[Rediffusion – article publié initialement le 14/09/2017]
À en croire certains médias français, le gouvernement conservateur au pouvoir en Pologne serait en train de commettre un nouveau méfait : une réforme de l’éducation ! On nous parle de la suppression des collèges avec à nouveau, comme ce fut le cas jusqu’en 1998, un système avec 8 ans d’école primaire suivis de 4 ans de lycée, ce que certains médias français considèrent comme un retour « à l’époque communiste » (RFI), un « retour en arrière » (BFMTV) ou même « un retour au modèle soviétique d’antan » (La Croix). Les raisons de cette suppression des collèges ne sont pas expliquées, et il n’est pas précisé non plus qu’il s’agissait d’une promesse électorale du PiS démocratiquement élu.
Mais c’est sur les nouveaux programmes scolaires de l’école primaire (les nouveaux programmes du lycée n’entreront en vigueur que pour la rentrée 2019 et ils sont encore en discussion) que les trois médias cités plus haut vont le plus loin, n’hésitant pas à recourir à des mensonges grossiers, se disant sans doute que leurs lecteurs/auditeurs n’iront pas comparer leurs affirmations avec le contenu (en langue polonaise) de ces programmes mis en ligne à l’intention des enseignants polonais sur le site du ministère de l’Éducation à Varsovie. Ils ne sont d’ailleurs sans doute pas allés les consulter au-même, contrairement au correspondant en Pologne de l’Observatoire du journalisme.
Commençons par Lech Walesa. Pour RFI et La Croix, il ne sera désormais plus mentionné en cours d’histoire parce que le PiS le déteste, l’accusant même d’avoir été un collaborateur du régime communiste. Or cette information lancée par certains médias d’opposition polonais a été démentie par la ministre de l’Éducation et corrigée par ces mêmes médias d’opposition. Walesa fera partie des personnages importants du syndicat Solidarité étudiés, même si son nom n’est pas plus spécifiquement mentionné dans les programmes qu’il ne l’était avant. Notons au passage que la collaboration de Walesa avec la police politique au début des années 70 est désormais prouvée, mais cela n’est pas précisé pour les lecteurs/auditeurs français.
En cours de polonais, « au lieu de lire Harry Potter, les adolescents devront lire l’intégralité de Messire Thadée, célèbre poème polonais d’Adam Mickiewicz. Ce sont 12 grands chapitres écrits en vers », nous dit encore le correspondant de RFI. Faux, encore une fois, puisque les nouveaux programmes de polonais pour l’école primaire précisent bien dans la liste des lectures obligatoires, pour ce poème, « fragments », en précisant certains fragments obligatoires, les autres étant laissés à l’appréciation des enseignants.
Pour ce qui est de la biologie, le journal La Croix prévient : « Terminé Darwin et la théorie de l’évolution. Les thèses de l’apparition de l’homme n’apparaîtront plus en biologie, mais en cours de religion. » Plus prudent, le correspondant de RFI raconte : « Il se dit également qu’en biologie, la théorie de l’évolution serait supprimée des programmes au profit de cours de religion… » Mensonge grossier. Les cours de catéchisme existent déjà dans les écoles publiques polonaises (sans être obligatoires), et les nouveaux programmes de biologie (obligatoires) laissent une large place à la théorie de l’évolution.
Le reproche qui a été formulé par certains à la fin de l’année dernière, quand les nouveaux programmes ont été connus (n’en déplaise à La Croix qui prétend qu’il s’agit d’une « réforme entamée il y a seulement huit mois » et qui a « pris au dépourvu » les chefs d’établissement), est qu’elle est un des grands points du programme de biologie, au même titre par exemple que l’organisme de l’homme ou la génétique, mais qu’elle n’est plus présentée comme devant orienter tous les sujets de biologie. En ce qui concerne l’étude de l’apparition de l’homme qui inquiète La Croix, on trouve parmi les approches indiquées dans les nouveaux programmes, à propos de l’évolution de la vie sur Terre : « similitudes et différences entre l’homme et les grands singes en tant que résultats des processus évolutifs ».
Curieusement, alors qu’il n’y aura pas moins de classes, BFMTV parle de 9000 postes d’enseignants supprimés à l’occasion de cette réforme. Le ministère de l’Éducation polonais parle au contraire de créations de postes. C’est donc la parole de BFMTV (qui ne précise pas la source de son information) contre celle de la ministre qui détaille au contraire d’où viennent ces créations de postes (une heure supplémentaire au programme et suppression des classes jointes qui existaient dans certains collèges avec peu d’élèves). Un parti-pris anti-polonais des médias français ?
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