Sur fond de pertes accrues en 2013 (20 millions d’euros au total), la recomposition du paysage des quotidiens gratuits, 20 Minutes France (50% Schibsted / 50% Ouest France), Métronews (TF1) et Direct matin (Groupe Bolloré) devrait s’engager en 2014, peut-être même avant l’été.
Après les fuites, début mars, sur la rencontre entre Nonce Paolini, PDG de TF1, et Vincent Bolloré, les discussions se poursuivent entre les deux groupes, éditeurs chacun d’un titre. Si aucune décision n’a encore été actée de leur part, le secteur se dirige vers une inévitable concentration, sans doute de trois à deux, voire à un seul quotidien gratuit.
Dans ce contexte, les deux seuls éléments tangibles sont pour l’instant la mise en vente de 20 minutes par ses actionnaires et le retard numérique de Direct matin. Directmatin.fr est arrivé sur la toile cinq ans après le lancement du quotidien par Bolloré médias. Le site n’est apparu qu’au printemps 2012 et totalise logiquement une audience (moins d’un million de VU en janvier) largement inférieure à celle de ses concurrents Metronews.fr (trois millions de VU en janvier, selon Mediamétrie / Netarings) et surtout 20minutes.fr (5,7 millions de VU en janvier, selon Mediamétrie/ NetRatings). La marque Direct matin, également la plus faible en termes de lectorat (2,5 millions), est de toute évidence le maillon faible du trio. L’autre élément objectif du futur deal est la mise en vente de 20 minutes par ses deux actionnaires. L’édition française du quotidien gratuit est l’une des rares que le groupe de médias norvégien Schibsted détient encore en propre.
Depuis qu’en 2010, il a racheté Leboncoin.fr, sa stratégie de développement est exclusivement tournée vers les supports numériques. L’autre actionnaire, Ouest France, a quant à lui besoin de cash. Son navire amiral, Ouest France (DSH OJD : 733 108 ex, ‑2,1%), premier quotidien français, prend l’eau. Il a perdu cinq millions d’euros en 2012, pour la première fois de son histoire. Les chiffres de 2013 seront du même tonneau et le journal breton se séparera de 8% de ses effectifs en 2014 (131 salariés sur 1500). Sa filiale, Spir communication, qui détient la moitié des actions d’Ouest France dans 20 minutes France, est la principale responsable des pertes. Après avoir accusé un déficit de 55 millions d’euros en 2013, elle a annoncé les 25 et 26 mars environ 170 suppressions de postes (sur 2700) dans son département impression (IPS) et presse gratuite d’annonces (Regicom Top annonces). Paradoxalement, cette ambiance de désintérêt d’un côté et de sauve qui peut de l’autre, ne devrait pas obscurcir l’horizon de 20 minutes. Sur le marché des gratuits, entièrement tourné vers la publicité, la prime au leader est essentielle. Avec 960 000 exemplaires distribués (DTG OJD 01/2013) 20 minutes est lu par près de cinq millions de personnes. Il est, de loin le plus digital des trois titres, bénéficiant d’une audience sur le web deux fois supérieure à celle de Metronews.
Les trois acteurs restent discrets sur le dossier pas seulement pour ne pas effrayer durablement des annonceurs qui ont déjà diminué leurs investissement dans la presse de 7% en 2013. Les conséquences sociales des fusions qui se dessinent risquent d’être également sévères. Quel que soit le scénario retenu pour l’avenir, les doublons dans les rédactions, les régies et les services supports sauteront aux yeux. 20 Minutes a déjà pris les devants. Pour revenir dans le vert en 2014 (quatre millions d’euros de pertes l’année dernière) et avant même d’envisager une quelconque alliance, le gratuit fera fondre cette année sa masse salariale (210 salariés) de 8%.