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Répartition des migrants dans les régions françaises : les médias de grand chemin entre neutralité et approbation. Deuxième partie

18 janvier 2021

Temps de lecture : 11 minutes
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Répartition des migrants dans les régions françaises : les médias de grand chemin entre neutralité et approbation. Deuxième partie

Temps de lecture : 11 minutes

Dans une première partie mise en ligne le 15 janvier, l’OJIM a présenté une revue de presse de l’immigration clandestine vers l’Europe qui redouble en Méditerranée, malgré la crise sanitaire et économique qui secoue le continent. Fort logiquement, après avoir constaté que, sous l’œil bienveillant des médias de grand chemin, c’est tout un écosystème qui favorise l’arrivée de clandestins en Europe en général et en France en particulier, nous présentons aujourd’hui la couverture médiatique de la répartition administrée des migrants dans les régions françaises.

La demande d’asile pour prendre pied en France

Pour s’installer en France et avoir un via­tique, de très nom­breux étrangers arrivés clan­des­tine­ment font une demande d’asile auprès des autorités de notre pays. Avec le réal­isme qu’on lui con­nait, le directeur de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) con­statait dans les colonnes du Figaro pen­dant le pre­mier con­fine­ment que « les per­son­nes qui se tour­nent vers l’asile (le font) pour béné­fici­er d’une allo­ca­tion à défaut d’autres revenus en temps de con­fine­ment ».

Comme le soulig­nait Le Monde en novem­bre 2019, les clan­des­tins qui arrivent en France ont été fréquem­ment déboutés de leur demande d’asile dans un autre pays européen. Le lax­isme des autorités et de la régle­men­ta­tion en la matière a fait de la France en 2019, comme nous le rap­pelait le Point, le pre­mier pays européen pour le nom­bre de deman­des d’asile. En 2020, si la ten­dance est selon Euro­stat à une baisse du nom­bre des deman­des d’asile en Europe, la France fait tou­jours par­tie des 3 pays européens qui ont reçu le plus de deman­des et qui con­cen­trent les 2/3 d’entre elles en Europe, selon des infor­ma­tions recueil­lies par le site d’information Euro­pean views.

Les éloignements à l’arrêt, la nouvelle martingale est la répartition

La région parisi­enne est dev­enue, comme nous le rele­vions en août 2020 dans une revue de presse, un « hub », une plate-forme où arrivent de très nom­breux clan­des­tins en vue d’une mise à l’abri organ­isée par les pou­voirs publics. Des mis­es à l’abri telle­ment nom­breuses que la pré­fec­ture de région d’Ile de France a cessé de les recenser sur son site. Mais de nom­breuses grandes villes de province ne sont pas en reste, comme le soulig­nait un arti­cle de l’OJIM début 2018.

La revue de presse du 15 jan­vi­er a per­mis de con­stater que les éloigne­ments du ter­ri­toire nation­al des étrangers en sit­u­a­tion irrégulière étaient presque à l’arrêt. Plutôt que d’endiguer l’afflux migra­toire de plus en plus mas­sif et de remet­tre en cause les droits qui per­me­t­tent aux clan­des­tins de rester en France, le gou­verne­ment a choisi de… répar­tir les migrants en surnom­bre en Ile de France sur l’ensemble du ter­ri­toire. Si la pra­tique n’est pas nou­velle, elle prend de l’ampleur cette année. Cette poli­tique est désor­mais offi­cielle­ment présen­tée aux médias et sur le site du min­istère de l’intérieur.

Des articles très majoritairement favorables à la répartition des migrants sur le territoire

Les jour­naux de grands chemin n’affichent pas un sou­tien trop mar­qué au plan de répar­ti­tion des migrants dans les dif­férentes régions français­es. Par con­tre, le choix des ter­mes pour désign­er les clan­des­tins, les per­son­nes inter­rogées pour com­menter ce plan, le choix des pho­tos et des vidéos pour illus­tr­er les arti­cles sont des choix édi­to­ri­aux dis­crets mais bien réels, et sou­vent effi­caces pour con­va­in­cre le lecteur que cette répar­ti­tion, c’est quand même une bonne chose qui va résoudre bien des problèmes.

Nouveau schéma d’accueil

Le 18 décem­bre, 20 Min­utes nous informe que la min­istre déléguée à la Citoyen­neté, Mar­lène Schi­ap­pa, « a annon­cé ven­dre­di la mise en place d’un nou­veau sché­ma d’accueil des deman­deurs d’asile à par­tir de jan­vi­er 2021 dans le but de « desser­rer la pres­sion » en Ile-de-France, lors d’un déplace­ment dans un cen­tre d’accueil à Livry-Gar­gan ». Nous revien­drons plus tard sur cet article.

