Dans une première partie mise en ligne le 15 janvier, l’OJIM a présenté une revue de presse de l’immigration clandestine vers l’Europe qui redouble en Méditerranée, malgré la crise sanitaire et économique qui secoue le continent. Fort logiquement, après avoir constaté que, sous l’œil bienveillant des médias de grand chemin, c’est tout un écosystème qui favorise l’arrivée de clandestins en Europe en général et en France en particulier, nous présentons aujourd’hui la couverture médiatique de la répartition administrée des migrants dans les régions françaises.
La demande d’asile pour prendre pied en France
Pour s’installer en France et avoir un viatique, de très nombreux étrangers arrivés clandestinement font une demande d’asile auprès des autorités de notre pays. Avec le réalisme qu’on lui connait, le directeur de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) constatait dans les colonnes du Figaro pendant le premier confinement que « les personnes qui se tournent vers l’asile (le font) pour bénéficier d’une allocation à défaut d’autres revenus en temps de confinement ».
Comme le soulignait Le Monde en novembre 2019, les clandestins qui arrivent en France ont été fréquemment déboutés de leur demande d’asile dans un autre pays européen. Le laxisme des autorités et de la réglementation en la matière a fait de la France en 2019, comme nous le rappelait le Point, le premier pays européen pour le nombre de demandes d’asile. En 2020, si la tendance est selon Eurostat à une baisse du nombre des demandes d’asile en Europe, la France fait toujours partie des 3 pays européens qui ont reçu le plus de demandes et qui concentrent les 2/3 d’entre elles en Europe, selon des informations recueillies par le site d’information European views.
Les éloignements à l’arrêt, la nouvelle martingale est la répartition
La région parisienne est devenue, comme nous le relevions en août 2020 dans une revue de presse, un « hub », une plate-forme où arrivent de très nombreux clandestins en vue d’une mise à l’abri organisée par les pouvoirs publics. Des mises à l’abri tellement nombreuses que la préfecture de région d’Ile de France a cessé de les recenser sur son site. Mais de nombreuses grandes villes de province ne sont pas en reste, comme le soulignait un article de l’OJIM début 2018.
La revue de presse du 15 janvier a permis de constater que les éloignements du territoire national des étrangers en situation irrégulière étaient presque à l’arrêt. Plutôt que d’endiguer l’afflux migratoire de plus en plus massif et de remettre en cause les droits qui permettent aux clandestins de rester en France, le gouvernement a choisi de… répartir les migrants en surnombre en Ile de France sur l’ensemble du territoire. Si la pratique n’est pas nouvelle, elle prend de l’ampleur cette année. Cette politique est désormais officiellement présentée aux médias et sur le site du ministère de l’intérieur.
Des articles très majoritairement favorables à la répartition des migrants sur le territoire
Les journaux de grands chemin n’affichent pas un soutien trop marqué au plan de répartition des migrants dans les différentes régions françaises. Par contre, le choix des termes pour désigner les clandestins, les personnes interrogées pour commenter ce plan, le choix des photos et des vidéos pour illustrer les articles sont des choix éditoriaux discrets mais bien réels, et souvent efficaces pour convaincre le lecteur que cette répartition, c’est quand même une bonne chose qui va résoudre bien des problèmes.
Nouveau schéma d’accueil
Le 18 décembre, 20 Minutes nous informe que la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, « a annoncé vendredi la mise en place d’un nouveau schéma d’accueil des demandeurs d’asile à partir de janvier 2021 dans le but de « desserrer la pression » en Ile-de-France, lors d’un déplacement dans un centre d’accueil à Livry-Gargan ». Nous reviendrons plus tard sur cet article.
