Des cheeseburgers et autres plats vegan à huit euros ; à dix mètres du stand « veggi », un baby-foot « inclusif » : les figurines appartiennent à différents groupes ethniques et sexes. La lourde table est décorée de slogans tels que « bienvenue aux réfugiés », « féminisme intersectionnel » et « non à l’étouffement des genres ». Un public majoritairement jeune ; de nombreux visiteurs portent des t‑shirts avec des slogans politiques comme « FCK NZS/on …les nazis ». Cheveux colorés, piercings faciaux et tatouages partout.
Salon numérique de référence
Après trois ans de mise en ligne en raison de la pandémie, le 8 juin le salon numérique re:publica 22 a rouvert ses portes. Sur son site Internet, les participants sont désignés comme « un échantillon représentatif de notre société (numérique) ». Scientifiques, politiques, entrepreneurs, blogueurs, ONG et autres acteurs s’y expriment depuis 2007 sur les opportunités et les dangers de la numérisation, mais aussi sur d’autres questions de société.
Quartier bobo et musique ad hoc
L’événement commence sur la scène principale de la salle des fêtes de Kreuzberg (quartier de la « contre-culture » et bobo à Berlin, n.d.t.), la salle est pleine à craquer et 15 minutes avant le début, il est presque impossible de trouver une place, les visiteurs sont au coude à coude. Quelques minutes avant le discours d’ouverture, une musique forte retentit de grands hauts-parleurs : « Hourra, le monde s’effondre » du groupe de hip-hop berlinois K.I.Z. suivi directement de « Give peace a chance » de John Lennon.
En colère depuis des décennies
Une co-fondatrice de re:publica, Tanja Haeusler, prend la parole et parle de ce qu’elle considère comme des débats importants de notre époque : « La colère se répète depuis des décennies », dit-elle, faisant référence à la numérisation, au changement climatique, à la pandémie et à la guerre en Ukraine. Elle est suivie par son collègue Markus Beckedahl, qui lui, souligne que plus de 400 conférences, ateliers et discussions attestent que l’Allemagne d’aujourd’hui vit dans une « pandémie de désinformation, de haine et d’agitation ». Les organisateurs se sentant tenus à la diversité, la participation d’intervenants féminins atteint presque les 50 %, ce qui serait selon eux à louer vivement.
Personnalités du gouvernement et d’internet
La foire re:publica se considère comme un « festival de la société numérique » et « la plus grande conférence du genre en Europe ». Un regard sur les noms des conférenciers invités fait penser que cette auto-description n’est pas exagérée. Outre des personnalités de l’Internet telles qu’Eva Schulz (journaliste née en 1990, présentatrice de télévision et productrice de contenus sur Instagram et Twitter – n.d.t.), et Tilo Jung (né en 1985, journaliste et podcasteur – n.d.t.), des acteurs importants du monde des médias, tels que le directeur du magazine télévisé de la chaîne ARD “MONITOR”, Georg Restle, et le directeur du programme télévisé de la chaîne WDR Jörg Schönenborn, sont à l’honneur. Des personnalités de haut rang du gouvernement fédéral, comme Nancy Faeser, ministre de l’Intérieur, ou encore Olaf Scholz, chancelier, tous deux membres du SPD (Parti socialiste, n.d.t.), viennent partager leurs réflexions sur la sécurité intérieure en temps de guerre en Ukraine et sur « l’ère tournante de la politique numérique » avec les visiteurs.
Sur des scènes de la taille d’un grand amphithéâtre et dans de petites salles, re:publica propose des forums de discussion sur d’autres sujets que celui de la numérisation : « Qu’est-ce qu’une médecine anti-raciste ? » ou bien « Qu’est-ce que la politique étrangère féministe ? ». Financés par le ministère fédéral de l’Intérieur, l’Agence fédérale pour l’éducation civique et la Fondation Amadeu Antonio, mais aussi par des entreprises privées telles que SAP, Google, IKEA et YouTube, les intervenants oscillent entre la peur de la catastrophe climatique et de la Nouvelle Droite, et l’espoir d’un avenir sans discrimination.
Des urinoirs pour femmes et des néologismes « appropriés aux genres »
Des avis sur les portes devant les toilettes informent qu’il y a des urinoirs pour les femmes, d’autres appellent à la vaccination (corona) et au port du masque. Partout sur le site, des affiches invitent les visiteurs à se sensibiliser. Il s’agirait de créer une atmosphère dans laquelle tout le monde se sentirait à l’aise, indépendamment de la couleur de peau, du sexe, de la religion, des préférences sexuelles, etc. Les affiches indiquent : « Les incidents qui font que les gens se sentent attaqués, méprisés, discriminés, blessés, dégradés ou dépassés ne seront pas admis. »
La CDU mécène
Bien que la Fondation Konrad-Adenauer, affiliée à la CDU, soit l’un des mécènes de longue date, les opinions et les acteurs de la droite du centre politique sont introuvables. Des anglicismes et des néologismes « adaptés au genre » parcourent comme un fil rouge la plupart des contributions. La vraie vie devient la « real life », le préjugé devient un « bias ». Le masculin générique s’échappe de temps à autre d’un haut-parleur, vite complété par la forme féminine.
L’autocritique des grands médias ne manque pas. La correspondante de l’ARD, Ina Ruck, par exemple, critique le fait que les maisons établies laissent trop de « personnes comprenant Poutine » s’exprimer. Ann-Katrin Müller, du Spiegel, se plaint pour sa part que, pendant la phase extrême de la pandémie, des voix « douteuses » telles que celles des Professeurs Hendrick Streeck et Alexander Kekulé recevaient trop d’attention.
Une étudiante en biologie en est certaine : “Il y a bien plus que deux sexes”
Les discussions sur la lutte contre l’autoritarisme à Hong Kong et les reportages de guerre indépendants en Ukraine alternent avec le transgenre et le « bingo de la vulve ». Ce jeu compare les synonymes et les métaphores linguistiques de l’organe sexuel féminin dans différentes langues ; son objectif serait de réduire la honte et les préjugés.
Dans « Attaque Peng ! Sauvetage en mer en Méditerranée », les « Seapunks/punks des mers » se présentent et racontent comment leur est venue l’idée de faciliter la traversée des migrants vers l’Europe. L’un des orateurs porte un T‑shirt avec l’inscription « SAR » (Search and Rescue, sigle de l’Organisation maritime internationale définissant certaines zones de recherche et sauvetage en mer – n.d.t.) clairement inspirée de l’emblème de la RAF (Rote Armee Fraktion/Fraction armée rouge, organisme terroriste des années 1970 à fin des années 1990 – n.d.t.).
Une étudiante en biologie donne une conférence sur la transsexualité et l’homosexualité dans le règne animal et déclare qu’il y aurait aussi bien plus que deux sexes chez les êtres humains. Un auditeur lui demandant ce que cela signifierait en termes de compétition sportive, si des hommes biologiques s’identifiant comme des femmes étaient autorisés à concourir dans les sports féminins à l’avenir, la conférencière n’a pas eu de réponse claire ; cela resterait à décider au cas par cas, le plus important étant de ne discriminer personne. Ce fut là l’une des rares questions critiques du public.
Source : Junge Freiheit, 14/06/2022. Traduction : AC