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Retour sur le samizdat Hold up, bienvenue dans la « cage aux phobes »

23 novembre 2020

Temps de lecture : 9 minutes
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Retour sur le samizdat Hold up, bienvenue dans la « cage aux phobes »

Temps de lecture : 9 minutes

Il n’y avait que Philippe Muray (Exorcismes spirituels, tome 3, Les Belles Lettres, 2002) pour anticiper la folie et la démesure développées depuis quelques temps à travers les « fake news », les « infox », les « bobards », bref le décryptage-brouillage de l’information-désinformation. Plus anciennement, Charles Péguy avait écrit : « Il faut toujours dire ce que l’on voit ; surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. » Et c’est là que les médias officiels, justement, ont de plus en plus de difficultés à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Dernier exemple en date : le film Hold-up. Dont nous vous avons déjà parlé le 16 novembre 2020.

Effets d’optique

Cer­tains ont une fâcheuse ten­dance à ne voir que des matraques s’abattre sur des mal­heureux man­i­fes­tants paci­fiques tan­dis que d’autres nom­ment « délin­quants » les-dits man­i­fes­tants. Cer­tains voient des courbes san­i­taires baiss­er alors que d’autres ne sen­tent que leur ter­reur mon­ter face à l’ennemi invis­i­ble. Cer­tains se gavent d’informations poli­tique­ment cor­rectes (sans tou­jours le savoir) alors que d’autres se délectent de réseaux con­fi­den­tiels non con­formes (sou­vent en le sachant). Bref, il exis­terait d’un côté com­plo­tistes et de l’autre des anti-com­plo­tistes, ver­sion mod­erne des Capulets et des Montaigus.

Mais d’où vien­nent-ils, ces deux camps qui s’affrontent ? Les pre­miers respon­s­ables seraient-ils plutôt ceux qui devraient jouer les arbi­tres ? Les gou­verne­ments suc­ces­sifs qui procla­ment Bleu et appliquent Vert ? Les médias autorisés (par qui ?) prô­nant le poli­tique­ment cor­rect comme un catéchisme oblig­a­toire ? Ceux qui se rangent sous la ban­nière sanglante de Saint-Just – « Pas de lib­erté pour les enne­mis de la lib­erté » — ou ceux qui se sou­vi­en­nent encore de la fon­da­trice de KPD (Par­ti com­mu­niste alle­mand) Rosa Lux­em­burg : « La lib­erté, c’est tou­jours la lib­erté de celui qui pense autrement. »

Un débat psychiatrisé

Cette schiz­o­phrénie sociale donne lieu à une psy­chi­a­tri­sa­tion du débat pub­lic avec l’apparition en nom­bre des « pho­bies », des « déra­pages » et des « fous ». Bref autant de motifs d’exclusion, loin de tout argumentaire.

Pré­cisons. Nous nous trou­vons sur un plateau télé nor­mal, style BFMTV. Le jour­nal­iste : « Bon­jour mon­sieur Bid­ule, êtes-vous com­plo­tiste ? ». Fin et rideau. Le mal­heureux invité voit sa langue coupée avant même de l’avoir mise en action. En posant la ques­tion, le jour­nal­iste – ou plutôt l’inquisiteur – a for­mulé mine de rien, dénon­ci­a­tion, excom­mu­ni­ca­tion et con­damna­tion sans autre forme de procès (médi­a­tique). À la société numérique, donc binaire : choix1.0. En deux­ième semaine ou à la trappe. C’est la cen­sure clanique : bien ver­sus mal, sim­ple, rapi­de et défini­tif. Comme l’explique joli­ment le philosophe Mar­cel Gauchet (philosophe et his­to­rien inter­dit de col­loque il y a quelques années par l’écrivain homo­sex­u­al­iste Édouard Louis et par l’idéologue-qui-ne-veut-pas-débattre-avec-des-gens-qui-ne-sont-pas‑d’accord-avec-lui, Geof­froy Daniel de Lagasnerie) :

« […] les infox sont autant de réac­tions aux euphémismes lénifi­ants et aux inter­dits sournois dic­tés par le moral­isme offi­ciel » (La guerre des vérités, Le Débat, mai 1975).

Cita­tion extraite du bimestriel édité pen­dant quar­ante ans par Gal­li­mard qui, fait révéla­teur, vient de cess­er sa paru­tion faute de… débats ! CQFD. C’est donc doré­na­vant le règne du « Taisez-vous », comme le regrette une ex-parangon des intel­lectuels, Élis­a­beth Bad­in­ter, elle aus­si rat­trapée par la patrouille bien­pen­sante et omnipo­tente des médias offi­ciels, de Radio France à L’Obs, de la qua­si-total­ité de la PQR au Parisien.