Le Républicain Lorrain détaille également le 6 janvier « le plan pour envoyer des migrants en région ». Le quotidien donne la parole à Marlène Schiappa, qui vante le dispositif du gouvernement et met en avant « la belle histoire » d’un migrant parti à Pau, qui a trouvé un travail, un logement et va bientôt être naturalisé français. L’article ne souligne évidemment pas qu’un travail et un logement à soi sont une perspective bien lointaine pour de nombreux jeunes Français, mais nous nous égarons…Cette storytelling conforme aux préconisations de l’Union européenne vise à mettre en avant une situation individuelle, une tranche de vie, pour provoquer l’empathie, plutôt que de présenter l’immigration comme un problème collectif : l’afflux d’extra-Européens dans un continent en pleine crise sanitaire, économique et identitaire.
La seule réserve émise dans l’article émane du directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qui déclare que « La France est moins sévère dans l’examen des situations. Beaucoup de perdants du système européen de l’asile considèrent que nous sommes leur dernier recours ».
Répartir l’effort
Dans les colonnes du Monde le 8 janvier 2021, le directeur de l’OFII, encore lui, n’émet plus aucune réserve et défend le plan de répartition des migrants sur le territoire français : il « plaide pour une meilleure répartition territoriale de l’effort ». Une façon de « desserrer la pression sur l’ile de France » soulignée dans l’édition du 26 décembre du quotidien vespéral.
Le Figaro présente le 8 janvier de façon détaillée le plan de répartition des clandestins et donne également des explications à l’engouement des migrants pour la France, qui y sont beaucoup mieux traités que dans d’autres pays.
Le journal gratuit 20 Minutes décrit également dans un article écrit à partir d’une dépêche de l’AFP le « rééquilibrage territorial » de manière factuelle. Une vidéo est insérée dans l’article. Elle est présentée par le journal comme relatant un « violent démantèlement d’un camp de migrants à République » à Paris en novembre 2020. Cette présentation fait l’impasse sur le fait que l’intervention des forces de l’ordre visait à mettre fin à un occupation illégale de la place de la République par des étrangers en situation irrégulière, une occupation encadrée par des militants d’extrême gauche et mise en scène grâce aux médias de grand chemin. Mais l’essentiel n’est-il pas que le lecteur retienne de cette mise en scène orchestrée la « violence » des policiers contre les migrants ?
L’occupation illégale de places publiques devient visiblement une technique rodée et un moyen de pression efficace : un responsable associatif n’hésite pas à en brandir la menace dans une tribune sur le site de Médiapart le 14 janvier 2021 si aucune solution de logement n’est trouvée pour des migrants présents à Paris.
On cherche vainement la contradiction dans les articles des médias de grand chemin, même si certains mentionnent sans le qualifier comme tel le dévoiement du droit d’asile, avec des migrants qui tentent leur chance en France après avoir été contraints de quitter un autre pays européen. L’avis de responsables du principal parti d’opposition, le Rassemblement national, n’est quasiment jamais sollicité, alors que l’immigration est l’un de ses thèmes de prédilection. On aura compris qu’il s’agit d’éviter de mettre une large partie de l’opinion publique en congruence avec des responsables de ce parti politique, comme le confirme notamment un sondage de l’IFOP en 2018.
Une frange des médias donne la parole à des opposants au plan de répartition
À côté de cette présentation lénifiante du plan de répartition des clandestins, appelés par Le Monde des « exilés », quelques médias permettent à des opposants à la décision du gouvernement de s’exprimer et présentent de façon critique la politique du gouvernement en la matière.
Parmi les médias régionaux, Infos Dijon donne la parole le 23 décembre au conseiller régional RN Julien Odoul, qui constate que « le gouvernement veut multiplier par 2,5 le nombre de migrants en Bourgogne France Comté ».
« La répartition des migrants dans les régions n’épargne pas la Bretagne », souligne Breizh Info le 11 janvier. Le site d’information breton précise que « cette « solidarité territoriale » prônée par Marlène Schiappa réserve une place de choix à la Bretagne puisque la région administrative va devoir multiplier par plus de 2 son accueil des migrants ».
En Nouvelle Aquitaine, c’est selon Boulevard Voltaire « 2 000 migrants en plus par an. (…) C’est cadeau, c’est noël ! », souligne Gonzague Malherbe.
