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Robert Ménard à la Une d’Arte !

1 août 2018

Temps de lecture : 9 minutes
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Robert Ménard à la Une d’Arte !

Temps de lecture : 9 minutes

Red­if­fu­sion. Pre­mière dif­fu­sion le 19 avril 2018

Arte se serait-elle mise enfin et réellement au pluralisme? C’est ce que l’on pourrait a priori penser : la chaîne diffuse un reportage consacré à Robert Ménard. Analyse.

Robert Ménard en prime time d’Arte (le midi) et à la même heure que le prési­dent ! De quoi jeter un œil. Arte Regards est une émis­sion quo­ti­di­enne d’Arte, pro­posant de regarder « L’Europe dans sa diver­sité en reportages quo­ti­di­ens : une plongée dans des réal­ités inédites, du lun­di au ven­dre­di à 13 heures et à tout moment sur le net ». De prime abord, l’observateur est sur­pris : le site de l’émission se présente sous l’égide de la pho­togra­phie d’une jeune femme européenne et rousse, on la soupçonne irlandaise de souche. Diantre ! Voilà qui sem­ble peu habituel, en par­ti­c­uli­er sur une chaîne qui a su habituer à moins de finesse sur cer­tains sujets. Le 3 avril 2018, l’émission pro­po­sait un reportage inti­t­ulé « Robert Ménard, pop­uliste décom­plexé ». Une jeune irlandaise, du plu­ral­isme, Ménard… le monde des médias change-t-il ? Peut-être… D’autant que la même semaine, cette émis­sion emme­nait son téléspec­ta­teur au long cours d’autres sujets prég­nants : « marcheurs con­tre VTT », « haro sur la cor­rup­tion en Ukraine », « un pro­jet de réc­on­cil­i­a­tion mul­ti­eth­nique au Koso­vo », « le big wave surf­ing au Por­tu­gal », « rire con­tre Orban »…

Regards sur Robert Ménard : le pitch de l’émission

« À Béziers, Robert Ménard avait promis une révo­lu­tion munic­i­pale. Depuis le début de son man­dat, il a com­mencé à rénover le cen­tre-ville, passé des arrêts munic­i­paux con­tre l’ouverture de restau­rants com­mu­nau­taires, imposé sa crèche de Noël et fait dou­bler les effec­tifs de sa police munic­i­pale – qu’il a aus­si armée. Pen­dant dix jours, dans sa ville, “ARTE Regards” tente de com­pren­dre ses moti­va­tions, sa vision du monde, ren­con­trant ses par­ti­sans comme ses détracteurs ».

Une accroche neu­tre. Pour­tant, comme l’on par­le de « l’extrême droite », les pre­miers mots sont mar­ti­aux, au sujet de Béziers : « La citadelle a subi bien des assauts dans son his­toire, aujourd’hui elle subit ceux inces­sants de tous les opposants à l’homme instal­lé dans son hôtel de ville » (le mot « élu » plutôt qu’ « instal­lé » eut sans doute été trop fort). Dans les doc­u­men­taires d’Arte, tout est dans les mots.

Introduction du documentaire

  • 57e sec­onde : « Il a réduit l’opposition à un rôle de fig­u­ra­tion » ; la parole est don­née à un témoin qui évoque « la méth­ode Ménard » (à l’arrière-plan, accroché au mur, le dra­peau rouge de l’URSS – véridique, et crédi­ble pour tout ce qui con­cerne « la méthode »).
  • Le témoin : « La méth­ode cor­re­spond à son per­son­nage, méprisant, provo­quant et qui en même temps n’écoute per­son­ne » (élar­gisse­ment du plan : on aperçoit une grande pho­to encadrée de Che Guevara).
  • Enchaîne­ment du com­men­ta­teur : « On l’accuse d’être raciste, il choque et déclenche des polémiques mais il pour­rait bien être réélu dans deux ans » (la musique de fond est à la fois ryth­mée et angoissante).

Les mots du documentaire :

