Suite au sketch de Nicolas Canteloup diffusé mercredi dernier sur Europe 1 et traitant du génocide au Rwanda, le CRAN a décidé de saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
L’actualité s’y prêtait – le procès de Pascal Simbikangwa, accusé de crimes contre l’humanité à l’encontre des Tutsis, se déroule actuellement à Paris –, Nicolas Canteloup l’a fait. Imitant Julien Courbet réglant un simple conflit de voisinage entre un certain « Monsieur Hutu » et un autre « Monsieur Tutsi », Canteloup a imaginé que le génocide qui a suivi partait de cette petite querelle de proximité.
« Vous avez découpé, machetté et carpaccioté sa famille, alors qu’apparemment il n’en avait pas exprimé le désir. (…) Vous lui auriez également découpé les bras bien dégagés au-dessus des coudes, il a d’ailleurs eu le plus grand mal à vous écrire, du coup, avec les conséquences désagréables qu’on imagine, perte d’une montre de famille, impossibilité désormais de faire du stop… Comment ça, vous vous en lavez les mains ? Pas lui, il ne peut plus le faire », lance Nicolas Canteloup devant un studio d’Europe 1 hilare.
Un humour pas du tout au goût du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), qui vient de saisir le CSA. Le président du CRAN, Louis-Georges Tin, a estimé dans un entretien à L’Express que l’humoriste s’était « abaissé de la manière la plus pitoyable ». « Quand il s’agit des Noirs, à l’évidence, on peut tout se permettre. Mais il est temps que cela cesse. Ce soi-disant humour masque mal une forme extrême de mépris et d’abjection. Devant le crime contre l’humanité, esclavage, Shoah, Rwanda, on ne rit pas, on fait silence », a‑t-il ajouté, exigeant des excuses de la part de Canteloup.
Mais niet. Réagissant à cette menace, l’humoriste s’est défendu en citant Beaumarchais : « Je m’empresse de rire de tout, de peur d’avoir à en pleurer. » Imitant la voix de Nikos Aliagas, il a concédé qu’« un génocide n’est jamais drôle » mais qu’il essayait de « faire sourire avec une réalité justement parce qu’elle est tragique, donc insupportable ». Et d’ajouter : « Les nouvelles règles de l’humour 2014 : on fait une vanne, on s’excuse ! Une vanne, on s’excuse… »
Le président du Cran avait déjà saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel suite à un sketch de Canal+ sur le même génocide rwandais en décembre dernier. Il avait alors obtenu gain de cause et la chaîne s’était excusée.
Cette demande d’excuse de la part d’une association communautaire noire est également à placer dans un certain contexte : celui de l’affaire Dieudonné. En effet, si les puissantes associations juives parviennent, avec l’aide d’un ministre de l’Intérieur acquis à leur cause, à faire interdire un spectacle où l’on se moque de la Shoah, comment reprocher au CRAN de faire également valoir le respect de la mémoire africaine ?
Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse de Nicolas Canteloup ou de Dieudonné, aucun des deux ne s’est excusé sous la pression…
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Crédit photo : capture vidéo Europe 1 via Youtube