Du lundi 17 avril au vendredi 21 avril 2017, Dans son Journal quotidien Arte consacrait 2 minutes à la culture dans les programmes des candidats à la présidentielle. Titre de la série : « Présidentielles 2017 : demandez le programme culturel ! ». Les projets de 5 candidats sur 11 sont évoqués : Marine Le Pen, Benoît Hamon, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron. Avec la chaîne qui prétend représenter la culture à la télévision, les choses sont simples. Vous avez dit binaire ?
L’écoute du dossier consacré par Arte à la culture montre que la chaîne divise les candidats en deux groupes : le camp du Bien, incarné par les candidats dits de gauche (Hamon, Mélenchon, Macron) et le camp du pas Bien, incarné par les candidats dits de droite (Le Pen et Fillon).
Quand la gauche sort sa culture, c’est le camp du Bien
Pour Arte, la culture c’est une affaire de gauche. La preuve par le candidat du PS : « Benoît Hamon et la culture c’est bien sûr une histoire de battement de cœur. Des projets généraux comme un plan pour les arts à l’école ou la création des Fabriques de culture, des MJC en quelque sorte ». Les mots sont intéressants : « battement de cœur », « bien sûr » et le rôle de l’école. Pourquoi ? Hamon toujours : « Pour que demain nous ayons toujours des spectacles, des créations à soutenir ». Mesure phare de Hamon ? Créer un « statut de l’artiste » : élargir le statut des intermittents du spectacle à tous les « créateurs ». Le journaliste : « L’intermittence du spectacle est donc érigée en modèle pour toutes les autres professions artistiques ». Le candidat voulait conserver un électorat souvent acquis à son parti, subventions à l’appui. La réalité ? Le statut d’intermittent ? Cela représente-t-il un coût pour l’assurance chômage ? demandait Capital le 26 avril 2016 : « En 2011, le seul régime d’indemnisation chômage des intermittents a accusé un déficit de 1 milliard d’euros, le montant des allocations versées étant plus de 5 fois supérieur aux cotisations. Un trou conséquent, donc, sachant que la perte totale de l’assurance chômage a été de 1,5 milliard d’euros cette même année, selon un rapport de la Cour des comptes. Sans oublier que les intermittents représentent moins de 4% des chômeurs… ».
La culture, une affaire de gauche ? La preuve aussi par le candidat Macron : « l’éducation culturelle pour tous à l’école, la pérennisation du statut des intermittents, un budget maintenu à 1 % sous condition d’efficacité mais surtout un gros effort de démocratisation culturelle ». Éducation, intermittents et démocratisation. Permanence de Mitterrand. « Une démocratisation qui passe par deux mesures phares : l’ouverture des bibliothèques le soir et le dimanche et l’obtention à la majorité d’un Passe Culture de 500 € ». Macron et la culture, une vision. Un horizon. Ce Passe Culture, cadeau incitatif donné à tout jeune arrivant à sa majorité, existe en Italie : la plupart des jeunes le revendent sur internet. Une idée libérale libertaire type.
La culture, une affaire de gauche ? Entrée en scène du comédien talentueux Mélenchon. Un homme de culture. Mais une culture de gauche : « La culture, c’est une petite fleur fragile, ça pousse dans les esprits, faut pas brutaliser les gens sinon ça vient pas ». La réforme phare ? Nationaliser les droits d’auteur. Explication de la voix off : « Dès le décès de l’auteur, ils reviennent à la collectivité ». Le journaliste poursuit : « En lien avec les droits d’auteur, Mélenchon veut s’attaquer aux multinationales de la culture, les fameux GAFA, Google, Amazon, Facebook, Apple, via deux instruments. La création d’une médiathèque publique en ligne et l’instauration d’une cotisation universelle sur les abonnements internet pour soutenir la création insoumise évidemment ».
Les bonnes idées seraient dans ce camp-là selon Arte, qui ne va pas scier la branche sur laquelle elle est assise. Culture d’État payée par l’État et promouvant une vision du monde à sens unique. Le grand tabou de la gauche en matière culturelle, c’est sa responsabilité dans l’échec des politiques menées. Parce qu’elle a idéologisé la culture, à commencer par les mots. Remplaçant les mots « art » et « œuvre » par les mots « culture » et « objet culturel » (ce sont des « objets » et non plus des œuvres qui s’enseignent dans les écoles). À gauche, la culture ne peut être autre que de gauche. Et le grand ennemi c’est le privé. Ce qui n’échappe pas au Journal d’Arte.
Quand la droite sort sa culture c’est le camp du pas bien
À droite, d’après Arte, la culture cela n’existe pas vraiment. Il y a le « patrimoine » en réalité, en lieu de place de la « création ». Arte ne voit pas de culture à droite mais simplement du nationalisme et du capitalisme. Le journaliste est plus direct : « François Fillon et la culture c’est la conservation avant la création ». La droite libérale, c’est dangereux : « Le patrimoine donc et son financement. Sur ce point, François Fillon ne prend aucun engagement budgétaire. Il souhaite diversifier les financements et augmenter la part du mécénat. Un dispositif toujours suspect en France ». La peur de l’argent privé. La liberté, c’est l’État. Et puis, Fillon, c’est la France chrétienne, réactionnaire. De l’argent privé, du patrimoine. Il y a donc une menace Fillon sur la culture. Menace idéologique et financière. La volonté de donner plus de place à l’argent privé ne serait pas nouvelle : « le mécénat culturel privé s’est fortement développé jusqu’à représenter plus de 500 millions d’euros investis ». Le camp du pas Bien est donc un camp contre la culture. Chez Fillon.
Que dire de Marine Le Pen ? Bien pire. Journaliste : « La langue française à protéger coûte que coûte, voilà le message du FN. Renforcer la francophonie mais aussi renforcer les sanctions prévues par la loi Toubon sur l’utilisation du français. Réalité ou simple peur ? Le français est-il vraiment menacé. Direction l’Académie Française ». La parole est à Danielle Sallenave, écrivain : « Faut (sic !) se méfier, ça n’est pas dépourvu d’intentions. Ça veut dire que l’école est menacée, ça veut dire aussi que la culture française est menacée, que l’identité française est menacée parce qu’il y a trop d’interventions étrangères. C’est ça qu’ça veut dire ». La façon de parler, les formulations, l’usage intempestif du « ça » en lieu et place de cela, à l’Académie même… Ça craint vegra non ? Elle insiste : « Moi je ne pense pas du tout qu’il y a de bonne foi dans tout cela, je ne le crois pas ». Elle poursuit : « Que l’école, l’enseignement rappelle le squelette, la structure, c’est-à-dire au fond la grammaire de base, la syntaxe de base pour qu’on dise pas l’contraire de s’qu’on veut dire parc’qu’on s’trompe de… voilà ». Conclusion du journaliste : « finalement, à travers la protection de la langue française, Marine Le Pen fait de la grandeur de la France son obsession. Promouvoir comme elle le dit le seul roman national ».
Qu’une candidate à la Présidence de la République ait fait de la grandeur de la France son obsession… Le monde d’Arte est tellement simple qu’il fait honte à l’art et à la culture, domaine éminemment complexes justement. Arte et la culture, c’est du binaire pour les gogos.