  • Ils sont fine­ment choi­sis d’emblée. Exem­ple : sur l’avenue prin­ci­pale de Béziers, où Ménard passe chaque same­di, « Le maire a con­traint les pro­prié­taires à ravaler les façades » (con­train­dre, pas de hasard). Pourquoi ? L’observateur ne l’apprendra pas, mais « il a dépen­sé 22 mil­lions d’euros pour embel­lir la ville », « il veut redonner du souf­fle à sa ville, et pour lui cela passe aus­si par les écoles du centre-ville ».
  • Robert Ménard entre dans une école qui vient d’être refaite à neuf, dans ce même cen­tre-ville, salue l’enseignant et les enfants. À l’image ? Sont vis­i­bles 17 enfants dont trois sem­blent d’ascendance européenne. L’enseignant, jeune, est mal à l’aise mais « depuis son arrivée à la mairie, la ville a dépen­sé plus de 6 mil­lions d’euros pour ses écoles ».
  • En fait : « Le bud­get de l’école est resté sen­si­ble­ment le même que celui de la munic­i­pal­ité précé­dente. La dif­férence est que Robert Ménard, lui, a fait de l’éducation un enjeu poli­tique » (sous-enten­du, les munic­i­pal­ités précé­dentes, non). La parole à Ménard : « Quand dans cer­taines écoles, 90 % des enfants sont issus de l’immigration, cela s’appelle un ghet­to. Alors on peut être un hyp­ocrite et un faux-cul de pre­mière et ne pas regarder cela, regarder ailleurs, c’est ce que fait la France depuis 40 ans. Et puis, vous pou­vez-vous dire, est-ce que c’est bien pour ces enfants d’être dans des endroits où la majorité des mamans par­le pas bien Français ? Et sont bien inca­pables de suiv­re les études de leurs enfants ? Non, c’est pas bien pour les enfants. Voilà ce que j’ai dit » (…) « Dire la réal­ité c’est un délit ? Dire la réal­ité c’est être raciste ? Dire qu’il y a un prob­lème avec l’immigration c’est un pro­pos raciste ? Mais où on a vu cela ? ». Com­men­ta­teur : « Pour des pro­pos sim­i­laires, Robert Ménard a été con­damné à 2000 euros d’amende par le tri­bunal cor­rec­tion­nel de Paris ». Effec­tive­ment… Si « prob­lème (déf­i­ni­tion : ques­tion à résoudre qui prête à dis­cus­sion) avec l’immigration » (déf­i­ni­tion : entrée dans un pays de per­son­nes étrangères qui vien­nent pour un long séjour ou pour s’y installer) vaut con­damna­tion, la réal­ité de la lib­erté d’expression en France mérite d’être observée.
  • Saut dans l’espace, vers le quarti­er qui « con­cen­tre une bonne par­tie de la pop­u­la­tion immi­grée de Béziers. 5000 habi­tants, 20 % d’étrangers (com­pren­dre : des habi­tants n’ayant pas la nation­al­ité française, à l’opposé des autres habi­tants issus de l’immigration du quarti­er), 80 % des loge­ments sont des loge­ments soci­aux » (durant ces mots, l’image mon­tre un jeune faisant une roue arrière sur la route, avec une moto cross, et un arrêt de bus inti­t­ulé « Rue d’Alger »).

Permission de parler ?

  • Témoin, un habi­tant d’origine française vivant dans ce quarti­er depuis 30 ans qui a com­bat­tu tous les élus « depuis la défaite du dernier maire com­mu­niste de Béziers ». Les mots : « Béziers est la 4e ville de France la plus pau­vre et il y a 40 % de la pop­u­la­tion qui vit en-dessous du seuil de pau­vreté, plus de 35 % des jeunes qui sont au chô­mage ». Le maire ne s’occuperait que du cen­tre-ville (dont il n’est pas dit qu’il était à l’abandon). Scène extra­or­di­naire : le mil­i­tant com­mu­niste est inter­pel­lé par 5 jeunes, vis­i­ble­ment issus de l’immigration, qui se tien­nent devant une entrée d’immeuble : il demande alors l’autorisation de « venir » et aus­si : « On peut par­ler ? ». On n’entre pas sur un ter­ri­toire sans autori­sa­tion des autorités locales à cas­quettes. On mon­tre un immeu­ble en instance de destruc­tion, dans lequel ne reste qu’une famille, tout est cassé, dégradé et à l’abandon mais la famille a refusé deux loge­ments pro­posés par la mairie qu’elle « juge trop éloignés ». Témoin : un jeune assis der­rière une camion­nette en train de fumer la chicha. Dis­cours habituel : le social est la source de toute la délin­quance du quartier.
  • Robert Ménard et sa famille ont vécu dans ces quartiers, il dit : « c’était dif­férent car les femmes n’étaient pas voilées, l’Islam n’avant pas le poids qu’il a, les minorités étaient minori­taires et donc étaient mieux inté­grées ». Ménard : « Je suis pour qu’il y ait de la mix­ité dans les quartiers ».
  • Suit un débat sur France 3 entre un ancien député PS devenu LRM et Ménard. L’ancien PS indique que jamais son ancien par­ti n’a pra­tiqué le clien­télisme. Le député LRM est chargé d’une mis­sion sur la déser­ti­fi­ca­tion des cen­tres-villes, se croy­ant hors caméra il indique pourquoi il n’est pas encore allé à Béziers : « Mes copains PS et Macron me dis­ent n’y va pas, tu vas être récupéré, affiché avec le FN ». Où l’on apprend que le macro­nisme est la pour­suite du par­ti social­iste par d’autres moyens.

