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Radio Aphatie milite, Radio Aphatie, Radio Aphatie milite…

24 mai 2018

Temps de lecture : 10 minutes
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Radio Aphatie milite, Radio Aphatie, Radio Aphatie milite…

Temps de lecture : 10 minutes

Un peu comme en d’autres temps et avec d’autres hommes de radio, personne n’échappe depuis 30 ans à la voix militante de Jean-Michel Aphatie, à la radio comme à la télévision. Il lui est souvent reproché d’être plus militant que journaliste. L’OJIM l’a écouté avec attention le 12 mai 2018 sur Franceinfo.

Aphatie offi­cie sur les ondes de Fran­ce­in­fo, entre autres très nom­breux lieux, radios et télévi­sions, où il ani­me chaque matin, en com­pag­nie de Bruce Tou­s­saint, une émis­sion d’entretiens poli­tiques cen­sés éclair­er le juge­ment des audi­teurs citoyens, par le prisme de points de vue diver­si­fiés car changeant d’angle chaque matin. L’émission s’intitule « 8 h 30 Tou­s­saint Aphatie », l’ego atrophié étant une car­ac­téris­tique habituelle du quidam social libéral arpen­tant les travées des médias offi­ciels. Aphatie est cen­sé tra­vailler comme jour­nal­iste lors de cette émis­sion, dif­fusée sur un média d’État, et ten­ter de faire ressor­tir le point de vue de ses invités sur l’actualité. Le sien, de point de vue, n’y ayant en théorie pas d’intérêt ni sa place, Aphatie n’étant pas un invité (de cette émis­sion du moins, car entre copains…) mais un employé. Pour­tant, la France entière con­naît l’homme de gauche en Aphatie. Que se passe-t-il donc dans les studios ?

Le lundi, c’est Calmels (14 mai 2018)

L’entretien débute par le rap­pel du drame du week-end par Apathie : « La bar­barie islamiste a frap­pé same­di », « vous exprimez votre colère, qu’est-ce qui nour­rit votre colère Vir­ginie Calmels ». La pre­mière vice-prési­dente des Répub­li­cains indique que « la France est le pays le plus touchée par des atten­tats dont on sent bien la main­mise de l’Etat Islamique (…) C’est ce qui inspire ces atten­tats ». Inter­rup­tion d’Aphatie : « Parce que la France est engagée aus­si dans beau­coup de com­bats et notam­ment sur le ter­rain syrien ». D’emblée, l’auditeur n’est plus dans une émis­sion où cha­cun occupe une place claire­ment définie, à com­mencer par le jour­nal­iste : ce dernier vient en creux d’exprimer une opin­ion (la France est le pays le plus touché car nous menons une poli­tique con­testable en Syrie, autrement dit c’est notre poli­tique qui est la cause des atten­tats islamistes que nous subissons).

Madame Calmels indique ensuite que 60 % des actes ter­ror­istes qui se sont pro­duits sur le ter­ri­toire français sont le fait de « fichiers S ». C’est l’origine de la « colère » : la sur­veil­lance fonc­tionne très bien. C’est donc la poli­tique gou­verne­men­tale qui ne va pas car le pou­voir ne met pas en place l’arsenal juridique adéquat : « nous sommes en guerre et il faut désign­er le mal, ce qui n’est pas fait tou­jours dans la classe poli­tique, on par­le d’attaques, on par­le d’agressions… ». Inter­rup­tion d’Aphatie pour faire écouter deux per­son­nal­ités poli­tiques « qui ont dit vous savez il faut être réal­iste, ces choses-là nous ne pour­rons pas tou­jours les éviter… » : Xavier Bertrand et Ben­jamin Griveaux. Ce dernier indi­quant qu’il « n’y a pas moyen d’éviter » des atten­tats comme celui du same­di 12 mai. Calmels : « Il n’y a pas à s’habituer à l’horreur (…) On ne va pas con­tin­uer à compter nos morts ».

