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Retour sur la couverture médiatique de la défense des frontières par Génération identitaire

1 mai 2018

Temps de lecture : 12 minutes
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Retour sur la couverture médiatique de la défense des frontières par Génération identitaire

Temps de lecture : 12 minutes

Les 21 et 22 avril 2018, une centaine de militants de Génération identitaire ont bloqué le Col de l’Échelle dans les Alpes, près de Briançon. Une indéniable réussite tant militante que sur le plan de la communication, d’autant que des membres de l’organisation ont continué à agir sur place la semaine suivante. Avec un peu de recul, l’OJIM a regardé ce qu’en ont dit les médias officiels.

L’OJIM a déjà jeté un pre­mier regard sur l’événement, juste après l’action menée par Généra­tion iden­ti­taire dans les Alpes : on retrou­vera ce pre­mier arti­cle ici. Pour un reportage de type « vu de l’intérieur », écrit par un jour­nal­iste présent sur place, le lecteur peut se ren­dre sur le site du mag­a­zine L’Incorrect. L’émission I‑Média de TV Lib­ertés présente aus­si une analyse intéres­sante de la réac­tion des médias offi­ciels, de la part de Jean-Yves Le Gal­lou ici. Porter un regard avec un peu de recul est d’autant plus intéres­sant que l’hebdomadaire Valeurs Actuelles pub­li­ait le 26 avril un intéres­sant sondage : 76 % des Français souhait­ent être con­sultés par référen­dum au sujet de la poli­tique migra­toire de la France. Un pour­cent­age qui vient con­firmer le décalage entre la réal­ité du pays et celle de ses décideurs médi­a­tiques. Les réac­tions de la presse quo­ti­di­enne mais aus­si celles des heb­do­madaires vien­nent, dans leur écras­ante majorité, con­firmer ce malaise : l’image que les médias offi­ciels don­nent du monde au sujet des migra­tions en général, et de l’opération de Généra­tion iden­ti­taire en par­ti­c­uli­er, est à mille lieux de ce qui est con­crète­ment vécu par les populations.

La presse quotidienne : les jours d’après

Aux lende­mains de l’action menée par Généra­tion iden­ti­taire, les dif­férents organes de presse quo­ti­di­enne réagis­sent. Trois exemples.