Parmi les médias nationaux, Sputniknews présente le 11 janvier dans un article différents aspects de cette répartition de migrants sur le territoire national, en exposant des points de vue favorables et des points de vue opposés, une pluralité que l’on ne retrouve pas ou peu dans les médias de grand chemin.
Jean-Paul Garraud en pointe
Le Figaro consacre le 12 janvier un article à la polémique autour du « plan Schiappa ». Le président de l’Association professionnelle des magistrats et député européen RN Jean-Paul Garraud « tire à boulet rouge sur le ministère de l’Intérieur ». Le mensuel Causeur donne également une tribune à Jean-Paul Garraud, très en pointe sur le sujet, intitulée : « Répartitions des migrants dans les régions, c’est non ».
RT France permet le 15 janvier à des élus du Rassemblement national de s’exprimer sur le sujet, qui soulignent que ce plan ne résout rien.
Avec son franc parler habituel, le sénateur Stéphane Ravier se dit « favorable à la répartition des migrants dans les régions… de leurs pays d’origine. Plutôt que répartir, il faut repartir. Il n’y a pas que la région parisienne qui est engorgée, c’est la France qui est engorgée ». Une position qu’il a également défendue sur le plateau de C News le 13 janvier.
Le mensuel l’Incorrect donne largement la parole à un député LR, Sébastien Meurant, qui non seulement dénonce ce dispositif mais également expose les raisons pour lesquelles il est nocif pour le pays : appel d’air vis-à-vis des aspirants migrants, détournement de l’attention pour éviter de pointer du doigt l’absence de maitrise de l’immigration par le gouvernement, etc.
Comme le souligne Valeurs actuelles le 13 janvier, ce plan est critiqué parce qu’il risque de « provoquer un appel d’air » et de susciter de nouvelles arrivées en France de migrants. Un argument qui n’est jamais évoqué par les médias de grand chemin.
Sur CNews, un des rares médias mainstream où la pluralité d’opinion existe, Éric Zemmour met les pieds dans le plat le 12 janvier dans Face à l’info :
« Au lieu de répartir les migrants par train et bus en France, il faut les répartir par avion chez eux ».
Quel débat en somme ?
Cette revue de presse permet de constater que si quelques articles de médias catalogués à droite ou pratiquant le pluralisme font état de l’opposition de leaders politiques, les médias de grand chemin ne cherchent aucunement à faire de ce vaste plan de répartition d’extra-Européens dans les régions un sujet de débat.
On ne saura pas par exemple si les Français sont favorables à répartir les migrants en province plutôt que de les renvoyer chez eux. Nous ne saurons pas autre chose sur le coût de cette opération que le coût individuel des allocations perçues par chaque migrant. Une opération que la ministre Marlène Schiappa a appelé à renouveler en 2022, voire à amplifier. Aucune question également sur le choix du gouvernement de favoriser les retours volontaires avec de généreuses aides qui peuvent aller jusqu’à 10 000 euros par individu, un montant qui n’est peut-être pas pour rien dans l’afflux de clandestins d’autres pays européens vers la France.
Les « engagements » que la France honorerait selon le document officiel en procédant à cette répartition ne sont pas davantage questionnés, alors qu’ils donnent des droits exorbitants aux clandestins à se maintenir dans le pays, indépendamment du contexte sanitaire et économique.
Plus largement, c’est la soutenabilité de la croissance continue des arrivées d’extra-Européens en France qui n’est pas interrogée, comme l’absence de quotas dans notre pays, alors que certains pays européens en ont instaurés avec réalisme. Ce plan de répartition n’est-il pas aussi, comme le souligne un article de la fondation Polémia une pièce du puzzle d’une « politique de peuplement du gouvernement français » qui ne dit pas son nom ? Ne parlons pas de la question des droits individuels qui s’opposent au droit collectif du peuple français à sa continuité historique et à sa cohésion…
Il y avait effectivement matière à engager un débat de fond sur ce plan de répartition des migrants, ce qu’il révèle et ce qu’il implique. Une fois de plus, les médias de grand chemin n’y auront pas ou peu contribué. Une occasion ratée, une de plus.