Première diffusion le 01/10/2018 — L’Observatoire du journalisme (Ojim) se met au régime de Noël jusqu’au 5 janvier 2019. Pendant cette période nous avons sélectionné pour les 26 articles de la rentrée qui nous ont semblé les plus pertinents. Bonne lecture, n’oubliez pas le petit cochon de l’Ojim pour nous soutenir et bonnes fêtes à tous. Claude Chollet, Président
La dernière semaine de septembre 2018, RMC et BFM se sont beaucoup intéressées à l’Aquarius. Ce qui frappe l’oreille, c’est l’absence complète de recul et de mise en perspective.
« Il s’est passé quelque chose d’important ce week-end, les équipes du navire humanitaire se sont opposés aux gardes côtes libyens qui ne voulaient pas les laisser prendre en charge des migrants dont le bateau de fortune était en train de couler. Finalement et après des heures de tensions en pleine mer, 47 personnes ont bel et bien été secourues, accueillies à bord de l’Aquarius qui une fois encore ne sait pas où il va pouvoir accoster et qui pourrait aussi perdre son pavillon sous la pression de l’Italie. »
« À bord, 47 migrants essentiellement libyens, essayant de fuir leur pays en guerre (…) Les gardes côtes refusent l’intervention, les humanitaires réagissent » et réussissent le « sauvetage ». Insistance sur la Libye, « pays en guerre » et sur le fait que le « travail humanitaire est menacé », pas seulement par la Libye « mais aussi par l’Union Européenne ».
C’est ce qui ressort des divers reportages et ce qui se dit sur RMC et BFM.
Le sens du vent
Globalement, RMC s’est mobilisée ainsi :
- La parole n’est donnée qu’à des représentants de SOS Méditerranée, France Terre D’Asile et MSF, lesquels soit affrètent le navire, soit ont des militants à bord.
- La France refuserait d’accueillir les navires humanitaires et d’aider SOS Méditerranée.
- Aucun journaliste de la radio n’interroge la raison pour laquelle l’Aquarius est le dernier navire humanitaire en mer ni ne revient sur la collusion entre ONG et passeurs. Les ONG sont présentées exclusivement comme sauvant des victimes et, a contrario, la France et l’Union Européenne, en particulier l’Italie, sont présentées comme étant complices des morts en mer, dont le nombre de 1700 depuis janvier est répété à satiété. Notons que la notion de collusion et de « juteux trafic » d’êtres humains ne provient pas que de médias qui seraient classés à droite. Médiapart s’en est aussi fait aussi l’écho.
- RMC n’indique pas que les 77 000 euros annoncés sur son site par SOS Méditerranée comme étant alloués à l’opération Aquarius sont en partie financés par des subventions des États, ce qui pose question puisque la radio donne la parole à plusieurs intervenants qui tous expliquent que le sauvetage des migrants illégaux serait entravé par les pays européens, autrement dit par ceux qui financent en grande partie cette même opération.
- RMC n’indique pas plus ce que révélait l’hebdomadaire Valeurs Actuelles mi-août 2018, à savoir que l’association SOS Méditerranée est aussi subventionnée par de grands médias, par le biais de campagnes de publicité gratuites. Des campagnes qui auraient coûté plus de 500 000 euros si l’association avait dû les financer. On trouve dans la liste : Canal+, Europe 1, France 2, France 3, RMC, BFM, France Inter, France Info… tous médias sur lesquels la question des migrants est traitée quotidiennement sur la base d’un angle unique, celui de la nécessité humanitaire absolue d’ouvrir les portes de l’Europe, tandis que dans le même temps les pays critiquant cet angle sont automatiquement montrés du doigt par ces mêmes médias. Valeurs Actuelles indiquait par ailleurs que cette opération d’aide à l’association avait été menée par « le service d’information du gouvernement », un gouvernement dont les représentants de cette même association disent (sur ces mêmes médias) qu’il abandonnerait l’Aquarius.
Ainsi, c’est à ne plus rien y comprendre… RMC et BFM ont aussi donné la parole à la présidente de SOS Méditerranée, le 24 septembre 2018, durant une dizaine de minutes. Une présidente qui parle uniquement de « réfugiés », et non de migrants, et ne se voit à aucun moment opposer un discours contradictoire. La question des migrants dans les médias français n’a de fait qu’une seule réponse. Comment caractériser une question dont on affirme qu’elle n’aurait qu’une réponse, en terres de médias ?
Crédit photo : cne-cna-c6f (Domaine Public)