Aphatie en arrive alors là où il veut aller : « Le jeune homme qui a com­mis l’attentat same­di soir, il est Français. Il a été nat­u­ral­isé Français il avait 13 ans. Alors, qu’est-ce qu’on remet en cause ? La nat­u­ral­i­sa­tion ? Il venait de Tchétchénie, alors on donne plus l’asile poli­tique ? ». Le jour­nal­iste ne prononce pas les mots « islam », « reli­gion musul­mane », « migrant » et insiste sur l’âge de la nat­u­ral­i­sa­tion. Là aus­si, la respon­s­abil­ité de la France est sous-enten­due. Surtout, Aphatie veut par­ler des ter­ror­istes de nation­al­ité française, Calmels insiste pour ne pas évac­uer ce qu’elle con­sid­ère comme aus­si impor­tant, le cas des ter­ror­istes de nation­al­ité étrangère. Se pro­duit alors une scène extra­or­di­naire où Apathie insiste, tend un doigt pro­fes­so­ral et dit « Nan, nan, nan, nan, nan (ricanant), nan na, il est Français (caméra sur le vis­age ricanant de Tou­s­saint qui, lui, sait ce que veut Apathie : cibler notre sup­posée respon­s­abil­ité dans ce que nous subis­sons) ». Insis­tance : « Celui-là est Français », « Je vous réponds », « Mais non… », « on va venir pré­cisé­ment à ce que vous dites », « mais je réponds à votre ques­tion », « Non, comme vous n’y répon­dez pas on va mar­quer une petite pause, et on va y revenir » (rires de Tou­s­saint)… Le jour­nal­iste ne con­duit pas un entre­tien mais veut faire enten­dre sur les ondes ce que lui pense de la situation.

Cachez cette rétention que je ne saurais voir

Après pause infor­ma­tion, reprise par Apathie : « Il ne s’agit pas de polémi­quer, il s’agit de com­pren­dre ». L’auditeur devine que le mot « polémi­quer » a été pronon­cé par Vir­ginie Calmels durant la pause. Aphatie veut des propo­si­tions con­crètes, pré­sup­posant que Les Répub­li­cains demeurent dans « la phrase générique qui ne veut rien dire ». Calmels indique que cer­tains sujets doivent être mis dans la Con­sti­tu­tion, par exem­ple la pos­si­bil­ité de met­tre en cen­tre de réten­tion des per­son­nes rad­i­cal­isées pour prévenir les atten­tats. L’objectif d’Apathie est de mon­tr­er que « l’on reste dans les général­ités » et que « ça manque de con­cret, voilà c’est tout ». Cette dernière phrase qui aurait sa place entre deux débat­teurs est éton­nante entre un jour­nal­iste et son invitée. Bruce Tou­s­saint inter­vient pour indi­quer que l’arsenal juridique existe et, avec l’assentiment d’Aphatie, dire que « celui-là (enten­dre le tueur islamiste musul­man) n’était pas très rad­i­cal­isé et n’avait pas fait d’acte très pré­cis », ceci pour bien faire com­pren­dre que des mesures préven­tives d’enfermement toucheraient des non coupables. Ce qui sem­ble, le 14 mai, une façon de voir plutôt mil­i­tante que jour­nal­is­tique, après que le tueur musul­man dont par­lent Aphatie et Tou­s­saint a tué une per­son­ne deux jours aupar­a­vant en ten­tant de l’égorger avec un couteau de cui­sine. À ce moment de l’émission, Aphatie et Tou­s­saint, les images le mon­trent de 13’ à 13’10, rica­nent de con­tente­ment, pen­sant avoir démon­tré la supéri­or­ité de l’idéologie anti autorité qui les ani­me (depuis 68).

Calmels insiste : « Notre arse­nal lég­is­latif ne per­met pas l’expulsion, ne per­met pas la réten­tion ». Inter­rup­tion d’Aphatie avec un ton de don­neur de leçon (véri­fi­er 13’56) : « non, non, juste­ment (la main en avant pour faire taire son invitée), mais encore une fois, non mais, non juste­ment, nous ne nous opposons pas à vous, vous faites une propo­si­tion forte et nous voulons vous la faire pré­cis­er (Aphatie regarde sa fiche en quête d’un moyen d’imposer sa vision du monde à son invitée et trou­ve) Je voudrais vous faire enten­dre Marine Le Pen, ce matin sur Radio Clas­sique, car elle par­le du cas pré­cis de la per­son­ne qui a com­mis l’attentat same­di et elle remet en cause l’idée même du droit d’asile ». Le choix des mots « per­son­ne qui a com­mis l’attentat » est révéla­teur (dire par exem­ple : « le musul­man assas­sin d’européens qui a tué des inno­cents » était au moins aus­si juste) ; vient surtout, à l’approche de la fin de l’émission, le but réel du mil­i­tant déguisé en jour­nal­iste : con­tin­uer à faire pass­er dans l’opinion publique son obses­sion de gauche libérale lib­er­taire, autrement dit que toute droite serait une extrême droite (Aphatie étant per­suadé que Marine Le Pen serait d’extrême droite).

