Le 7 septembre 2023, le magazine « Complément d’enquête » de France 2 diffusait un reportage de plus d’une heure, consacré à l’aventure du Puy du Fou, reportage présenté par Tristan Waleckx, sous le titre « Histoire, argent, pouvoir : les vrais secrets du Puy du Fou ». D’emblée, le titre n’annonce pas un reportage très neutre.
Le pitch à charge du reportage
France 2 présente le reportage ainsi : « L’an dernier, le Puy du Fou a dépassé les deux millions de visiteurs, devançant le Parc Astérix. Après avoir inspiré un parc à thème à Tolède en Espagne, il s’attaque à la Chine et aux États-Unis. Mais qui connaît les secrets de ce parc, ses méthodes particulières, son modèle économique, son influence politique ? Depuis près de 45 ans, Philippe de Villiers, deux fois candidat à la présidentielle, tendance droite dure, gère ce succès. C’est lui qui a tout pensé, tout façonné, des spectacles “historiques” d’inspiration catholique jusqu’à “l’embauche” de 4 300 bénévoles. Le patriarche a depuis peu légué le trône à son plus jeune fils, Nicolas, brillant diplômé d’une école de commerce. Celui-ci vient de lancer au cinéma le premier film franchisé “Puy du Fou”. Père et fils lèvent le voile sur les coulisses de leur œuvre. »
Réponse sur le JDD
Étonnante présentation qui prétend que ce sont le père et le fils de Villiers qui vont « lever le voile » sur des « coulisses », alors que le pitch indique clairement, par l’emploi de guillemets, une manière de mettre en doute, que le reportage est à charge : « l’embauche », « historiques ». Notons que dès sa fondation en 1989, année du bicentenaire de la Révolution française, Le Puy du Fou a été attaqué par la gauche française en général, ses médias en particulier, des médias qui alors ne souffraient aucune contradiction.
Les choses ont un peu évolué, et c’est un des éléments révélés par la polémique qui a suivi la diffusion du reportage de « Complément d’enquête » : une partie des médias français ne suit plus du tout la pensée officielle et va même jusqu’à l’affronter. Il en va ainsi du Journal du Dimanche, le 10 septembre 2023, sous la plume de Charlotte d’Ornellas, Un JDD pour lequel « France 2 au Puy du Fou » est « Un cas d’école d’une manipulation médiatique ». Selon le journal hebdomadaire, « Au terme de six mois de tournage, « Complément d’enquête livre un récit malhonnête de son séjour dans le parc vendéen ». Comme toute la presse mettant en question l’honnêteté intellectuelle de ce numéro de « Complément d’enquête », le JDD sera accusé d’être « d’extrême droite ». Un terme qui est devenu courant à l’encontre de toute pensée divergente dans le paysage médiatique français.
Complément d’enquête attaqué en justice
Ce même 10 septembre 2023, Valeurs Actuelles indique que « Après une enquête à charge contre Le Puy du Fou, Philippe de Villiers va attaquer en justice Complément d’enquête ». L’hebdomadaire insiste sur le fait que France 2 est une « chaîne publique ».
C’est un autre point important de la polémique : ce qui n’est pas supporté par la gauche médiatique et politique, c’est l’immense succès du Puy du Fou et plus particulièrement que ce succès soit populaire. La gauche en question semble avoir perdu un peuple qu’elle croyait sien. Valeurs Actuelles revient sur certains éléments choquants de « Complément d’enquête ». Par exemple, selon le reportage, le Puy du Fou « qui appartenait aux bénévoles appartient maintenant à une seule famille ». C’est le témoignage d’une ancienne bénévole. Un autre témoignage affirme : « une partie de ce que les bénévoles, qui ont consacré du temps, de l’argent personnel, etc, ont produit est passé dans les mains de Philippe de Villiers ». Deux témoignages, qui sentent tout de même leur lot de ressentiment, suffisent donc à « Complément d’enquête » pour conduire le reportage vers une attaque directe contre la famille de Villiers. Affirmant que la famille allait porter plainte, l’avocat de la famille Gilles-William Goldnadel a déclaré : « Dans le cadre d’un véritable réquisitoire à charge, empilant les contre-vérités, ses responsables ont laissé dire par une personne prévenue contre lui et sans aucunement mettre en doute ses accusations, que mon client aurait touché la somme de 15 millions d’euros en contrepartie des scénarios qu’il a écrits pour le Puy du Fou ». Selon l’avocat, Philippe de Villiers n’aurait rien perçu.
