Nous avons consacré plusieurs articles aux immenses difficultés du premier distributeur de la presse en France, Presstalis héritier des NMPP. Le 1 appartient – avec tant d’autres – au club des victimes du scandale de la société de distribution. Un système devenu fou et qui ponctionne ses clients pour assurer ses fins de mois. Le 1 fait partie des sept éditeurs avec SoFoot, CanardPC qui ont sévèrement critiqué la gestion du distributeur. Nous revenons sur le sujet via un numéro spécial de l’hebdomadaire Le 1 publié le 4 avril 2018. Les lecteurs intéressés par le sujet peuvent se procurer le numéro 196 consacré au sujet sur leur site. Pour les autres, c’est par ici.
Il est plus facile de joindre la NASA que Prestaliss
Nous empruntons ce sous-titre évocateur à la passionnante enquête L’engrenage infernal, de Philippe Kieffer, ancien responsable de la rubrique Médias de Libération, publiée dans le numéro. Vous êtes kiosquier ou éditeur ou journaliste et vous voulez joindre Presstalis ? Armez-vous de patience. L’embarras commence au standard. Responsables absents ou injoignables, bifurcation vers des boîtes vocales qui vous informent qu’elles sont pleines ou que le poste recherché n’est pas attribué. Une liste à la Prévert.
Vous n’auriez pas 500 millions ?
Comment accumuler 500 millions de besoins de trésorerie pour rembourser les dettes et assurer le quotidien ? En menant un train de vie ruineux. Le conducteur de la locomotive est le Syndicat du Livre CGT, les soutiers sont de hauts fonctionnaires, le charbon est fourni par les contribuables via les aides de l’État.
Sans conter la création des NMPP en 1947 (qui confie de facto la gestion de la société à la CGT), remontons jusqu’aux années 2009/2017. Sur cette période l’État verse 220 millions d’euros d’aides pour les seuls quotidiens. Sans compter un prêt de 30 millions qui ne sera sans doute jamais remboursé. Au bord du dépôt de bilan en 2012 la société se sépare de 1200 personnes soit la moitié de ses effectifs. Et au prix fort, les conditions exigées par la CGT coûteront entre 30 et 40 millions par an jusqu’en 2019.
Fuite en avant et gabegie
Après avoir réduit la voilure, les dirigeants repartent de l’avant et voient grand. Rachat de sociétés (Mercuri) et de dépôts (alors que les volumes baissent). Mieux, un projet de refonte informatique — duquel MLP, l’autre distributeur, se tiendra prudemment éloigné — coûtera 22 millions d’euros en trésorerie, représentera un surcoût annuel de 6 millions… et ne fonctionnera jamais. En mars 2018, la société revient à l’ancien système.
Par ailleurs l’affacturage (avances des banques sur les créances à venir) coûte 6 millions de frais financiers par an. Ne parlons pas des jolis salaires des cadres dirigeants, des séminaires exotiques et des notes de frais…
Le pot aux roses des grands éditeurs
Dans un système consanguin où on peut être à la fois actionnaire, éditeur, administrateur, un tout petit groupe siège au sommet de l’édifice : Lagardère Médias, Le Monde, Mondadori, Le Figaro, Prisma. Les petits éditeurs sont spectateurs et victimes.
Nouvelle direction en 2016 qui annonce « qu’elle a découvert en son sein l’existence de contrats spéciaux … et qu’elle entend y mettre fin ». Remises, ristournes, marges arrières profitent aux grands clients (la liste de ceux ci n’est pas indiquée dans le numéro). Elle annonce aussi qu’elle n’a plus d’argent et ampute de 25% les revenus de ses clients pour deux mois. Et leur ponctionnera 2.25% de leurs recettes pendant cinq ans. Des éditeurs voient rouge et veulent porter plainte au pénal. Pendant ce temps les kiosquiers doivent vendre des mouchoirs en papier et des bonbons pour survivre.