  • Le Figaro sig­nale l’action de Généra­tion iden­ti­taire dès le same­di 22 avril, titrant : « Migrants : des mil­i­tants d’extrême-droite blo­quent un col alpin ». L’article insiste sur la qual­i­fi­ca­tion « d’extrême droite » du mou­ve­ment iden­ti­taire, qual­i­fi­ca­tion qui appa­raît ici comme ailleurs en tant qu’argument d’autorité. L’article donne cepen­dant large­ment la parole à Généra­tion iden­ti­taire, ses mil­i­tants indi­quant pourquoi ils mènent cette opéra­tion. Le quo­ti­di­en pub­lie aus­si le com­mu­niqué de presse de l’organisation poli­tique. Dans la semaine, Le Figaro revien­dra sur cette action, mais moins que des quo­ti­di­ens comme Le Monde ou Libéra­tion, pour indi­quer l’ouverture puis la fer­me­ture d’une procé­dure judi­ci­aire con­tre Généra­tion identitaire.
  • Libéra­tion pub­lie un arti­cle, le lun­di 23 avril 2018, titré « Chas­se aux migrants dans les Alpes : les xéno­phobes au som­met ». Dès ce titre, le quo­ti­di­en se car­ac­térise par son éloigne­ment de toute pra­tique jour­nal­is­tique : il n’y a pas eu de « chas­se » aux migrants, l’expression étant employée ici en référence aux rafles de la dernière guerre mon­di­ale, et la « xéno­pho­bie » de Généra­tion iden­ti­taire est là aus­si imposée comme argu­ment d‘autorité. L’orientation de l’article est accen­tuée par l’emploi du mot « mil­ice », tan­dis que les per­son­nes qui aident les migrants sont des « citoyens » organ­isés en réseau de « sec­ours ». L’article racon­te les événe­ments du col de l’échelle puis s’intéresse à ceux du col de Mont­genèvre où des « mil­i­tants promi­grants » (qui pour le coup ne sont qual­i­fiés ni d’extrême gauche ni d’être une mil­ice…) « passent la fron­tière en cortège », et « débor­dent » un cor­don de gen­darmes, « sans vio­lence » indique l’article. Les jours suiv­ants mon­treront cepen­dant que vio­lence il y a eu, bien que « l’envoyé spé­cial à Bri­ançon » de Libéra­tion n’ait rien vu. Aucune réflex­ion sur les car­ac­téri­sa­tions « d’extrême droite », de « xéno­pho­bie » ou de « mil­ices » qui appa­rais­sent comme des évi­dences et faisant référence aux fameuses heures som­bres de notre his­toire. Mais Libéra­tion, per­suadé que l’action menée par Généra­tion iden­ti­taire est la face cachée du matin brun qui approcherait, va plus loin dans la semaine en faisant sa cou­ver­ture, le same­di 28 avril 2018, sur cette « ultra droite qui inquiète les ser­vices secrets ». Qua­tre pages pour mon­tr­er que si un dan­ger de vio­lence et d’illégalité pèse sur la France ce serait celui de « l’ultra droite ». En une époque où la vio­lence meur­trière est le fait des islamistes, où la vio­lence mil­i­tante est le fait de l’ultra gauche (NDDL, zadistes, man­i­fes­ta­tions avec vio­lences sur les policiers) et où la vio­lence quo­ti­di­enne est celle des quartiers, l’observateur est sur­pris d’apprendre que la France s’inquiéterait de la vio­lence d’une « ultra droite », vio­lence qui ne paraît guère préoc­cu­per la pop­u­la­tion au quo­ti­di­en. Out­re le fait de recenser les organ­i­sa­tions dont Libéra­tion pense qu’elles pour­raient pass­er à l’acte, et peinant à trou­ver une bribe de cette vio­lence, le quo­ti­di­en revient sur l’action de Généra­tion iden­ti­taire en page 4 et 5, expli­quant ce que serait ce mou­ve­ment : « Europe blanche et papi­er glacé », dan­gereux puisque ayant des « racines » du côté d’Unité Rad­i­cale dont un (plus ou moins mem­bre) a tiré sur Chirac en 2002, néopaïen devenu « iden­ti­taire chré­tien », « bien représen­té au sein du FN »… Vien­nent ensuite les actions menées, dont l’aide apportée aux « sans-abris européens », le tout sans aucune mise en per­spec­tive. Un autre arti­cle revient sur les événe­ments de la semaine précé­dente dans les Alpes, insis­tant sur l’aspect « com­mu­ni­ca­tion », con­sid­érant que les Iden­ti­taires seraient mon­tés au Col de l’échelle avant tout pour tourn­er des images et rel­e­vant « la vague d’indignation » ayant « tourné à la mise en cause des pou­voirs publics ». Il est intéres­sant de not­er qu’à aucun moment Libéra­tion n’évoque le car­ac­tère volon­taire­ment légal de l’opération de Généra­tion iden­ti­taire, dont les mil­i­tants n’ont fait que repér­er des « dél­its » et les sig­naler aux autorités, ain­si que le veut la loi ; ce qui n’est pas le cas de l’action menée par les mil­i­tants « antifas » qui, en riposte à Généra­tion iden­ti­taire, ont fait franchir le Col de Mont­genèvre à un groupe de migrants, ain­si que la fron­tière, en toute illé­gal­ité… Ce que Libéra­tion ne sig­nale du reste pas plus.
  • Le Monde réag­it dès le same­di 21 avril. Le titre : « Alpes : des mil­i­tants d’extrême droite blo­quent le col de l’échelle, lieu de pas­sage de migrants ». Extrême droite et blocage. Le quo­ti­di­en réper­cute l’intervention de Mélen­chon à l’Assemblée Nationale, le député ayant demandé au gou­verne­ment « ce qu’il compte faire pour empêch­er que les fron­tières soient pro­tégées par les amis de Marine Le Pen ». Puis, le jour­nal­iste racon­te les faits en don­nant la parole aux représen­tants de Généra­tion iden­ti­taire. Vient ensuite la masse des « réac­tions indignées », à com­mencer par une anci­enne min­istre qui évoque une « mil­ice ». Le Monde pub­lie d’autres réac­tions qui tien­nent de l’insulte, « con­nards », « saloperie », par exem­ple. Le jour­nal suit les évo­lu­tions de l’affaire toute la semaine, indi­quant par exem­ple qu’une enquête judi­ci­aire était ouverte puis « classée sans suite » con­tre l’organisation iden­ti­taire. Le ton général vise à mon­tr­er que l’action de cette dernière est inutile, les forces de l’ordre procé­dant « quo­ti­di­en­nement à des inter­pel­la­tions dans les Alpes ». Le 27 avril 2018, Le Monde pub­lie une enquête con­sacrée à l’action menée dans les Alpes et à Généra­tion iden­ti­taire. L’idée est d’accuser cette organ­i­sa­tion de « faire sa pub­lic­ité sur le dos des migrants ». L’enquête insiste sur le côté décom­plexé de ces mil­i­tants de droite qui sont con­tre « l’islamisation » et « l’africanisation » de l’Europe, et fait un lien hasardeux avec la venue de Steve Ban­non, « ancien con­seiller de Trump, au récent con­grès du FN ». Autant tout amal­gamer. L’article donne aus­si les noms et l’origine géo­graphique des mil­i­tants, parvient à plac­er le mot « néon­azi » et revient sur la « marche » ou « pas­sage en force » (selon les sources) quand « quelques 120 mil­i­tants entourant une ving­taine de migrants ont franchi le col de Mont­genèvre. Trois per­son­nes ont depuis été placées en déten­tion pro­vi­soire. « Con­tre-pro­duc­tif », juge un mil­i­tant tout en dénonçant « le deux poids deux mesures » de la part de l’État ». L’article n’interroge pas le car­ac­tère illé­gal de ce pas­sage de fron­tière, ce qui étonne après deux colonnes con­sacrées à inter­roger la légal­ité de l’action de Généra­tion identitaire.