Le génocide vendéen contesté
Autre point focal du reportage : la vieille question du génocide vendéen, celle qui fit déjà polémique en 1989 lors de la création du Puy du Fou. Pour la gauche médiatique et politique, la question n’est pas tant de savoir s’il y a eu un génocide ou non en Vendée, autrement dit si une population a été volontairement et systématiquement exterminée en tant que telle, mais de refuser d’admettre que la Révolution française peut avoir un fondement génocidaire. À cette question, la réponse ne saurait officiellement être autre que non. De ce fait, France 2 a choisi un historien, un seul, sans débat, selon lequel, malgré au moins 200 000 morts et des appels à l’extermination lancés à l’Assemblée nationale, le génocide vendéen n’aurait pas eu lieu. Le reportage parle de « consensus ».
Multiplication des réactions autour de ces mêmes thèmes
À gauche, ce sont par exemple Franceinfo, L’Obs ou Libération qui s’attaquent aux médias osant critiquer « Complément d’enquête ». Selon Franceinfo, « le patriarche a pris le contrôle d’une entreprise censée appartenir aux bénévoles qui la font vivre ». Insistant sur le fait que l’entreprise est devenue « une multinationale », Franceinfo revient sur une vieille affaire, selon l’éternelle technique de l’amalgame, en rappelant que le plus jeune fils de Villiers avait accusé son aîné de viol en 2006. Conclusion, un non-lieu. Ce serait d’après FranceInfo, qui ne retient que cet élément de « Complément d’enquête », le point de départ de toute l’affaire censée être révélée par le reportage de France 2. La famille de Villiers aurait mis en place « une mystérieuse structure », inconnue des bénévoles, qui peu à peu s’emparerait de l’entreprise Le Puy du Fou. Le 12 septembre 2023, L’Obs s’attaque à ceux qui critiquent « Complément d’enquête » tout en reprenant le même genre d’argumentaire que FranceInfo, en publiant un billet : « Après la diffusion d’un reportage sur le Puy du Fou, « Complément d’enquête » est sous le feu du groupe Bolloré. Une manière, estime notre chroniqueur François Reynaert, de faire oublier les gênantes révélations de l’émission. »
Hystérie à Libération
La palme de l’article hystérique, très éloigné du journalisme, revient cependant à Libération. Adrien Franque voit des « médias d’extrême droite en croisade contre « Complément d’enquête ». Selon lui, « toute l’extrême droite médiatique », c’est-à-dire Cnews, Europe 1, le JDD, Le Figaro ou Front Populaire s’attaquerait « aux vils journalistes gauchistes de France 2 ». Pour Adrien Franque, les principaux points soulevés par « Complément d’enquête » seraient « un recours au bénévolat jugé abusif avec des soupçons de travail dissimulé, l’expansion du parc dévorant les terres agricoles alentour, ou le combat culturel contre-révolutionnaire qui anime le Puy du fou depuis ses débuts ». Mais ce n’est pas cela qui l’intéresse. Il veut s’en prendre à des journalistes supposés d’extrême droite et les citer nommément, les dénoncer en somme. Qui ? Eugénie Bastié, Mathieu Bock-Côté ou encore Pascal Praud. La délation, une vieille technique elle-aussi.
La parole est à la défense
Invité de Pascal Praud sur Cnews et Europe 1, Nicolas de Villiers a pu répondre aux allégations de « Complément d’enquête », dès le vendredi 8 septembre. Sur Europe 1, Praud demande : « un documentaire à charge ? ». Réponse : « Oui, alors c’est France 2 qui est le seul média qui visiblement est totalement insensible à ce que nous essayons de faire, c’est-à-dire une belle aventure française qui a le défaut d’être née du bénévolat, et qui a un autre défaut c’est celui d’entretenir le bénévolat, c’est-à-dire qu’aujourd’hui Le Puy du Fou n’a pas besoin du bénévolat pour vivre, au sens économique, mais Le Puy du fou l’a gardé » car il « permet d’écarter toute tentation de l’argent ». Le Puy du Fou, c’est 4300 bénévoles. En une vingtaine de minutes, l’émission répond point par point aux accusations de « Complément d’enquête ».
Et Pascal Praud rappelle un aspect fondamental : le reportage est entièrement au conditionnel, donc le contraire même du journalisme.
Derrière la polémique autour du Puy du Fou apparaît un début d’évolution : les prémisses d’une fin progressive d’une seule et même pensée idéologique sur l’ensemble des médias français. Ce serait une très bonne nouvelle… qui reste à confirmer.