[Première diffusion le 22 mai 2020]
La dernière assemblée générale du groupe a été pour son PDG un succès, mais qui s’apparente à une victoire à la Pyrrhus. Si les prétentions du groupe américain Amber ont été défaites, l’irruption au capital de Marc Ladreit de Lacharrière et surtout de Vincent Bolloré, maintenant proche de 14% des parts, est lourde de changements significatifs pour l’avenir. De quoi inquiéter une garde rapprochée aux émoluments mirifiques comme le rapporte le magazine Capital du 4 mai 2020.
Plus les actifs diminuent, plus les salaires augmentent
Sous le règne d’Arnaud Lagardère, entre 2003 et 2019, en arrondissant, le chiffre d’affaires a été divisé par 2, la valeur en bourse par 2,6, les effectifs réduits d’un petit 30%, mais son salaire fixe a augmenté de 24%. Voir notre infographie sur le groupe.
Le cabinet de conseil Proxinvest a appelé à voter contre les émoluments jugés excessifs des cadres du groupe, il a été débouté de sa demande. Le gérant (Arnaud lui-même) touche un salaire brut de 1,1M€ plus un bonus maximum de 1,7M€, une rémunération « digne du CAC 40 ». Plus des dividendes etc.
Les cadres supérieurs choyés, trop choyés ?
Prenons le secrétaire général du groupe, Pierre Leroy, son salaire est multiplié par 2,2 en quatorze ans, passant à 1,4M€ en 2019, alors que le groupe rétrécit comme une peau de chagrin. Encore faut-il ajouter un bonus autour de 700K€. Le DRH Thierry Funck-Brentano navigue dans les mêmes eaux, 1,2M de salaire brut et un bonus de 700K€.
Curieusement, il n’est pas possible pour 2019 de déterminer exactement les salaires et les bonus du directeur financier Gérard Adsuar et du porte-parole Ramzi Khiroun, car leurs salaires et bonus sont présentés de manière cumulée, au nom du « respect de la vie privée ». Le cumul donne un salaire fixe total de 1,8M€ et un bonus (2019) de 1M€, coupons la poire en deux, cela fait 1,4M€ chacun. Il semble que les bonus soient accordés de manière systématique, quels que soient les résultats du groupe.
Primes exceptionnelles et avantages divers
Il y a les bonus mais aussi des « primes exceptionnelles » rondelettes. En 2014, Leroy, Funck-Bretano et Khiroun empochent 1,1M€ chacun. Ce dernier en 2018 et avec Adsuard touche 1,2M€ sans qu’il soit possible de dire qui a touché quoi. Rajoutons les « retraites chapeaux », sur-cotisations patronales qui permettent d’augmenter les retraites des heureux bénéficiaires. Le coût en a été estimé à 45M€ en 2010. Passons sous silence les attributions gratuites d’actions pour ne pas compliquer les choses.
Le groupe est aussi généreux avec ceux qui le quittent. Les indemnités de départ sont copieuses. Le responsable des magazines est parti avec 3M€ plus 3,6M€ supplémentaires après procès. Un directeur financier part en 2016 avec 3,7M€. Mieux, son successeur, qui ne reste que moins de 3 mois, part avec 600K€.
Mais le groupe demande parfois des sacrifices, mais si ! Les cinq principaux dirigeants ont accepté de baisser leur salaire fixe de 20% jusqu’à l’été 2020 et peut-être au-delà si le coronavirus fait encore parler de lui. Même si leurs rémunérations antérieures leur permettent de voir venir, on ne peut que saluer un tel sens du devoir. Chapeau ! et même (retraite) chapeau !
NB : Monsieur Ramzi Khiroun, porte-parole du groupe Lagardère, a porté plainte contre Claude Chollet, directeur de la publication de l’Ojim pour « injures publiques ». Cette plainte n’influence en rien les articles que nous consacrons au groupe Lagardère, propriétaire de médias (Paris Match, JDD, Europe 1). Voir notre article sur la plainte de M. Ramzi Khiroun.