[Première diffusion le 6 janvier 2020]
Le premier jour de l’année est un peu spécial en France. Après la fête de la Saint Sylvestre, on sait que le passage à la nouvelle année est invariablement émaillé d’« incidents » dans le pays. Heureusement, certains journalistes sont là pour prolonger la très légère euphorie du nouvel an. Au point d’occulter la gravité des événements. Revue de presse et des réseaux sociaux.
France 3 metteur en scène lénifiant et militant
Si le premier de l’an, au sortir d’un sommeil réparateur après un réveillon agité, vous prenez des nouvelles du pays en regardant le journal télévisé de France 3 de 12h30, la douce euphorie de ce début d’année pourra se prolonger sans soucis.
Il est vrai que les images des jeux de lumière sur l’arc de triomphe et du feu d’artifice sur les Champs Élysées en ce soir du 31 décembre 2019 sont impressionnantes. Quelques menus incidents sont brièvement résumés : « le réveillon a été festif partout en France, mais agité à Strasbourg et les pétards à Haguenau ont fait un mort ».
Bonne nouvelle, cela aura donc été – beaucoup – plus calme cette année que d’habitude. Pour illustrer le passage festif à la nouvelle année, il est important pour France 3 de donner la parole à… un clandestin. Ainsi apprend-on dans le reportage sur les Champs Élysées que « l’heure des vœux et espoirs a sonné même pour ces jeunes migrants fraichement débarqués en France ». Un clandestin, c’est pour France 3 un migrant africain. Celui-ci exprime ses vœux au journaliste de France 3 : « des papiers, des formations pour des jeunes migrants ».
Plutôt que de donner la parole à un propriétaire d’une des nombreuses voitures incendiées, il semblait apparemment important au service public de télévision de rappeler aux téléspectateurs en ce premier jour de l’année que de nombreux clandestins, qui imposent leur présence en France, attendent leur régularisation… Nous voilà rassurés, le militantisme à peine voilé de certains journalistes officiant sur la chaine publique est toujours présent en 2020.
Le Parisien de Bernard Arnault dans le même ton
Si vous lisez la presse, par exemple l’édition francilienne du 2 janvier 2020 du Parisien, vous ne trouverez également pas d’informations alarmistes, bien au contraire. Le sous-titre de l’article consacré aux incidents de la saint Sylvestre est dans la même tonalité rassurante que celle de France 3 : « les traditionnels troubles du 31 décembre ont en revanche été globalement maitrisés ». Le journaliste se base pour affirmer cela sans recul sur une « source sécuritaire ».
Une maitrise toute relative puisque le journal nous apprend que les forces de l’ordre ont été prises à partie dans plusieurs villes d’ile de France, qu’il y a eu deux morts accidentelles et quelques échauffourées à Vénissieux, Strasbourg, Nantes et Limoges.
Les termes lénifiants utilisés contredisent les faits de violence décrits, comme si le journaliste s’empêchait de transgresser une norme implicite de bienséance qui sied en ces circonstances…
Rencontre par hasard d’un bidon d’essence et d’une allumette
Sur les réseaux sociaux, le Président américain Donald Trump ironise peu avant le passage au nouvel an sur les violences commises en France, suite à un tweet d’un touriste américain montrant des voitures incendiées à Paris. L’obsession de rassurer est toujours présente : le premier adjoint à la maire de Paris est rapide si l’on ose dire, à « éteindre le feu » sur twitter. Il n’y aurait eu selon lui « que » six voitures incendiées « probablement par accident ». Un bidon d’essence et des allumettes devaient trainer par là et se sont subitement rencontrés…
Retour brutal au réel
Pourtant, pour qui se donne la peine de sortir des sentiers battus et rebattus de l’information des médias de grand chemin, les nouvelles ont rapidement été inquiétantes. Dès l’après-midi du 1er janvier, le site Fdesouche commence à recenser les multiples violences urbaines qui se sont produites un peu partout en France. À Cannes, Saint-Étienne, Besançon, Limoges, Montpellier, Lattes, Bordeaux, Grenoble, Nice, Toulouse, etc. Des policiers attaqués, un nombre considérable des voitures brulées sur lequel le ministre de l’intérieur ne communique plus, des scènes d’émeutes urbaines. La « maitrise globale » des incidents parait déjà toute relative…
L’article consacré à ce sujet dans l’édition du 2 janvier du Figaro est nettement plus incisif que France 3 et Le Parisien. Ce sont des agressions physiques contre des policiers et des pompiers qui sont mentionnées. Le journaliste parle de scènes d’émeutes à Strasbourg, des scènes dont il faut aller chercher les images sur les réseaux sociaux, notamment sur le compte twitter de Damien Rieu qui a ce commentaire : « Des images que vous ne verrez pas dans les médias ». Effectivement, il semble apparemment important pour les médias de grand chemin de ne pas ternir ce premier jour de l’année par des images édifiantes sur une certaine réalité des banlieues françaises.
Loin des propos lénifiants du Parisien et de France 3, c’est le constat que cette violence urbaine et cet ensauvagement concernent désormais l’ensemble du pays et plus seulement les grandes villes. Sans développer le sujet, le journaliste parle de la « crise » qui sévit toujours dans les banlieues.
Contraste entre la France et la Pologne, parce que…
Il est parfois utile d’avoir le recul d’un journaliste étranger pour rappeler que ces violences sont totalement anormales et scandaleuses. Marek Gladysz, un journaliste polonais de la radio RMF 24 évoque le 1er janvier sur le plateau de LCI le contraste entre la situation dans certaines rues françaises durant la nuit de la Saint Sylvestre et les propos toujours lénifiants du ministre de l’intérieur français à ce sujet. David Pujadas en reste interloqué et a du mal à réaliser qu’en Pologne, il y a des feux d’artifice, mais pas de voitures incendiées et d’agressions contre des policiers et des pompiers à l’occasion du nouvel an.
C’est donc à un journaliste étranger, issu d’un pays préservé de l’immigration massive, que nous devons ce rappel : nous nous sommes habitués en France à l’inacceptable, notre degré de tolérance vis-à-vis de ces violences n’a fait qu’augmenter. Une violence dont les habitants des « quartiers » sont souvent les premières victimes. Comme si elle était désormais un folklore franco-français dont l’intensité ne fait que croitre d’année en année.
Nous laisserons la conclusion à l’ancien Préfet Michel Auboin. S’exprimant sur la situation dans les banlieues, il affirme au journaliste de Valeurs actuelles : « Les politiques n’assument plus leur rôle de censeur. Mais c’est aussi parce que les « quartiers » ont gagné la bataille médiatique ». On ne saurait mieux dire.