L’opposition malheureuse et maltraitée

  • Retour à Béziers, où « l’opposition a bien du mal à exis­ter ». But : mon­tr­er que « Ménard est un bon com­mu­ni­cant pour faire croire qu’il est un bon ges­tion­naire », « un mythe ». Deux vierges repeintes, une stat­ue de Jeanne d’Arc… L’opposition est choquée.
  • Le reportage se cen­tre ensuite sur le jour­nal munic­i­pal de Béziers, « qui se lit bien car il n’est pas fait comme un jour­nal munic­i­pal » (Ménard). Il est vrai que per­son­ne en France ne lit les jour­naux munic­i­paux. De là, décalage vers les affich­es munic­i­pales poli­tiques ayant fait polémique. L’idée est d’accuser Ménard d’utiliser sa ville à des fins poli­tiques personnelles.
  • « Alors, com­ment Ménard a‑t-il pu représen­ter pen­dant 23 ans la pro­fes­sion de jour­nal­iste ? ». Réponse : « Défendre la presse n’est pas défendre la façon dont les jour­nal­istes font leur méti­er ». Le doc­u­men­taire avance alors vers le soupçon de « méga­lo­manie » qui ani­merait Ménard depuis Reporters sans fron­tières, le fon­da­teur de Médecins sans fron­tières à l’appui. Ménard appa­raît comme une sorte de « dic­ta­teur ». En toile de fond : des femmes voilées au corps en grande par­tie recouvert.
  • Témoin suiv­ant : « Depuis Ménard, qui a ouvert la porte, il y a une libéra­tion du racisme ». La preuve, les gens ne se « cachent plus pour vot­er FN ». Musique pleine d’espoir pour mon­tr­er cette femme témoin qui nour­rit les pau­vres de Béziers, avec l’aide du pre­mier témoin, con­seiller munic­i­pal com­mu­niste. Pas un mot sur l’historique : com­ment la ville en est-elle arrivée à cette pau­vreté ? Pourquoi ? Durant quelles municipalités ?

Des aides maintenues mais « pas de cadeaux »

  • Ici, les mots du doc­u­men­taire résu­ment presque à eux seuls l’état des médias offi­ciels con­tem­po­rains : « Ménard ne fait pas de cadeaux aux asso­ci­a­tions (ici, celle qui « sauve » les pau­vres) qui sont en désac­cord avec lui, même s’il n’a pas réduit les aides ». Il était donc pos­si­ble de pren­dre les choses sous un autre angle et de dire par exem­ple : « La munic­i­pal­ité a main­tenu les aides aux asso­ci­a­tions venant en aide aux pau­vres de Béziers, quelle que soit leur orig­ine », puisque tel est le réel.
  • Les idées de Ménard seraient d’autant plus dan­gereuses qu’elles s’étendraient : ven­dre­di soir, il retrou­ve sa femme, Emmanuelle Ménard, députée. La volon­té du doc­u­men­tariste est de faire dire à Madame Ménard qu’elle aurait des ambi­tions nationales, bien qu’elle insiste pour dire le con­traire. Dernier mot pour­tant au doc­u­men­tariste, con­va­in­cu que Madame Ménard sera un jour can­di­date à ce des­tin nation­al. Ménard « espère bien faire des émules dans d’autres villes, pour met­tre en œuvre les idées qu’il met en œuvre à Béziers, le lab­o­ra­toire de sa poli­tique ».
  • Vient le con­seil munic­i­pal. Doc­u­men­taire : « Avec Robert Ménard le débat est rarement apaisé ». Pour­tant les images mon­trent un con­seil munic­i­pal calme, du moins jusqu’à ce qu’un con­seiller de l’opposition accuse à demi-mots, et sans doute pas pour la pre­mière fois, le maire de la ville d’utiliser l’argent pub­lic à des fins per­son­nelles. Ménard réag­it somme toute calme­ment, veil­lant au con­traire à ne pas enven­imer le débat. Pour le jour­nal­iste, ce serait pour­tant anti démoc­ra­tique. Très étrange impression.

Un doc­u­men­taire vicieuse­ment à charge, il y a bien du tal­ent intel­lectuel sur Arte pour faire pass­er des vessies pour des lanternes et un Robert Ménard pour un facho. Pour Arte, Ménard sem­ble mon­tr­er qu’un « matin brun » approche. Une télévi­sion dog­ma­tique à souhait. C’est vous qui la financez.

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