Bannissement

Il est vrai que le fait de pos­er des ques­tions ou d’émettre un doute vous fait tax­er de com­plo­tiste, suivi instan­ta­né­ment de votre mise hors-ban (sans jeu de mot !).

Cette année 2020 a été par­ti­c­ulière­ment riche. Nous avons eu suc­ces­sive­ment une grande pre­mière : un enfer­me­ment appelé aus­si con­fine­ment ; les men­songes gou­verne­men­taux con­cer­nant leurs déci­sions san­i­taires, puis les age­nouil­lades (con­trac­tion de genoux et de nouilles) de « Black Lives Mat­ter », des élec­tions à deux tours étalées sur un trimestre avec des chiffres de par­tic­i­pa­tion tou­jours plus bas, quelques atten­tats islamiques mor­tels dont une décap­i­ta­tion d’enseignant et trois assas­si­nats dans une basilique, la dégringo­lade économique, un deux­ième enfer­me­ment, l’inamovible caisse d’enregistrement « rat­a­plantesque » qu’est devenu notre Par­lement, un médica­ment qui ne marche qu’à Mar­seille et nulle part ailleurs en France. Cette liste n’est évidem­ment pas exhaustive.

Haut les mains, c’est un hold up !

Mais l’important, c’est d’ergoter sur les objec­tions des derniers résis­tants du brou­et débité sans pitié par nos médias. Cela s’appelle « fake news ».

Creusons un peu et tournons-nous vers le grand chef : Le Monde ! Dans son édi­tion du 13/11/2020, William Audureau a beau­coup tra­vail­lé. Il a apporté à ses lecteurs 36 répons­es sur la pandémie de Covid 19. Le sous-titre est empha­tique : « ‘’Le Monde’’ répond à un long et pop­u­laire mes­sage viral sur Face­book » Pom­peux certes, mais faux et embrouil­lé comme l’esprit du quo­ti­di­en du soir. Décodons : « Le mes­sage viral » est un long métrage de 2h43 inti­t­ulé Hold Up. « Long et pop­u­laire » équiv­aut à ennuyeux et débile, sinon dan­gereux. Main­tenant que le lecteur est mis en con­di­tion, il peut décou­vrir la bonne parole car on va dis­tinguer pour lui « les ques­tions qui s’appuyaient sur une fausse infor­ma­tion de celles qui rel­e­vaient davan­tage de l’opinion ou d’exagérations rhé­toriques ». On s’attend à ce que ce film soit démoli comme Pom­péi par le Vésuve. Résul­tat : sur les « 36 répons­es », 22 ne sont que des « expli­ca­tions », au cas où celui qui a vu le film n’ait pas com­pris, 6 sont « exagérées », selon la pen­sée du Monde, 1 seule est « ori­en­tée », tou­jours selon l’étalon en or dur du Monde. Reste 7 « atten­tion, fausse information ».

Sept fauss­es infor­ma­tions en 2h43, la moyenne est net­te­ment au-dessous d’un score du JT de TF1 ou bien Arte ou des bul­letins d’infos de BFMTV, selon d’autres critères choi­sis par d’autres som­mités que Le Monde.

Des exemples

Deux exem­ples : la seule « ori­en­tée » est celle-ci : « Pourquoi ne demande-t-on pas au peu­ple de quelle manière il souhaite être gou­verné dans cette sit­u­a­tion de crise ? » Élé­ments de lan­gage de la réponse : il faut « davan­tage de péd­a­gogie et de dia­logue avec la société civile et la créa­tion d’un comité de liai­son ». Du Cas­tex dans le texte ! Et, comme référence le référen­dum sur Maas­tricht ren­voyé aux oubli­ettes à Lis­bonne par Nico­las Sarkozy. Autre exem­ple dans la caté­gorie « exagérées » : « Pourquoi la vague des dépres­sions et de sui­cides serait minorée, pourquoi les médecins qui ont une approche autre se font-ils agress­er sur les plateaux de télé, pourquoi tous les médias ont-ils la même approche de cette sit­u­a­tion ? ». Réponse : « Il s’agit d’une affir­ma­tion con­testable, qui relève davan­tage de l’opinion que des faits. » Cela laisse effec­tive­ment sans voix !

