L’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) vient de publier son classement annuel mondial de la liberté de la presse 2020. Il revient sur la situation de cette dernière durant l’année précédente (vous pouvez retrouver notre article sur le rapport de 2019 ici).
Ce classement est “une photographie (subjective, NDR) de la situation de la liberté de la presse, fondée sur une appréciation du pluralisme, de l’indépendance des médias, de la qualité du cadre légal et de la sécurité des journalistes” dans 180 pays du monde.
“Une décennie décisive pour le journalisme” et un impact certain du coronavirus sur le classement 2021
Ce rapport commence sur de la prospective pour la nouvelle décennie qui vient de s’ouvrir, considérée comme “décisive pour le journalisme”. Cela est la conséquence des nombreuses crises auxquelles font face les journalistes : “crise géopolitique (agressivité des modèles autoritaires), technologique (absence de garanties démocratiques), démocratique (polarisation, politiques de répression), de confiance (suspicion, voire haine envers les médias d’information) et économique (appauvrissement du journalisme de qualité)”.
Mais à ces dernières, vient s’en ajouter une autre, la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 qui “met en lumière et amplifie les crises multiples qui menacent le droit à une information libre, indépendante, pluraliste et fiable”.
Même si les effets du coronavirus ne seront véritablement observables que dans le classement 2021, l’ONG constate déjà plusieurs impacts significatifs de ce dernier. La Chine et l’Iran, déjà à la fin du classement, foyers de l’épidémie, ont “mis en place des dispositifs de censure massifs”. L’Irak a suspendu pour trois mois la licence de l’agence de presse Reuters, “quelques heures après qu’elle ait publiée une dépêche remettant en cause les chiffres officiels des cas de coronavirus”. La Hongrie a fait voter une “loi coronavirus” qui “prévoit des peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour la diffusion de fausses informations”, “un moyen de coercition totalement démesuré” selon l’ONG. Éternelle croyance dans le retour de la dictature en Hongrie alors que pendant ce temps-là, le gouvernement français développe aussi une obsession pour les “fake news” tout en étant prolifique dans le domaine.
La France recule de deux places
Concernant la France, elle passe à la 34e place dans cette édition, soit un recul de deux places par rapport à l’année dernière.
“L’année 2019 a été marquée par une hausse très inquiétante d’attaques et de pressions contre les journalistes. Nombre d’entre eux ont été blessés par les tirs de LBD (lanceurs de balles de défense) ou de gaz lacrymogène des forces de l’ordre, et agressés par des manifestants en colère pendant le mouvement des Gilets jaunes puis lors des manifestations contre la réforme des retraites” explique RSF, ainsi qu’un “nombre croissant de cas d’intimidations judiciaires visant les journalistes d’investigation afin d’identifier leurs sources”.
Sans oublier, rappelons-le, la loi Avia ou les expériences douteuses entre Macron et Facebook, qui laissent présager que la chute dans le classement ne devrait pas s’arrêter.
Les pays nordiques en tête, la Corée du Nord ferme le classement
Concernant le classement général, la Corée du Nord occupe la dernière place, précédemment occupée par le Turkménistan (179e). L’Érythrée (178e), reste le pire pays du continent africain. A l’opposé de ces pays, on retrouve dans le trio de tête, la Norvège, première pour la quatrième fois d’affilée, suivie de la Finlande (2e) et du Danemark (3e). La Suède (4e) et les Pays-Bas (5e), ont chacun perdu une place, à cause “d’une recrudescence de cas de cyberharcèlement”.
Les pays réalisant les plus belles progressions sont la Malaisie (101e), les Maldives (79e) et le Soudan (159e), suite à des changements politiques, ils gagnent respectivement 22, 19 et 16 places.
Les plus fortes baisses sont réalisées par Haïti (83e), “où des journalistes se retrouvent pris pour cible lors des violentes manifestations qui secouent le pays depuis deux ans”, les Comores (75e) et le Bénin (113e). La zone géographique dont le score général s’est le plus dégradé est l’Asie-Pacifique, à cause de l’Australie, “caractérisée désormais par des menaces contre le secret des sources et le journalisme d’investigation”, ainsi que Singapour, à cause de sa loi “orwellienne” sur les fausses informations, et Hong Kong, avec son traitement des journalistes lors des grandes manifestations de 2019.
En résumé, l’index général connaît une légère amélioration sur un an, mais reste dégradé de 12% par rapport à l’année de sa création, en 2013. Le classement reste marqué par les préférences idéologiques de RSF, notamment sur la Hongrie.