Un journaliste indépendant, directeur d’un média libre nazairien, a été mis en garde à vue au début de la semaine dernière pour 37,60 €. L’homme, âgé de 65 ans, a été retenu pendant près de 20 heures pour une histoire somme toute très légère. Mais cette garde à vue incongrue pourrait être liée à des intrigues politiques beaucoup plus profondes.
Jean-Baptiste Rochard est directeur du média libre nazairien Mediaweb. Avec la radio bauloise Kernews, Mediaweb, décliné en sites communaux (Saint-Nazaire infos, Pornichet Infos, etc…) est le seul média libre de la presqu’île. L’origine de l’affaire est presque anecdotique : en décembre, alors qu’il récupère d’un infarctus, Jean-Baptiste Rochard doit payer un petit commerçant et prend le premier chéquier qui lui tombe sous la main pour émettre un chèque de 37,60 € qu’il lui envoie. Mais le commerçant constate, en essayant de l’encaisser, que ce chèque est émis sur un compte clôturé. Et pour cause : le chéquier qui traînait sur la table avait près de dix ans. Impossibilité de joindre l’émetteur ? Énervement ? Il dépose une plainte. Une convocation est envoyée en lettre recommandée avec AC au directeur de média, qui se déplace, le lundi 16 mars vers 14h45. Et se voit signifier par la police de Saint-Nazaire une garde à vue pour ce motif. On prévient son avocat habituel, Me Denis Lambert.
L’intéressé est cardiaque. Si bien qu’à l’hôpital de Saint-Nazaire, une batterie d’examens lui sont faits pour vérifier qu’il est en bonne santé. À son retour, on lui dit que l’affaire financière est trop importante pour qu’il soit entendu par n’importe quel Officier de police judiciaire. Pensez, 37 euros 60 centimes ! Si bien qu’il passera la nuit, sur une planche, sans couverture, puis sera entendu le lendemain matin. Il ne sortira que le mardi 17 vers 11 h 30. À la fin, on lui conseillera d’aller payer le plaignant sous 36 heures, afin que l’affaire soit classée. L’affaire — qui ne méritait peut-être pas 20 heures de garde à vue — aura coûté bien plus cher à la justice, c’est à dire à tous, entre le forfait de l’avocat (360 euros) et les examens à l’hôpital.
Ce qui surprend, c’est que les policiers aient justifié cette garde à vue par l’impossibilité de joindre le directeur de média — ce qui est difficile à croire, les journalistes (et lui en particulier) étant joignables quasiment 24 heures sur 24. Sorti des geôles nazairiennes, Rochard a accusé l’UMP d’être responsable de sa garde à vue, qu’il qualifie de “brimade” due à “une cabale de l’UMP”. Une accusation qui n’est pas anodine, car à Saint-Nazaire il n’y a pas que l’histoire des Mistrals pour défrayer la chronique.
À Saint-Nazaire, l’inimitié entre Gatien Meunier, le chef local de l’UMP, et Mediaweb (et plus généralement tous les journalistes qui n’entretiennent pas au moins une neutralité bienveillante à son égard) est un secret de polichinelle ; elle remonte d’ailleurs à la fin du mandat de Sarkozy. “Mais il faut remonter plus loin”, nous précise un habitant de la Presqu’île bien au courant du dessous des cartes : “pour des raisons liées à son passé, Jean-Baptiste Rochard a beaucoup de contacts au sein de la droite locale et notamment avant l’arrivée de la famille Pinte, voire de Guichard ; il est au courant de bien des choses” On nous a confirmé par ailleurs que le fait que Mediaweb donne la parole à des gens de droite mécontents de la gestion de l’UMP à Saint-Nazaire et dans le département, comme ce militant, ne plaît pas beaucoup en haut lieu au sein de ce parti, dont les décideurs locaux dépendent de François Fillon.
Par ailleurs le sous-préfet actuel de Saint-Nazaire, Emmanuel Bordeau, est réputé être un proche de Nicolas Sarkozy qui l’a nommé à ce poste. Dans ce thriller politique de sous-préfecture apparaît aussi le vice-procureur Blin, qui connaît déjà M. Rochard ; ce dernier l’égratigne dans son accusation : “le vice-procureur Blin qui s’acharne contre moi dans la liquidation de la régie publicitaire iNouvelles prononcée en février 2013″. Société effectivement en cours de liquidation qui était la régie publicitaire de Mediaweb, un média lui-même très mal en point. “Leur but, c’est de me faire taire”, estime Jean-Baptiste Rochard lui-même.