Mais le petit destroy­er Libéra­tion du grand porte-avion Le Monde n’est pas resté en reste. Sept pages, dont la Une (le 13/11/2020) sur ce film « nauséabond ». Deux exem­ples : « Ce que dit le film. Ancien phar­ma­cien, Jean-Bernard Four­tillan assure dans le film qu’un brevet avait déjà été déposé sur ‘’les tests pour détecter la mal­adie Covid 19, le 13 octo­bre 2015’’. Il affirme ensuite que le virus ‘’a été fab­riqué par l’Institut Pas­teur’’ ». Réponse : « Pourquoi c’est faux. Comme indiqué sur le site de l’Office européen des brevets, ce brevet a été actu­al­isé en 2020 par son inven­teur pour adapter la tech­nolo­gie ini­tiale­ment brevetée (des tech­niques d’analyses de don­nées bio­métriques) à la détec­tion du nou­veau coro­n­avirus. La tech­nolo­gie brevetée en 2015 peut donc servir à détecter le Covid 19, mais elle n’a pas été créée pour cela. » C’est donc vrai, mais c’est pas vrai ! Com­prenne qui pour­ra (ou voudra). Dans une autre « réfu­ta­tion » digne du Gorafi, on trou­ve cette per­le : « le faux pas de la revue médi­cale The Lancet […dont l’étude con­clu­ant à l’inefficacité et même à la dan­gerosité du traite­ment à l’hydroxychloroquine] qui avait été retiré par cer­tains de ses auteurs la semaine suiv­ante en rai­son de doutes sur la fia­bil­ité des don­nées util­isées. » On com­prend mieux, à l’aune de cet exem­ple qui qual­i­fie le fait qu’une des trois revues sci­en­tifiques mon­di­ales de référence pub­lie une étude bidon­née de « faux pas », que notre presse général­iste dev­enue irre­spon­s­able ne s’embarrasse pas de pudeur déon­tologique et la rem­place avec allé­gresse par de la mora­line en intraveineuse, bien­tôt rem­boursée par la sécu­rité sociale.

Samizdat cinématographique

Mais le pire, c’est que ce « hold up » ait pu pass­er entre les mailles du filet idéologique de plus en resser­ré par les tenailles lég­isla­tives et admin­is­tra­tives. D’où la rage de la prési­dente déléguée des députés LREM, l’héraultaise Coralie Dubost qui a alerté sur Twit­ter : « Hold-up n’est pas un docu, ce n’est pas du jour­nal­isme, c’est une pro­pa­gande com­plo­tiste à bud­get block­buster. » (cité sur Cen­tre Presse du 14/11/2020). Infor­mons cette impor­tante députée et évi­tons-lui une « fake news » : « 200 mil­lions de dol­lars, c’est, à l’heure actuelle, le bud­get stan­dard pour un gros block­buster » (Téléra­ma, 13/06/2016). On l’excusera de ne pas avoir bien lu Libéra­tion du jour précé­dent (13/11/2020) qui donne le bud­get de ce film ; « leur objec­tif de 20 000 euros sur la plate­forme Ulule a été atteint en qua­tre jours et le pro­jet a finale­ment été financé à 914 % (un peu plus de 182 970 euros col­lec­tés, aux­quels il faut ajouter plus de 100 000 euros sur Tipeee pour le seul mois de novem­bre. » Les 200 mil­lions de dol­lars d’un Men in Black n’ont qu’à bien se tenir… Et on com­prend mieux pourquoi, dans le numéro 259 d’Antipresse du 15/11/2020, Slo­bo­dan Despot qual­i­fie ce film de « pre­mier vrai samiz­dat occi­den­tal ».

La leçon de Guy Debord

Résumons. À tra­vers la mode des « fake news », nous voici dans un monde décrit par­faite­ment en 1988 par le sit­u­a­tion­niste Guy Debord dans ses Con­sid­éra­tions sur la société du Spec­ta­cle (Gérard Lebovici) :

« Jamais cen­sure n’a été plus par­faite. Jamais l’opinion de ceux à qui l’on fait croire encore, dans quelques pays, qu’ils sont restés des citoyens libres, n’a été moins autorisée à se faire con­naître, chaque fois qu’il s’agit d’un choix qui affectera leur vie réelle. Jamais il n’a été per­mis de leur men­tir avec une si par­faite absence de conséquence. »

Bref, au mieux, celui qui n’accepte pas la doxa médi­a­tique peut béné­fici­er d’une sorte de bien­veil­lance : il n’est pas vrai­ment méchant, il et seule­ment malade et on va le soign­er avec quelques médica­ments bien­pen­sants. Mais si cela ne marche pas… On recourt alors au Le Lotus bleu d’Hergé où le fils d’un dig­ni­taire devenu fou répète son mantra : « Lao Tseu l’a dit : ‘’Il faut trou­ver la voie’’. Moi, je l’ai trou­vée. Il faut donc que vous la trou­viez aus­si. Je vais vous couper la tête. Ensuite, vous con­naîtrez la vérité ! »
Bien­v­enue dans « la cage aux phobes ».

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