Éléments.
Louis Sarkozy a en effet grandi dans un environnement où pouvoir, stratégie politique et cercles d’influence sont omniprésents. Dès sa naissance, fût par exemple choisi comme marraine la bonne fée pour l’enfant Louis, l’ami proche de son père, Martin Bouygues, président du groupe Bouygues et actionnaire principal du groupe TF1 qui détient LCI (où officie comme chroniqueur Louis Sarkozy depuis l’été 2024). Difficile de ne pas y voir là l’entremise du père.
Dans la famille Sarkozy, il y a aussi la mère : Cécilia Attias qui aurait un jour, selon Le Monde et Libération, avoué être « fière de n’avoir aucune goutte de sang français dans les veines ». Très proche de son fils Louis, en témoigne la publication de leur ouvrage commun Une envie de désaccord(s), « fabuleux témoignage de l’amour qui unit parent et enfant, maman et son fils », Cécilia Attias est également un personnage important dans l’échiquier Sarkozy de par son mariage avec l’homme d’affaires franco marocain Richard Attias (dont la cheffe de projets d’une de ses entreprises n’était autre que Natali Husic… la femme de Louis Sarkozy).
Cosmopolitisme assumé
« Richard Attias, selon Rodolphe Cart, fait partie de cette élite transnationale qui croit à la réussite de la mondialisation, aux brassages des cultures, des échanges financiers et des hommes […] S’il se déclare « très attaché à son pays, le Maroc », il prétend aussi être une incarnation du cosmopolitisme car il a une identité « juive, arabe » mais aussi une « identité française et même francophone » »,
C’est ainsi que dans le même esprit, sur le plateau de « C à Vous », Louis Sarkozy explique en 2019 « être chanceux d’avoir des amis sur des continents différents, d’avoir des networks un peu partout ». Il avouera même dans la foulée « avoir un pincement au cœur quand il voit des gens qui ont le même groupe d’amis toute leur vie », comme une référence à peine voilée aux Français enracinés qui restent et font leur vie au pays.
Enfin, dans la famille, il y a bien sûr le père, Nicolas Sarkozy, et la belle-mère, Carla Bruni, selon laquelle, rapporte Patrick Buisson dans La Cause du peuple (Perrin, 2003), la régénération du « vieux sang pourri » français — qui refuse de se renouveler — viendrait de l’apport de sang neuf des populations immigrées.
Du père à la mère, l’héritage de Louis est là : entre cosmopolitisme assumé, promotion du métissage et la proximité avec les milieux d’affaires.
Un père et un fils américains
Du père, Louis Sarkozy a pris beaucoup. D’aucuns diraient même que jusque dans les gestes et dans le ton, le fils essaie de recopier le père. Mais il est un point plus essentiel encore qui rattache le jeune Louis à son père et qui a, jusqu’ici, dirigé toute sa vie de jeune homme : les États-Unis.
Nicolas Sarkozy a toujours été viscéralement pro-américain. Des diplomates américains diront même de lui, lors de sa présidence, qu’il est le « président le plus pro-américain depuis la seconde guerre mondiale ». Fasciné par la culture libérale du self-made man et du chef d’entreprise conquérant, Nicolas Sarkozy a toujours vu, selon une note diffusée lors des Wikileaks, « sa propre ascension comme étant le reflet d’une saga à l’américaine ». Louis, lui, aura réussi à accomplir le rêve de son père jusqu’au bout : celui de devenir américain.
Certes, le benjamin des Sarkozy aspire désormais à s’investir dans le débat politique français, mais il n’en a effet pas toujours été ainsi. C’est en effet de l’autre côté de l’Atlantique qu’il semblait initialement vouloir faire sa vie avant de revoir à contre-coeur sa copie, son grand American Dream tournant court lorsqu’il comprend que ses liens d’origine avec la France freineront sa progression dans la « US army ».
L’Amérique comme matrice intellectuelle
Suivant sa mère qui s’est envolée aux États-Unis (pour y vivre avec son époux Richard Attias), le jeune homme choisi en effet très tôt de s’éloigner des grandes écoles françaises pour faire ses classes dans une école militaire. Dès l’âge de 14 ans, il rejoint ainsi la prestigieuse Académie militaire de Valley Forge. Son aspiration initiale : intégrer l’Officer Candidate School de l’armée américaine en Géorgie, marquant ainsi un engagement personnel fort envers les valeurs américaines militaires et patriotiques avec lesquelles, selon ses mots, il « se marie très bien ».
« Si on va se battre pour un pays, c’est surtout parce que les valeurs nous correspondent, explique-t-il à Paris Match en 2015. Je ne dis pas que les valeurs françaises ne me correspondent pas, mais, depuis un très jeune âge, j’ai été exposé aux valeurs américaines et c’est un pays que j’aime énormément ». D’où sa décision d’entamer les démarches pour obtenir la citoyenneté américaine, qui lui sera accordée en 2023.
Plus tard, dans une interview accordée au magazine Tatler, le fils de l’ancien président de la République confiera même être allé jusqu’à changer de nom. « Je me suis fait appeler Louis Adams, pour dissimuler mon identité, ce qui a lamentablement échoué », explique-t-il lors de l’entretien.