Le Répub­li­cain Lor­rain détaille égale­ment le 6 jan­vi­er « le plan pour envoy­er des migrants en région ». Le quo­ti­di­en donne la parole à Mar­lène Schi­ap­pa, qui vante le dis­posi­tif du gou­verne­ment et met en avant « la belle his­toire » d’un migrant par­ti à Pau, qui a trou­vé un tra­vail, un loge­ment et va bien­tôt être nat­u­ral­isé français. L’article ne souligne évidem­ment pas qu’un tra­vail et un loge­ment à soi sont une per­spec­tive bien loin­taine pour de nom­breux jeunes Français, mais nous nous égarons…Cette sto­ry­telling con­forme aux pré­con­i­sa­tions de l’Union européenne vise à met­tre en avant une sit­u­a­tion indi­vidu­elle, une tranche de vie, pour provo­quer l’empathie, plutôt que de présen­ter l’immigration comme un prob­lème col­lec­tif : l’afflux d’extra-Européens dans un con­ti­nent en pleine crise san­i­taire, économique et identitaire.

La seule réserve émise dans l’article émane du directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qui déclare que « La France est moins sévère dans l’examen des sit­u­a­tions. Beau­coup de per­dants du sys­tème européen de l’asile con­sid­èrent que nous sommes leur dernier recours ». 

Répartir l’effort

Dans les colonnes du Monde le 8 jan­vi­er 2021, le directeur de l’OFII, encore lui, n’émet plus aucune réserve et défend le plan de répar­ti­tion des migrants sur le ter­ri­toire français : il « plaide pour une meilleure répar­ti­tion ter­ri­to­ri­ale de l’effort ». Une façon de « desser­rer la pres­sion sur l’ile de France » soulignée dans l’édition du 26 décem­bre du quo­ti­di­en vespéral.

Le Figaro présente le 8 jan­vi­er de façon détail­lée le plan de répar­ti­tion des clan­des­tins et donne égale­ment des expli­ca­tions à l’engouement des migrants pour la France, qui y sont beau­coup mieux traités que dans d’autres pays.

Le jour­nal gra­tu­it 20 Min­utes décrit égale­ment dans un arti­cle écrit à par­tir d’une dépêche de l’AFP le « rééquili­brage ter­ri­to­r­i­al » de manière factuelle. Une vidéo est insérée dans l’article. Elle est présen­tée par le jour­nal comme rela­tant un « vio­lent déman­tèle­ment d’un camp de migrants à République » à Paris en novem­bre 2020. Cette présen­ta­tion fait l’impasse sur le fait que l’intervention des forces de l’ordre visait à met­tre fin à un occu­pa­tion illé­gale de la place de la République par des étrangers en sit­u­a­tion irrégulière, une occu­pa­tion encadrée par des mil­i­tants d’extrême gauche et mise en scène grâce aux médias de grand chemin. Mais l’essentiel n’est-il pas que le lecteur reti­enne de cette mise en scène orchestrée la « vio­lence » des policiers con­tre les migrants ?

L’occupation illé­gale de places publiques devient vis­i­ble­ment une tech­nique rodée et un moyen de pres­sion effi­cace : un respon­s­able asso­ci­atif n’hésite pas à en brandir la men­ace dans une tri­bune sur le site de Médi­a­part le 14 jan­vi­er 2021 si aucune solu­tion de loge­ment n’est trou­vée pour des migrants présents à Paris.

On cherche vaine­ment la con­tra­dic­tion dans les arti­cles des médias de grand chemin, même si cer­tains men­tion­nent sans le qual­i­fi­er comme tel le dévoiement du droit d’asile, avec des migrants qui ten­tent leur chance en France après avoir été con­traints de quit­ter un autre pays européen. L’avis de respon­s­ables du prin­ci­pal par­ti d’opposition, le Rassem­ble­ment nation­al, n’est qua­si­ment jamais sol­lic­ité, alors que l’immigration est l’un de ses thèmes de prédilec­tion. On aura com­pris qu’il s’agit d’éviter de met­tre une large par­tie de l’opinion publique en con­gru­ence avec des respon­s­ables de ce par­ti poli­tique, comme le con­firme notam­ment un sondage de l’IFOP en 2018.

Une frange des médias donne la parole à des opposants au plan de répartition

À côté de cette présen­ta­tion lénifi­ante du plan de répar­ti­tion des clan­des­tins, appelés par Le Monde des « exilés », quelques médias per­me­t­tent à des opposants à la déci­sion du gou­verne­ment de s’exprimer et présen­tent de façon cri­tique la poli­tique du gou­verne­ment en la matière.

Par­mi les médias régionaux, Infos Dijon donne la parole le 23 décem­bre au con­seiller région­al RN Julien Odoul, qui con­state que « le gou­verne­ment veut mul­ti­pli­er par 2,5 le nom­bre de migrants en Bour­gogne France Comté ».

« La répar­ti­tion des migrants dans les régions n’épargne pas la Bre­tagne », souligne Breizh Info le 11 jan­vi­er. Le site d’information bre­ton pré­cise que « cette « sol­i­dar­ité ter­ri­to­ri­ale » prônée par Mar­lène Schi­ap­pa réserve une place de choix à la Bre­tagne puisque la région admin­is­tra­tive va devoir mul­ti­pli­er par plus de 2 son accueil des migrants ».

En Nou­velle Aquitaine, c’est selon Boule­vard Voltaire « 2 000 migrants en plus par an. (…) C’est cadeau, c’est noël ! », souligne Gon­zague Malherbe.

