Achats groupés de vaccins, émission de dette mutualisée, politique économique et migratoire, etc. : l’Union européenne a une influence de plus en plus grande sur le quotidien des citoyens. Le journal mensuel Ruptures (ruptures-presse.fr) s’est fixé comme ambition d’en appréhender les différentes dimensions, dans les domaines du social, de l’économique et du géopolitique. La ligne éditoriale affichée est souverainiste et clairement marquée à gauche. Qu’on la partage ou non, ce mensuel mérite d’être connu pour la qualité de ses articles.
Réincarnation de Bastille-République-Nation
L’origine de Ruptures est à trouver dans le mensuel “progressiste radicalement eurocritique” Bastille-République-Nation. Lancé en 2000, ce journal proposait — déjà — des analyses approfondies sur l’actualité tant de l’Union européenne que des pays qui la composent. En 2015, le titre a changé de nom pour prendre celui de Ruptures, censé drainer un lectorat plus large. Ruptures est avant tout un média en format papier, disponible sur abonnement, le site internet du journal n’étant qu’une vitrine avec peu de contenu.
La rédaction du journal est assurée par 5 journalistes et par son rédacteur en chef, Pierre Lévy. Celui-ci se présente comme « journaliste, ancien rédacteur au quotidien L’Humanité , ancien syndicaliste CGT-Métallurgie ». Ruptures annonce avoir un peu plus de 10 000 lecteurs, ce qui est peu compte tenu de la qualité des articles du journal, mais difficile à contrôler. Le prix de l’abonnement annuel, d’un montant de 60 € (par prélèvement) ou de 79 € par chèque, et son absence de diffusion en kiosque, n’y sont sans doute pas étrangers.
Des brèves et des articles fouillés
L’édition papier de Ruptures compte 4 pages, composées d’un éditorial, de « brèves et dérapages » sur l’actualité de l’U.E. et des pays européens, et des articles consacrés, en fonction de l’actualité, à l’économie, au social, aux institutions européennes et à l’actualité internationale.
Le dernier numéro (n°121) comporte un article consacré aux divergences entre pays européens sur la politique économique commune, que celles-ci concernent les suites à donner aux mesures protectionnistes américaines ou les sanctions contre la Russie. Un autre article présente, en épargnant au lecteur les habituelles polémiques contre Viktor Orban, la politique singulière du gouvernement hongrois au sein de l’U.E. : « Budapest plie mais ne rompt pas ».
Un autre sujet abordé en profondeur dans le dernier numéro de Ruptures est la division des 27 pour faire face aux vagues migratoires. L’angle éditorial est factuel, sans le traditionnel couplet si fréquent à gauche sur « l’Europe forteresse », qui correspond si peu à la réalité. Nous voilà loin des articles écrits à la hâte à partir de dépêches de l’AFP. L’édition papier du journal permet par ailleurs un confort de lecture d’autant plus appréciable que le contenu des articles est dense.
« Média affilié à un État, Russie »
L’étiquette souverainiste de gauche est parfois difficile à porter. Wikipédia souligne que le défunt site d’extrême gauche Confusionnisme.info qualifiait en 2015 la ligne éditoriale du journal d’ambiguë, et « d’un nationalisme bon teint mâtiné de protectionnisme et de républicanisme ». De fait, l’ancrage affiché à gauche du journal n’apparait pas évident à la lecture de nombreux articles.
Sur Twitter, le compte de Ruptures est depuis septembre 2020 labellisé « Média affilié à un Etat, Russie ». Coïncidence ou explication, ce label a été apposé peu de temps après que le journal ait consacré un article critique sur le traitement médiatique du Russiagate. « Cela a des conséquences négatives à la fois en matière de visibilité sur Twitter mais surtout de réputation », notait le journal en octobre 2020. Malgré de multiples démarches du rédacteur en chef, l’oiseau bleu est resté inflexible, sans toutefois apporter la moindre explication à cette désignation.
Un documentaire sur le Brexit en préparation
En partenariat avec le journal Front populaire, Ruptures a lancé fin 2021 un financement participatif pour la réalisation d’un documentaire sur le Brexit, « vu du peuple ». Bien que les fonds nécessaires semblent avoir été recueillis, sa sortie, initialement prévue en novembre 2022, a été reportée en l’attente de l’achèvement du tournage. Le journal invoque des contretemps de natures diverses.