Du traite­ment des faits par ces trois quo­ti­di­ens, il ressort que l’action des iden­ti­taires référ­erait à l’extrême droite, avec tout ce que cela induit dans l’imaginaire col­lec­tif, traduirait un repli sur soi auquel s’opposerait la générosité des promi­grants, et poserait la ques­tion de l’action de l’État face aux vio­lences d’une ultra droite de plus en plus menaçante. Deux points ne peu­vent qu’étonner :

  • la presse offi­cielle ne tient guère compte dans ses analy­ses de ce qui est ou non légal.
  • les raisons pro­fondes de l’action de Généra­tion iden­ti­taire ne sont pas inter­rogées, elles sont ramenées à un argu­ment d’autorité : en gros, ce sont les méchants xéno­phobes de l’extrême droite qui, du coup, seraient la men­ace prin­ci­pale pesant sur la sta­bil­ité de la France. Ces quo­ti­di­ens ont pour­tant tous ren­du compte de La ruée vers l’Europe, essai de Stephen Smith, ancien « mon­sieur Afrique » de Libéra­tion puis du Monde, paru en mars 2018, et mon­trant que cette « african­i­sa­tion de l’Europe » dénon­cée par les iden­ti­taires est un fait et non une élu­cubra­tion xéno­phobe. Cela ne con­duit pour­tant pas les jour­nal­istes de ces organes de presse à expli­quer les caus­es des faits.

La presse hebdomadaire

Cinq jours après les faits, deux exemples.

  • Mar­i­anne paraît le 27 avril, avec un numéro spé­cial con­sacré à Mai 68, et donc lais­sant peu de place pour l’actualité immé­di­ate. La rad­i­cal­i­sa­tion des « grou­pus­cules »? L’hebdomadaire y a con­sacré tout son numéro de la semaine précé­dente, un numéro d’anthologie pré­ten­dant démon­tr­er, un peu comme Libéra­tion, que la vio­lence qui men­ace la France est celle de l’ultra droite. Du coup, le col de l’échelle… est traité par la seule chronique de Car­o­line Fourest titrée « Généra­tion rejet ». Le mot « facho » fuse d’emblée, comme une évi­dence mais sans aucune réflex­ion sur ce que le mot « fas­cisme » sig­ni­fie réelle­ment dans le domaine des sci­ences poli­tiques. Puis, Car­o­line Fourest min­imise : il n’y avait pas de migrants à rejeter, et les seuls « bar­bares » étaient les com­pars­es hon­grois, autrichiens etc venus épauler Généra­tion iden­ti­taire. « Ce qui a choqué est ailleurs. La France, qui a de la mémoire, se méfie des mil­ices. Elle n’aime pas beau­coup voir les mil­i­tants d’extrême droite jouer aux gen­darmes ». Puis, la chroniqueuse évoque un jour de 1996 (il y a donc 20 ans) où des mem­bres du FN auraient « cassé du gau­cho à Montceau-les-Mînes ». Du reste, elle pense que c’est lié : l’immaturité poli­tique et les échecs du FN seraient la cause d’une rad­i­cal­i­sa­tion de ces jeunes. On en revient tou­jours à la cause pre­mière de tous les maux : l’existence du FN. Chose notable, Car­o­line Fourest n’écrit jamais le mot « migrant ». On se demande donc ce que fai­saient ces « schtroumpfs », mot qu’elle écrit par con­tre, en haut du col. La chronique paraît dans une rubrique inti­t­ulée « débat­tons », rubrique qui ne com­porte cepen­dant pas d’avis contradictoire.