À défaut donc de pouvoir s’engager pleinement dans l’armée américaine en raison de sa nationalité, il adopte tout de même un mode de vie et des idéaux américains qui lui sont chers, baignant dans un environnement intellectuel anglo-saxon qui va forger son regard sur le monde.
Ses références politiques, intellectuelles et philosophiques sont d’ailleurs très souvent issues du monde anglo-saxon, comme le note Rodolphe Cart dans son livre De quoi Louis Sarkosy est-il le nom ? (Éditions Perspectives libres, 2025). Lors d’une séance photo pour Paris Match, on découvre ses tatouages qui le confirme :
« Un symbole de la révolution américaine sur le bras, une citation du philosophe John Locke, mais aussi quelques tatouages de croisés et deux pièces romaines sur la poitrine et les côtes. Et un drapeau napoléonien sur le dos ».
Tout y est : l’attrait pour sa patrie d’adoption que sont les États-Unis, son amour pour Napoléon, sa pensée libérale avec Locke, son tropisme conservateur-américain avec les « tatouages de croisés ».
Retour en France
Finalement, rêves de carrière militaire contrariés obligent, Louis Sarkozy, qui assurait pourtant en 2019 qu’un retour en France « était inenvisageable », décide d’y rentrer dès 2024. Par conviction ou par opportunisme ? Personne ne le saura jamais vraiment. L’intéressé lui l’assure : « Personne n’aime son pays comme celui qui vit loin de lui ».
« Il se peut que l’affection de Louis pour la France soit sincère, pourquoi pas, analyse Rodolphe Cart dans les colonnes d’Éléments. En revanche, si Louis Sarkozy aime la France, il ne la connaît pas pour autant. Là encore, rien n’est sa faute, mais bien plutôt de son parcours de vie bourgeois qui a suivi une éducation dans une école militaire aux États-Unis. Louis est le symbole d’une partie de l’élite qui – même lorsqu’elle est de droite – ne comprend pas le pays, et surtout qui reste inaudible pour une partie croissante de la population ».
Sur le chemin du retour, fermant la porte à près de 25 ans de vie aux États-Unis, Louis Sarkozy n’est pas reparti les mains vides. Dans ses valises, celui qui a été bombardé « spécialiste de la politique américaine » sur LCI dès son retour en France a en effet ramené avec lui l’idéologie néo-conservatrice.
Un néo-conservateur assumé
Dans ses interventions médiatiques et ses tribunes publiées notamment dans Valeurs Actuelles, il se positionne ainsi comme un défenseur des valeurs traditionnelles, tout en prônant une réforme radicale de l’État, « ce colosse obèse et dépendant, insatiable dans sa quête d’expansion et intraitable face à toute tentative de contrôle ».
Libéral en économie et conservateur sur les valeurs, Louis Sarkozy tranche tout de même sur certains sujets avec le conservatisme catholique. Que l’État n’empêche pas, avec « ses grosses pattes », l’individu de faire ce qu’il veut, dit-il par exemple à propos de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui. La première question selon lui est celle du « consentement de l’individu » et ainsi, explique-t-il, si une « femme veut bien prêter son corps et que les deux parents sont d’accord », alors « ok ! ».
Iconoclaste sur cette question comme sur celle des drogues (Louis Sarkozy étant pro-légalisation), Louis Sarkozy défend dans le reste de ses prises de parole ou dans ses tribunes tout ce que l’on attend d’une personne se décrivant comme « libéral en économie et conservateur sur les autres sujets ».
Un atlantiste anti-woke
Ainsi, ses prises de position en politique étrangère s’inscrivent dans la ligne dure du courant atlantiste et pro-israélien. Il justifie notamment les actions militaires israéliennes comme nécessaires à la sécurité de l’Occident et s’insurge contre toute forme de complaisance envers la Russie, la Chine ou l’Iran. Point de discorde avec son père : son soutien à l’Ukraine dans le conflit contre la Russie est total, et il plaide pour un renforcement des alliances occidentales sous l’ombrelle de l’Otan.
Enfin, côté France, il s’inscrit dans la critique du « wokisme » et du multiculturalisme excessif, plaidant pour une assimilation rigoureuse des immigrés à la culture française. « Il faut que Mohamed devienne un prénom français. Si dans quatre siècles les Français ont tous la couleur de mon café, je m’en fous. S’ils boivent du vin et payent leurs impôts, on aura réussi », l’a‑t-on par exemple entendu dire, provoquant l’ire, selon lui, de « partisans de l’extrême-droite ».
« C’est son heure »
Le jeune homme appelle d’ailleurs de ses vœux à une alternative à la droite identitaire du RN, qu’il juge trop focalisée sur l’ethnicité et pas assez sur le projet sociétal. Son homme politique idéal ? « J’ai envie de prendre l’intelligence d’un Bellamy, la stratégie d’un Wauquiez, le régalien d’un Retailleau, le budgétaire d’un Lisnard, l’attrait populiste d’un Darmanin, de mélanger ça en une personne et de foncer à la ligne », répond-il à un journaliste qui lui pose la question le 14 décembre dernier lors de la soirée des Jeunes Républicains.
Mais du côté du « Chef », comme il appelle son père, pas de doute. Ainsi, comme le rappelle Le Monde, l’ancien chef de l’État glissait à qui lui réclamait un autographe : « C’est l’heure de Louis ».
Betty Douanel