Ajouté d’urgence à la loi Macron par le Sénat, un amendement instituant une taxe de 20 % sur la plus-value en cas de revente de fréquences de la TNT a été supprimé par l’Assemblée nationale, avant d’être finalement réinséré dans la loi ces derniers jours.
L’amendement avait été adopté par le Sénat le 6 mai 2015 en réaction à l’annonce du rachat par NextRadioTV de la chaîne Numéro 23. Pour l’acquérir, le groupe dirigé par Alain Weill, qui possède déjà BMFTV et RMC Découverte, a déboursé la coquette somme de 90 millions d’euros… pour une fréquence qui avait été attribuée gratuitement par le CSA à Pascal Houzelot, le patron de la chaîne, il y a moins de trois ans.
Si l’affaire est légale, de nombreuses voix s’étaient néanmoins élevées contre ce qui s’apparente à un trafic de fréquences plus que discutable sur le plan moral. C’est ce qui a poussé les sénateurs à relever la taxe sur la revente d’une fréquence TNT de 5 à 20 %, avec le soutien de la ministre de la Culture, Fleur Pellerin. Car si la vente est d’ores et déjà conclue, il manque encore l’agrément du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Il n’y avait donc pas de temps à perdre pour les contestataires, désireux de faire appliquer le texte avant la décision des Sages.
Sauf que… jeudi 11 juin : coup de théâtre ! À l’occasion d’une nouvelle discussion de la loi Macron à l’Assemblée nationale, l’amendement a été purement et simplement supprimé, à la plus grande satisfaction du ministre de l’Économie, qui s’est justifié à la tribune en assurant qu’un nouveau projet de loi porterait « un véhicule législatif mieux adapté » à la question…
Les réactions n’ont pas tardé. Pour la député UDI Catherine Morin-Desailly, il s’agit d’une « suppression incompréhensible » qui, dans les faits, revient à « avaliser les conditions de vente de Numéro 23 ». Et celle-ci de souligner, sur son blog, que « la gauche devra assumer face aux Français d’avoir entériné des pratiques parmi les plus discutables du ‘monde de la finance’ favorisant, qui plus est, l’enrichissement de personnalités réputées proches des cercles actuels du pouvoir ». Et c’est là que le bât blesse.
Pascal Houzelot, patron de Numéro 23 et, de fait, principal bénéficiaire de cette revente juteuse, entretient en effet des liens avec certains membres du gouvernement. Lobbyiste, nommé récemment Chevalier des Arts et des Lettres par la ministre de la Culture, l’homme est également réputé pour organiser des dîners privés avec le gratin politico-médiatique : Olivier Schrameck, Manuel Valls, Fleur Pellerin, et même Emmanuel Macron. De quoi éveiller bien des soupçons de petits arrangements entre copains…
Car avec cette suppression, l’amendement n’était pas prêt de revoir le jour avant de longs mois. De quoi laisser tout le temps au CSA pour avaliser la revente (sans doute avant ses vacances annuelles en août)… et ainsi épargner cette vente scandaleuse d’une taxation accrue.
Mais face au tollé provoqué par ce retrait, l’affaire a connu un dernier rebondissement. Mardi 16 juin, le gouvernement a en effet réintroduit l’amendement dans la loi Macron en commission. Il plafonne le montant de la taxe à 26 % de la plus-value réalisée sur la vente de la chaîne, et garde le système de taxation à 20 % si la chaîne est cédée moins de cinq ans après son attribution par le CSA.
Celui-ci devrait donc entrer en vigueur avant que le CSA ne donne son agrément à la revente de Numéro 23, et donc imposer une taxation à cet acte. À moins qu’un nouveau rebondissement n’intervienne d’ici là…