Le jeudi 30 janvier 2019, l’une des invitées de Jean-Jacques Bourdin dans l’émission de RMC Bourdin direct était la députée LREM Aurore Bergé. Un échange surprenant qui mérite d’être signalé.
Aurore Bergé, députée des Yvelines, porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée nationale est interrogée sur des questions liées aux discriminations, sujet devenu central dans le panel médiatique français.
Premier sujet : Roman Polanski.
Le cinéaste a été « nominé » aux Césars pour nombre d’aspects de son film J’accuse. Il est par ailleurs accusé de viols depuis les années 70, l’un étant reconnu, avec condamnation et passage rapide par la case prison puis pardon de sa victime dans le cadre des habitudes d’une justice américaine fondée sur des accords financiers. Elle était âgée de 13 ans lors de faits au cours desquels elle fut alcoolisée et droguée. Bourdin compte une vingtaine d’autres victimes potentielles.
Le journaliste veut savoir si Aurore Bergé ira applaudir le cinéaste lors de la remise des Césars. Elle indique qu’on ne peut pas applaudir des victimes et un coupable le même soir, même s’il est un grand réalisateur. Bergé insiste sur le fait que la victime était un enfant, par essence non consentant. La députée fait le lien avec les autres femmes de France, celles qui ne peuvent pas parler et qui peuvent se sentir insultées. Elle n’ira pas à la cérémonie, même si la liberté de création ne doit pas être entravée : l’art doit pouvoir tout montrer. La question ici n’est pas la liberté du créateur mais du justiciable. L’argumentaire d’Aurore Bergé est défendable et rien ne surprend dans l’analyse faite dans Bourdin direct.
Mais… voici le deuxième sujet.
Deuxième sujet : Mila
Jean-Jacques Bourdin présente les faits : une jeune lycéenne de 16 ans, Mila, a envie d’être chanteuse. Elle a posté des vidéos sur des réseaux sociaux, des hommes ont été insistants, « voir très insistants » dit Bourdin — en particulier un musulman. Citation des propos réactifs de la jeune femme, avec un ton de son âge : au sujet du Coran, « il n’y a que de la haine là-dedans, l’islam c’est de la merde, je ne suis pas raciste, on ne peut pas être raciste d’une religion ». La vidéo devient virale, Mila reçoit de nombreuses menaces de mort et la lycéenne est obligée d’être déscolarisée.
Mercredi matin 29 janvier précise Jean-Jacques Bourdin Nicole Belloubet, garde des sceaux et ministre de la justice, a déclaré à la radio que « L’insulte à la religion est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave ». Bourdin poursuit : « Elle a aussi condamné les menaces de mort faites à l’encontre de Mila, estimant que dans une démocratie la menace de mort est inacceptable. Est-ce qu’elle a commis une bourde ? ».
Aurore Bergé répond que « la garde des sceaux s’est reprise dès l’après-midi », expliquant qu’elle s’était mal exprimée (ce qui est fréquent au sein de l’exécutif depuis deux ans), et « qu’elle ne voulait en aucun cas rétablir une sorte de délit de blasphème. Il n’y a absolument pas cela dans ses propos ».
Bourdin bon enfant veut bien admettre que Belloubet se soit trompée.
Aurore Bergé va beaucoup plus loin :
« Il ne faut pas laisser penser dans notre pays qu’une jeune fille mériterait de subir ce niveau de menaces de mort, de viols, d’attaques homophobes, d’une part, et, d’autre part, ce qu’elle a dit elle a tout à fait le droit de le dire dans notre pays. On a le droit de ne pas partager ses propos, on a le droit de trouver que c’est trop véhément, que c’est injuste mais elle n’a jamais attaqué les personnes. On a le droit au blasphème, on a le droit de critiquer les religions, toutes les religions et d’attaquer même de manière virulente les religions, on a le droit de faire les couvertures de Charlie Hebdo et heureusement dans notre pays. Ce dont on n’a pas le droit c’est d’attaquer les personnes qui croient, c’est de les désigner, et ce n’est pas ce qu’elle a fait, d’ailleurs elle le précise très clairement dans sa vidéo où elle dit qu’elle n’attaque pas les personnes. Donc, il faut être très vigilant là-dessus parce que certains, je l’ai bien vu sur les réseaux sociaux, que certains ont cherché à s’engouffrer dans cette brèche là… ».
Intervention de Bourdin qui précise qu’il y a deux enquêtes : l’une en défense de Mila mais… aussi une autre de « provocation à la haine raciale ». Bergé hésite à commenter mais indique cependant qu’elle ne comprend pas (entretemps le parquet a abandonné la plainte contre la jeune Mila).
Mieux :
« Je partage les propos de Mila. Je ne vois pas où est la haine raciale à l’égard d’une religion. Une religion n’est pas une race, une religion c’est pas une ethnie, c’est une communauté de personnes qui croient, dans une certaine culture, mais j’ai du mal à voir où est fondée la haine raciale dont elle est accusée. Par contre, je vois très bien la violence dont elle a été l’objet et qui est là absolument intolérable. Je suis très étonnée des propos du président du CFCM qui dit qu’elle l’a bien cherché, « qui sème le vent récolte la tempête »… si demain, cette jeune fille est attaquée physiquement ? On devrait la protéger… »
Bourdin : « Le parquet encourage ces réactions ». Bergé insiste : elle est étonnée. Elle précise : « on devrait tous dire qu’une jeune fille de 16 ans qui tient des propos de blasphème ne devrait pas subir le déferlement de haine qu’elle a subi ».
Deux points à noter
- Comme il est d’usage depuis deux ans, un ministre de premier plan dit une énormité qui ne respecte pas le droit, les valeurs ou les principes de la république puis procède à un rétropédalage.
- Sur la base des propos d’Aurore Bergé, ténor de la majorité, proche de la première heure du président de la république, l’affaire Mila devrait faire jurisprudence. Accuser quelqu’un, de « haine raciale » quand cette personne critique ou même insulte une religion, en l’occurrence l’islam, n’a pas de sens. Bergé, comme Mila, considère que l’islam n’est pas une race.
De fait, Aurore Bergé indique, à travers le cas Mila, combien nombre de délits d’opinion sont infondés en France. Comme par exemple toutes les accusations d’incitation à la haine raciale prononcées à l’encontre de Zemmour dès qu’il émet des propos du même ordre, quoique moins violents, que ceux de Mila. Aurore Bergé a défendu Mila et (indirectement) Zemmour, tous deux injustement accusés de provocation à la haine raciale. Il fallait le remarquer.
NB Pour un exemple de propagande déchaînée, voir notre article sur Télérama, faisant le lien entre Zemmour et… antisémitisme. Un modèle d’anti-journalisme.