Par­mi les médias nationaux, Sput­niknews présente le 11 jan­vi­er dans un arti­cle dif­férents aspects de cette répar­ti­tion de migrants sur le ter­ri­toire nation­al, en exposant des points de vue favor­ables et des points de vue opposés, une plu­ral­ité que l’on ne retrou­ve pas ou peu dans les médias de grand chemin.

Jean-Paul Garraud en pointe

Le Figaro con­sacre le 12 jan­vi­er un arti­cle à la polémique autour du « plan Schi­ap­pa ». Le prési­dent de l’Association pro­fes­sion­nelle des mag­is­trats et député européen RN Jean-Paul Gar­raud « tire à boulet rouge sur le min­istère de l’Intérieur ». Le men­su­el Causeur donne égale­ment une tri­bune à Jean-Paul Gar­raud, très en pointe sur le sujet, inti­t­ulée : « Répar­ti­tions des migrants dans les régions, c’est non ».

RT France per­met le 15 jan­vi­er à des élus du Rassem­ble­ment nation­al de s’exprimer sur le sujet, qui soulig­nent que ce plan ne résout rien.

Avec son franc par­ler habituel, le séna­teur Stéphane Ravier se dit « favor­able à la répar­ti­tion des migrants dans les régions… de leurs pays d’origine. Plutôt que répar­tir, il faut repar­tir. Il n’y a pas que la région parisi­enne qui est engorgée, c’est la France qui est engorgée ». Une posi­tion qu’il a égale­ment défendue sur le plateau de C News le 13 jan­vi­er.

Le men­su­el l’Incorrect donne large­ment la parole à un député LR, Sébastien Meu­rant, qui non seule­ment dénonce ce dis­posi­tif mais égale­ment expose les raisons pour lesquelles il est nocif pour le pays : appel d’air vis-à-vis des aspi­rants migrants, détourne­ment de l’attention pour éviter de point­er du doigt l’absence de maitrise de l’immigration par le gou­verne­ment, etc.

Comme le souligne Valeurs actuelles le 13 jan­vi­er, ce plan est cri­tiqué parce qu’il risque de « provo­quer un appel d’air » et de sus­citer de nou­velles arrivées en France de migrants. Un argu­ment qui n’est jamais évo­qué par les médias de grand chemin.

Sur CNews, un des rares médias main­stream où la plu­ral­ité d’opinion existe, Éric Zem­mour met les pieds dans le plat le 12 jan­vi­er dans Face à l’info :

« Au lieu de répar­tir les migrants par train et bus en France, il faut les répar­tir par avion chez eux ».

Quel débat en somme ?

Cette revue de presse per­met de con­stater que si quelques arti­cles de médias cat­a­logués à droite ou pra­ti­quant le plu­ral­isme font état de l’opposition de lead­ers poli­tiques, les médias de grand chemin ne cherchent aucune­ment à faire de ce vaste plan de répar­ti­tion d’extra-Européens dans les régions un sujet de débat.

On ne saura pas par exem­ple si les Français sont favor­ables à répar­tir les migrants en province plutôt que de les ren­voy­er chez eux. Nous ne saurons pas autre chose sur le coût de cette opéra­tion que le coût indi­vidu­el des allo­ca­tions perçues par chaque migrant. Une opéra­tion que la min­istre Mar­lène Schi­ap­pa a appelé à renou­vel­er en 2022, voire à ampli­fi­er. Aucune ques­tion égale­ment sur le choix du gou­verne­ment de favoris­er les retours volon­taires avec de généreuses aides qui peu­vent aller jusqu’à 10 000 euros par indi­vidu, un mon­tant qui n’est peut-être pas pour rien dans l’afflux de clan­des­tins d’autres pays européens vers la France.

Les « engage­ments » que la France hon­or­erait selon le doc­u­ment offi­ciel en procé­dant à cette répar­ti­tion ne sont pas davan­tage ques­tion­nés, alors qu’ils don­nent des droits exor­bi­tants aux clan­des­tins à se main­tenir dans le pays, indépen­dam­ment du con­texte san­i­taire et économique.

Plus large­ment, c’est la souten­abil­ité de la crois­sance con­tin­ue des arrivées d’extra-Européens en France qui n’est pas inter­rogée, comme l’absence de quo­tas dans notre pays, alors que cer­tains pays européens en ont instau­rés avec réal­isme. Ce plan de répar­ti­tion n’est-il pas aus­si, comme le souligne un arti­cle de la fon­da­tion Polémia une pièce du puz­zle d’une « poli­tique de peu­ple­ment du gou­verne­ment français » qui ne dit pas son nom ? Ne par­lons pas de la ques­tion des droits indi­vidu­els qui s’opposent au droit col­lec­tif du peu­ple français à sa con­ti­nu­ité his­torique et à sa cohésion…

Il y avait effec­tive­ment matière à engager un débat de fond sur ce plan de répar­ti­tion des migrants, ce qu’il révèle et ce qu’il implique. Une fois de plus, les médias de grand chemin n’y auront pas ou peu con­tribué. Une occa­sion ratée, une de plus.

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