Créer un « Giec » anti-fake news… C’est la nouvelle lubie de l’ONG Reporters sans frontières et d’un petit groupe d’États. L’association fondée en 1985 à l’initiative de Robert Ménard, Emilien Jubineau, Jacques Molénat et Rémy Loury s’éloigne ainsi de plus en plus de son objet historique : défendre la liberté de la presse et les journalistes pour finalement devenir le porte-flingue d’une vision peu pluraliste de l’information.
Une structure pour « informer » sur l’information
En prenant modèle sur le Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, RSF entend publier des rapports et des recommandations aux États sur les questions ayant trait à la liberté d’opinion et d’expression. Le but est de sensibiliser les États dans la lutte contre la diffusion de fausses informations (fake news) et de « nourrir la réflexion des élus du monde entier » avec, à la clef, un sommet tous les deux ans. Pour mettre en musique ces agapes internationales, un organisme international de veille pour lutter contre l’information pourrait voir le jour. Son objectif sera double : faire vivre l’ONG en lui donnant une caisse de résonance tous les deux ans et tenter d’influencer les « élus du monde entier » dans la manière d’appréhender l’information. Qu’on se rassure, le monde entier se résume pour le moment à quelques dizaines d’États, 43 en tout (les États-Unis, la Chine et la Russie ayant refusé).
Un sommet new yorkais sur l’information et la démocratie.
Le 24 septembre 2021, RSF participait ainsi au Sommet ministériel pour l’information et la démocratie lors duquel le ministre des Affaires étrangère français Jean-Yves le Drian et l’ONG ont réuni, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, les États membres du Partenariat pour l’information et la démocratie.
Lors de cette rencontre, les parties prenantes, étatiques et « organisations indépendantes de la société civile » ont fait un constat conjoint de « manipulations de l’information partout dans le monde ». Un constat étoffé d’une critique des réseaux sociaux, réseaux qui portent certes régulièrement le débat au niveau du caniveau mais qui constituent surtout un lieu de liberté d’expression qui dérange certaines élites médiatiques et politiques établies. Les travaux présentés par la diplomatie française sont d’ailleurs assez inquiétants car il est question notamment de « régulation des contenus » pour lutter contre « fléau des infodémies ». RSF s’inscrit parfaitement dans cette démarche puisque l’ONG avait fondé en mars 2020 « l’observatoire 19 » traitant du Covid-19 et de l’information avec un prisme souvent très antichinois.
Coup médiatique pour ONG à la dérive
Très remuante dans la nouvelle croisade des démocraties occidentales contre la désinformation, RSF tente de se redonner un vernis institutionnel alors que l’association a souvent été mise sous le feu des projecteurs pour des sujets étrangers à ses statuts. Ainsi l’actuel secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, serait à l’origine selon le Canard Enchaîné d’un management brutal et ayant entraîné des départs et licenciements mais aussi un mal-être chez les salariés. Pour une association qui fait de la dénonciation des chefs d’États considérés comme dictateurs son cheval de bataille, de tels comportements peuvent étonner. L’association a d’ailleurs eu du mal à s’affirmer depuis le début du quinquennat Macron et son long silence face à la loi sécurité globale et son article 24 (sur la diffusion « malveillante » d’image de forces de police) lui a valu de sérieuses remontrances.
Voir aussi : Infox : RSF, la paille et la poutre
RSF, une vision très occidentaliste de la liberté de la presse
Le repositionnement de Reporters sans frontières dans la lutte contre les « fake news » peut étonner à première vue mais semble accomplir ce qui est dans l’ADN de cette structure, à savoir une ONG au service d’une vision très occidentale du journalisme et des médias. Tout d’abord l’association peut critiquer des médias étrangers (russes, chinois, kazakhs…) en raison de leur influence étatique ; elle a pourtant elle-même bénéficié de financements de la part de l’État français et de l’Union Européenne. Ajoutez à cela un peu de financement américain de type néocons et vous aurez une association qui sera plus à même de s’agacer pour quelques tweet complotistes que des atteintes graves à la liberté d’expression dans des pays occidentaux.
À l’instar de Washington, l’ONG s’était montrée volontiers hostile au Venezuela de Chavez en 2002, mais se gardait bien d’expliquer trois ans plus tôt que l’OTAN avait tué quinze journalistes en Yougoslavie soit 25 % du total pour l’exercice 1999. Cet alignement sur les positions atlantistes avait d’ailleurs été détricoté par Jean-Luc Mélenchon en 2008 alors qu’il était Sénateur de l’Essonne dans un entretien accordé au Parisien. Aujourd’hui, le combat américain se déplace sur le terrain de la Chine… Un terrain que foule allègrement RSF qui ne manque jamais une occasion d’égratigner Pékin… Tout en prenant la défense de la sacrosainte et atlantiste BBC qui se rêve en leader mondial de la lutte contre la désinformation.
La continuité de l’inutilité
À l’affût de petits coups médiatiques, RSF présente un prisme occidentaliste évident et toute sa communication s’articule autour du dénigrement de chefs d’État non alignés sur la politique américaine comme la campagne choc de 2013 où figuraient les chefs d’État syriens, chinois, russe, nord-coréen et iranien faisant un doigt/bras d’honneur à la liberté de la presse.
Communication très … percutante de Reporters Sans Frontières ! #libertedexpression pic.twitter.com/ZrgFV2O1Bp
— Julien (@julien_bruchet) January 25, 2015
Une obsession du petit coup médiatique et de la rente associative qui semble inhérente au fonctionnement de Reporters sans frontières aujourd’hui présidée par un certain Pierre Haski passé notamment par Libération. Hier adepte des « coups » l’association pourrait finalement se cantonner désormais à un rôle de spécialiste « check news » international, avec le financement des États occidentaux amis… et dans leur intérêt.