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13 avril 2015

Temps de lecture : 5 minutes
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Salarié à Radio France, une vie de pacha ?

Temps de lecture : 5 minutes

Voilà maintenant des semaines que la grève à Radio France dure. Si les revendications sont très floues aux yeux du grand public, 218 journalistes titulaires du groupe ont néanmoins signé dans le Nouvel Obs une tribune dans laquelle ils interpellent Mathieu Gallet, le PDG, et Fleur Pellerin, la ministre de la Culture.

Face à des « change­ments pro­fonds » des con­di­tions de tra­vail à venir, les sig­nataires expliquent s’in­quiéter de la sit­u­a­tion de ce qu’il con­vient d’ap­pel­er les « pré­caires » du groupe. « Disponibles 24 heures sur 24, appelés à tra­vailler par­fois la veille ou le jour même, dans toutes les rédac­tions de l’en­tre­prise (France Cul­ture, France Info, France Inter, France Musique, FIP, Mouv’ et les 44 radios locales de France Bleu), ils sont soumis à une astreinte qui ne dit pas son nom et qui n’est donc pas rémunérée », cla­ment-ils.

Et ces derniers de dénon­cer un « sys­tème illé­gal » de recon­duite de CDD à out­rance. « N’im­porte quel con­seil des Prud’hommes requal­i­fierait cette sit­u­a­tion en CDI. Mais nos jeunes con­frères n’ont d’autre choix que de subir cette péri­ode d’essai inter­minable : ce sys­tème est la seule voie d’ac­cès à un CDI à Radio France », esti­ment les signataires.

Et de con­clure : « Le sort de ces jour­nal­istes pré­caires nous importe. Ce sont nos col­lègues. Comme nous, ils tra­vail­lent exclu­sive­ment pour Radio France. Sans eux, nos antennes ne fonc­tion­nent pas. Ces dernières semaines, ils n’ont pas fait grève. Impos­si­ble de cess­er le tra­vail, par peur de le perdre. »

À pre­mière vue, le procédé sem­ble louable : s’indign­er des con­di­tions de tra­vail des pré­caires du groupe est une chose on ne peut plus recev­able. Pour­tant, alors que la grève dure depuis des semaines (la plus impor­tante de l’his­toire de Radio France) et qu’il faut bien jus­ti­fi­er cette action, c’est à se deman­der ce que les salariés de la Mai­son Ronde ten­tent de mas­quer en braquant soudain les pro­jecteurs sur leurs con­frères en CDD.

La cour des comptes a peut-être apporté un début de réponse au début du mois. Dans un rap­port acca­blant, les hauts mag­is­trats dévoilent les avan­tages con­fort­a­bles dont jouiraient les salariés de Radio France.

Tout d’abord, ces derniers se ver­raient accorder de généreuses vacances : jusqu’à 56,5 jours par an, RTT inclus, pour les per­son­nels tech­niques et même jusqu’à 68 jours pour les jour­nal­istes ! Qui plus est, les con­gés ne seraient pas déclarés cor­recte­ment, ce qui laisse entrevoir une sit­u­a­tion peut-être encore plus con­fort­able qu’elle ne le paraît déjà.

Selon la Cour des comptes, 8 % des jour­nal­istes du groupe (dont 24% à France Info et 15 % à France Inter) s’amé­nageraient en plus un rythme de tra­vail des plus tran­quilles : 4 jours de tra­vail suiv­is de 3 jours de con­gés… Quant aux musi­ciens, ils ne tra­vailleraient que 700 heures par an (alors que la con­ven­tion col­lec­tive en prévoit 1 100).

Aus­si, les salariés de la Mai­son ronde toucheraient beau­coup d’à-côtés. Primes de fonc­tion pour le tra­vail de nuit, la mati­nale, ou encore la pro­mo­tion à un poste de cadre… celles-ci sont nom­breuses. Mieux : cer­tains jour­nal­istes con­tin­u­ent de percevoir leur prime de nuit alors qu’ils tra­vail­lent la journée.

À cela, ajoutez qu’un tiers des salariés béné­fi­cie d’heures sup­plé­men­taires. « Cela con­stitue même un élé­ment per­ma­nent de rémunéra­tion pour cer­taines caté­gories: 71% des tech­ni­ciens du son en ont perçu en 2013 », notent les mag­is­trats. Ce n’est pas tout : 131 salariés en CDI perçoivent des cachets d’in­ter­mit­tents du spec­ta­cle en guise de « com­plé­ment de rémunéra­tion ». Une pra­tique « d’autant plus con­damnable qu’elle ne donne lieu à aucun contrôle ».

Selon la Cour des comptes, les avan­tages en nature seraient égale­ment mon­naie-courante à Radio France. Le rem­bourse­ment des amendes des salariés, pra­tique pour­tant inter­dite, se pra­ti­querait régulière­ment. Pour ce qui est des voy­ages, a pri­ori en classe économique, « des incer­ti­tudes sub­sis­tent sur les déro­ga­tions à cette règle ». Quant aux abon­nements télé­phoniques, « il a fal­lu un con­trôle de l’Urssaf pour que l’usage des porta­bles à titre privé soit encadré ».

Enfin les hauts mag­is­trats ter­mi­nent leur bilan par le con­stat d’un sur­ef­fec­tif à plusieurs niveaux. Par exem­ple, la com­mu­ni­ca­tion compte une cen­taine de per­son­nes. Pour les trois antennes FIP en province, qui réalisent pour­tant de mod­estes audi­ences, on compte 17 per­son­nes et un coût d’un mil­lion d’eu­ro par an.

Même con­stat pour les trois bureaux régionaux d’in­for­ma­tion (9 équiv­a­lents temps plein), dont la « pro­duc­tiv­ité est dif­fi­cile à établir ». Enfin se pose le prob­lème du très grand nom­bre de tech­ni­ciens mal­gré le pas­sage au numérique de la pro­duc­tion. Le groupe compte en effet 582 tech­ni­ciens du son et 150 chargés de réal­i­sa­tion. « Les effec­tifs de tech­ni­ciens affec­tés à France Inter (41,6 équiv­a­lents temps plein, soit 3 mil­lions d’eu­ros de masse salar­i­ale) sont d’un niveau inex­pliqué, lorsqu’on les com­pare à ceux de France Info (19), France Cul­ture (14) ou France Musique (11) », explique la Cour.

L’ex­pli­ca­tion est pour­tant sim­ple : « cette sit­u­a­tion tient à la capac­ité de cette équipe de tech­ni­ciens à paral­yser l’an­tenne, comme la grève de jan­vi­er 2013 l’a mon­tré »… À not­er que tous ces avan­tages sont exclu­sive­ment réservés aux CDI, mal­gré le fait qu’ils four­nissent un vol­ume de tra­vail inférieur d’un tiers à celui des CDD.

À la vue de ce rap­port, on com­prend mieux désor­mais pourquoi les salariés tit­u­laires ten­tent de met­tre en avant la sit­u­a­tion des pré­caires qui elle, est réelle­ment inacceptable.

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