Déjà présent sur Arte pour les infos du soir, Renaud Dély a profité du mercato d’été pour asseoir sa position étatique en rejoignant Franceinfo. Cela méritait une petite écoute matinale.
Renaud Dély, alias délit d’opinion, ayant pu être qualifié de « maître étalon du politiquement correct » n’est pas un inconnu des lecteurs de l’OJIM ou des habitués des médias mainstream. Comme on le trouve presque dans tous les médias officiels, il n’est pas surprenant de voir que Renaud Dély est passé par Libération, Le Parisien, Marianne, France Inter, le Nouvel Observateur, France 5, So Foot, RTL, Arte (« 28 minutes »), de nouveau Marianne, comme directeur de la rédaction en mai 2016. Un poste qu’il quitte en juillet 2018 pour rejoindre Franceinfo. Renaud Dély y officie depuis la rentrée médiatique de septembre 2018 en compagnie de Marc Fauvelle, pour l’interview politique de 8 h 30, en remplacement du couple Aphatie/Toussaint. Les médias de l’État sont les lieux de repli, home sweet home, des petits soldats de la « Médiarchie » (Yves Citton, Médiarchie, Seuil) et le turn over est une condition du maintien de la même parole médiatique un peu partout. Les mêmes voix, les mêmes plumes, chacun à son tour sur le même fauteuil.
Un petit tour avec Dély
Franceinfo, c’est un des nombreux médias de l’État français, financé par l’argent public. Un média qui donne au monde une image de la France contemporaine, tout en orchestrant l’opinion quotidienne. Du coup, être en responsabilité de l’interview politique de 8 h 30 n’est pas anodin. Un peu d’écoute, au hasard : le 7 septembre 2018, Marc Fauvelle et Renaud Dély, dont les obsessions au sujet des diverses droites, et particulièrement de tout ce qui a trait aux droites souverainistes, sont de notoriété publique, recevaient Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement National au sujet de l’élection d’un remplaçant au perchoir de l’Assemblée Nationale, de « la difficile rentrée du gouvernement » et plus généralement de l’actualité politique. Verbatim :
Démission de Hulot et climat
- Dély lance Chenu sur la démission de Nicolas Hulot, indiquant que parmi les « véritables enjeux de cette rentrée » il y a « l’enjeu climatique ». La réponse de Chenu porte sur le fait que le réchauffement climatique induit « 250 millions de migrants climatiques potentiels ». Ce n’est pas l’objectif de Dély qui insiste : « Mais, sur le réchauffement climatique, c’est quoi le programme du Rassemblement National, j’ai regardé j’ai rien trouvé » (petit sourire en coin). D’emblée, le soldat Dély est redevenu petit militant libéral libertaire et le journaliste a disparu. Il n’y a pas d’interview mais un interrogatoire dont l’objectif est de délégitimer les conceptions du courant que Dély s’est donné comme ennemi depuis son passage à Libération il y a plus de vingt ans. Instance accusatrice : « Vous êtes pour le diesel ». Autre instance : « Vous êtes contre l’éolien ». Chenu indique que « son efficacité n’est pas prouvée ». Intervention agacée de Marc Fauvelle : « Comment ça son efficacité n’est pas prouvée ? Cela ne produit pas d’électricité ? ». Vraie malhonnêteté des deux militants (pardon, journalistes) qui ne peuvent ignorer — étant donné leur métier — les critiques concernant l’éolien. Sourire de Marc Fauvelle, dont il faut rappeler qu’il n’est pas là, pas plus que Dély, pour combattre une opinion mais pour donner la parole à un invité que l’on soit d’accord avec lui ou pas.
Wauquiez et l’immigration
- Second thème : la rentrée politique de Laurent Wauquiez sur l’immigration. Ou plutôt une obsession libérale culturelle : la négation de l’immigration. Un extrait du discours de Laurent Wauquiez parlant de « l’immigration de masse » devenue « une menace culturelle pour la civilisation européenne» est diffusé. Dély se demande quelle est la différence avec le RN. Réponse très critique de Chenu contre Wauquiez. Comme cela ne prend pas la tournure voulue, et comme un cheveu sur la soupe, Dély coupe la parole à son invité : « Donc, vous, vous prônez l’union des droites avec Wauquiez ? ». Et dans la foulée: « C’est un problème cet isolement du RN, cet isolement depuis la création du FN ?» Dély voudrait savoir qui dirigerait la liste du RN aux européennes : « On évoque un économiste inconnu du grand public, Hervé Juvin ». Manière automatique de décrédibiliser, pourtant Juvin doit être un peu connu au moins autant que le nom de « Renaud Dély » auprès du « grand public ». Insistance méprisante (dans le ton, cela mérite d’être entendu ici, 13’53 pour l’insistance sur le « qui »).
Les élections européennes
- C’est déjà le troisième thème : l’Europe et les élections qui approchent. Dély : « Alors, en vue des prochaines élections européennes en mai prochain, il y a un clivage qui se met en place [que les médias et les tenants de Bruxelles mettent en place en effet depuis début septembre en réalité] entre d’un côté les nationalistes et de l’autre les progressistes, pour reprendre les termes d’Emmanuel Macron [Dély pouvait spécifier ce clivage en d’autres termes, par exemple entre européens souverainistes et européens libéraux, mais ce n’est pas le meilleur choix militant], en l’occurrence Viktor Orban le premier ministre hongrois et Mateo Salvini, le ministre de l’intérieur italien, ont fait d’Emmanuel Macron leur principal adversaire fin août et voici comment le chef de l’État leur a répondu ». Tout est ici militant : la parole est uniquement donnée à Macron, le ton et les mots ne donnent aucun crédit aux visions autres. Les deux journalistes omettent d’indiquer que l’offensive ne vient pas d’abord d’Orban ou de Salvini mais de Macron qui peu après son élection attaquait fortement ce qu’il qualifiait alors de « danger illibéral ». Notons la citation de Macron : « Je ne cèderai rien aux nationalistes et à ceux qui prônent ce discours de haine ». Haine ? Haine de qui, de quoi ? Ni Fauvelle ni Dély ne relèvent.
La présidence de l’Assemblée Nationale
- Dernier thème, la présidence de l’Assemblée Nationale. Objectif de Fauvelle : coincer son invité sur le thème des « affaires ». En gros, si des affaires potentielles pèsent sur Richard Ferrand, ne devrait-il pas se mettre en retrait, tout comme la patronne du RN bien entendu ? Le visage et la réaction de Fauvelle méritent d’être regardés (à partir de 20’35). Dély : « À propos d’affaires, on a appris hier la quinzième des mises en examens de responsables du RN (…) soupçonnés de détournement de fonds publics. Elle doit aussi prendre du recul, Marine Le Pen ? ». Chenu indique que François Bayrou et son parti sont soupçonnés des mêmes faits mais « qu’il n’y a pas de juges nommés pour le poursuivre ». Les journalistes ne semblent pas trouver étrange que l’un soit poursuivi, l’autre pas. Dély : « C’est une machination ?», suggérant que le RN pourrait être «complotiste ».
Pour finir, Chenu s’interroge sur le fait qu’un parti politique se voit supprimer ses moyens financiers sans avoir été condamné, ce qui devrait choquer des militants de gauche tels que Dély et Fauvelle, soucieux de la défense de la démocratie. Au vu de cet entretien, Dély et Fauvelle semblent surtout attachés à leur démocratie personnelle, celle de leurs privilèges entre amis.