Mar­i­anne avait déjà traité l’événement aupar­a­vant, sur son site inter­net. Le 22 avril 2018, la ques­tion est « Où est le prob­lème ? ». La réponse est sim­ple, c’est « l’incroyable mol­lesse de Gérard Col­lomb et de la pré­fec­ture ». Les mots sont rudes : « l’extrême droite investit les Alpes et les autorités trou­vent peu de choses à y redire », la réponse est trop « min­i­male » com­par­a­tive­ment à la « poli­tique répres­sive » menée à NDDL et à Tol­bi­ac. La ques­tion de la « dis­so­lu­tion de ce grou­pus­cule » devrait être posée. On retrou­ve le même type d’argumentaire que dans les quo­ti­di­ens ain­si que le mépris éton­nant de la lég­is­la­tion : rap­pelons que de l’avis de la jus­tice elle-même Généra­tion iden­ti­taire n’a rien com­mis de répréhensible.

  • L’Obs, le 21 avril 2018, pub­lie un arti­cle sur l’action en cours, avec le même titre que Le Monde, AFP oblige. Rien de très dif­férent de ce qui peut être lu par ailleurs, L’Obs recopi­ant glob­ale­ment les élé­ments de lan­gage four­nis par l’AFP. De même, l’hebdomadaire revient sur les événe­ments le 27 avril 2018, au sujet de l’absence de « pour­suites pour les iden­ti­taires ». L’hebdomadaire indique que « cer­tains deman­dent la dis­so­lu­tion de Généra­tion iden­ti­taire » et que tan­dis que ses mil­i­tants ne sont pas pour­suiv­is ceux de « l’ultra gauche » le sont. Un ser­vice min­i­mum forte­ment indexé sur l’AFP pour un heb­do­madaire cen­tré cette semaine là sur le monde des macroniens.

Quo­ti­di­ens et heb­do­madaires sont en règle générale sur la même longueur d’ondes, même si les sec­onds ne font guère de zèle, sauf Mar­i­anne, par­lant peu des faits ou se con­tentant de répéter ce qui est écrit dans les dépêch­es : répéti­tion du mantra de départ fourni par l’AFP et présen­ta­tion iden­tique tant des faits que de ce que serait Généra­tion iden­ti­taire. À cela s’ajoute la présen­ta­tion pos­i­tive de l’action promi­grant (a con­trario de celle de Généra­tion iden­ti­taire) et le sous-enten­du qu’il y aurait injus­tice à ce que les iden­ti­taires ne soient pas inquiétés ou dis­sous, quand bien même ils n’auraient rien fait d’illégal.

Inquiétés, ils le sont pour­tant, les médias offi­ciels ayant ample­ment dif­fusé leurs noms et orig­ines géo­graphiques. Ain­si, à compter du 26 avril un mem­bre de l’opération de Généra­tion iden­ti­taire, porte-parole de l’organisation, a été harcelé sur les réseaux soci­aux, lesquels ont, à l’instar de Twit­ter, par­fois fer­mé des comptes, puis pour­chas­sé sur son lieu de tra­vail par un mem­bre de « la ligue de défense noire africaine ». La vidéo de ce har­cèle­ment vio­lent a fait le tour des réseaux soci­aux. On y voit la réal­ité de la vio­lence et de la sit­u­a­tion dénon­cées par Généra­tion iden­ti­taire. Les adver­saires des mil­i­tants iden­ti­taires récla­mant par exem­ple qu’ils soient licen­ciés par leurs employeurs, au nom… de quoi ? D’un délit d’opinion ?

De cela, seul Valeurs Actuelles, par­mi les médias forte­ment dif­fusés, s’est fait l’écho… Tout aus­si notable ce fait : aucun média offi­ciel ne relaie le sou­tien dont à béné­fi­cié Généra­tion iden­ti­taire dans le pays réel, sou­tien assour­dis­sant sur les réseaux sociaux.

Crédit pho­to : © Généra­tion Identitaire

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