Fran­ce­in­fo dif­fuse donc l’intervention de Marine Le Pen. S’ensuit de nou­veau une opin­ion du « jour­nal­iste » : « Cette famille tchétchène avait obtenu l’asile poli­tique parce qu’elle était men­acée de mort (accen­tu­a­tion forte sur le mot « mort ») dans son pays, c’est ce que la France fait tout le temps, et puis au bout du chemin voilà que quelqu’un qui a obtenu par le statut de réfugié poli­tique la nation­al­ité française et qui finit comme ter­ror­iste (tou­jours pas les mots « musul­man » ou « islamiste »), est-ce qu’il faut revoir toute cette chaîne ou en restrein­dre rad­i­cale­ment l’asile poli­tique ? ». La ques­tion en sous-tend une autre, comme sou­vent chez un Aphatie tou­jours trib­u­taire de sa for­ma­tion idéologique des années 70 : autrement dit, Calmels serait-elle en accord avec le FN, et donc la théorie d’une extrême droiti­sa­tion de la droite française, c’est-à-dire des méchants dans le logi­ciel apha­tien, serait-elle (une nou­velle fois, dirait Aphatie) avérée ? Calmels rap­pelle que l’asile poli­tique est « dévoyé » et que sou­vent cela sert de « fil­ière d’immigration ». Elle expose ensuite la manière dont se pro­duit la rad­i­cal­i­sa­tion et le rôle des mosquées salafistes dans le proces­sus, indi­quant que l’État n’est pas assez ferme. Inter­rup­tion d’Aphatie : « est-ce qu’il faut revenir sur la loi de 1905 pour à la fois per­me­t­tre que l’État forme des imams et que l’État fab­rique des mosquées pour éviter les prières de rue et les lieux incon­trôlées ? ». Un angle de vue qui n’est de nou­veau pas une ques­tion mais une manière de faire pass­er à l’antenne l’idéologie dans laque­lle Aphatie se posi­tionne, qu’il a le droit de suiv­re comme citoyen hors antenne ou quand il est l’invité d’une émis­sion, c’est plus dis­cutable quand il est l’hôte : ni islam ni musul­mans ne sont respon­s­ables de rien (pas d’amalgame en somme), la faute des atten­tats (dont le car­ac­tère islamiste et musul­man n’est jamais men­tion­né par Aphatie) résulte de la poli­tique de la France, des Français et de cette ambiance pré­ten­due d’islamophobie dont le jour­nal­iste mil­i­tant par­le sou­vent. Son invitée indique que l’État n’a pas à financer les lieux de culte. Elle est dans son rôle d’invitée, elle répond à une ques­tion. Inter­rup­tion d’Aphatie (jamais dans son rôle de jour­nal­iste, tou­jours dans celui d’un sec­ond invité, ce qu’il n’est pas, étant payé par la République pro­prié­taire de Fran­ce­in­fo) : « Donc ce sont les États étrangers qui finan­cent, con­crète­ment, si ». Il y a alors du mépris : « Si ce n’est pas l’État français, ce sont les États étrangers qui finan­cent, c’est assez sim­ple hein » (ton don­neur de leçon encore plus évi­dent à l’écran 17’05). Vir­ginie Calmels est entrée en poli­tique depuis qua­tre ans après une exis­tence de chef d’entreprise con­fron­tée au réel, elle appa­raît sur­prise d’être con­sid­érée comme une imbé­cile par le savant Aphatie mais, tal­entueuse, ne perd pas son calme et assène : « Je suis frap­pée de ne pas enten­dre les musul­mans mod­érés après cha­cun de ces atten­tats. On ne les entend pas. Nous atten­dons que les musul­mans de France aient une parole forte pour con­damn­er ce qui se passe ». Per­son­ne ne relève que mod­éra­tion et Islam sont contradictoires.

Nou­velle pause d’information. Les mots : « attaque au couteau », « l’ami du ter­ror­iste en garde à vue », tou­jours pas d’islam ni de musul­mans. Reprise au sujet du « manque de présence » de Macron au moment de l’attentat islamiste musul­man du same­di 12 mai. Vir­ginie Calmels juge le prési­dent « éton­nement absent ». Elle reproche au chef de l’État de ne pas avoir de plan d’action con­cret et de ne pas désign­er « claire­ment le mal » sous son nom « d’islamisme rad­i­cal », et rap­pelle que Macron s’est pronon­cé con­tre la déchéance de nation­al­ité et a dénon­cé « la laïc­ité rad­i­cale ». Calmels : « Ce n’est pas la laïc­ité qui est rad­i­cale dans notre pays, c’est l’islamisme ». Elle dénonce l’immobilisme, ce en quoi Aphatie ne l’interrompt pas, l’émission touchant à sa fin.

Dans « Tou­s­saint Aphatie », il n’y a ain­si pas d’hôte mais des invités con­fron­tés à un idéo­logue en chef. Ce qui con­tin­ue à éton­ner, dans un pays cen­sé­ment répub­li­cain et démoc­ra­tique, est qu’un tel idéo­logue inter­vi­enne sur un média public.

Crédit pho­to : cap­ture d’écran vidéo France Info.

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