Une « situation moins tendue, le samedi 8 décembre 2018, et pour cause, les forces de l’ordre étaient plus mobilisées que samedi dernier. Des affrontements limités et sporadiques se produisent encore, comme durant toute la journée, mais dans l’ensemble les choses se sont bien passées ». BFM, 18 heures, samedi 8 décembre. En France, « les choses sont sous contrôle » (18h03). Vraiment ?
8000 membres des forces de l’ordre dans les rues de Paris, près de 90 000 dans l’ensemble de la France. En face ? Environ 30 000 gilets jaunes bon enfant, d’après les premiers chiffres des médias, puis rectifiés par le ministère de l’Intérieur (autour de 130000) et de l’ordre de 100 à 200 « casseurs » dans certaines métropoles du pays, dont Paris, Lyon, Bordeaux et Marseille. Une « situation sous contrôle », c’est la situation pour BFM, CNews et Franceinfo.
Des gilets jaunes en continu
« La guerre de l’image a été gagnée par les forces de l’ordre », BFM. Samedi 8 décembre 2018, entre 9 heures de 19 heures, l’écoute en alternance de trois chaînes d’information en continu ne manquait pas d’intérêt. Globalement, un seul discours fondé sur peu d’axes :
- L’État, et donc le gouvernement (Castaner tapait dans le dos des CRS dès 8 heures, sous l’œil énamouré des caméras de BFM) aurait repris le contrôle de la situation.
- Cette reprise de contrôle de la situation ressortirait de trois éléments :
- Le gouvernement aurait été capable de diriger les forces de l’ordre, selon de nouvelles méthodes « offensives et efficaces ».
- La distinction entre gilets jaunes et militants casseurs a été organisée par le gouvernement et les forces de l’ordre. Les gentils gilets jaunes, sous contrôle sur « la plus belle avenue du monde », les casseurs pourchassés et « poussés à reculer partout dans Paris » et ailleurs.
- L’ordre serait maintenu en France.
Cela appelle plusieurs questions :
- Pourquoi les forces de l’ordre n’ont-elles pas eu des ordres identiques avant ?
- Étant données les images depuis des semaines, y compris le samedi 8 décembre, considérer que la France est ordonnée est étrange : le monde entier voit des images qui n’existent nulle part ailleurs actuellement, du moins dans les pays dits avancés, celle d’une capitale sujette à des émeutes et où il faut 8000 policiers et gendarmes et des blindés pour qu’un drame n’arrive pas.
- La réussite des forces de l’ordre a amplement été préparée dans tous les médias, radio, télévision et papier mêlés, depuis mercredi 5 décembre, avec la répercussion d’étranges « informations » selon lesquelles une manifestation le 8 décembre entraînerait « des morts » et même une « menace » sur le président et les membres du gouvernement, sans compter les députés LREM « menacés de mort »… Avec le recul, le maintien de l’ordre, au vu des menaces terrifiantes annoncées, ressemble à un triomphe.
La nécessité de plus de « pédagogie » revient sans cesse dans la journée.
Pourquoi tant de bienveillance pour les casseurs, et si longtemps ?
Les forces de l’ordre ont affronté des membres de l’ultra-gauche, pas de doute là-dessus, regarder les images est signifiant. Elles auraient aussi affronté des membres de l’ultra-droite, sur ce plan les choses sont moins claires. Vers 13 heures, BFM, Franceinfo et CNews reprennent le direct avec gourmandise : « 40 membres de l’ultra-droite entrent en scène près des Champs-Élysées ». Ensuite ? Plus rien. La casse est venue, comme il est d’usage de longue date, de mouvances de la gauche radicale, se revendiquant du « zadisme », ainsi qu’une banderole accrochée place de la République pouvait le montrer. Les mêmes individus qu’à Notre-Dame-des-Landes ou lors du blocage des universités. Peu de troupes à l’échelle du pays, identifiées de longue date, agissant toujours selon les mêmes procédures. Si les casseurs appartenaient à l’ultra-droite, dont il est régulièrement répété dans les médias qu’elle menacerait la République, ils seraient depuis longtemps sous les verrous, et leurs organisations dissoutes. Qui peut expliquer pourquoi verrous et dissolutions ne frappent pas ces black blocs et autres antifas ? Pourquoi peuvent ils profaner la tombe du Soldat Inconnu et donner au monde une telle image de la France, sans que de vraies mesures coercitives soient prises ? Silence des chaînes d’informations en continu sur ce sujet.
Ils sont potaches ces jeunes des banlieues en survêtement
La réponse des médias de grand chemin est pourtant simple : il faut bien que jeunesse se passe. Les antifas sont des jeunes issus de la bourgeoisie bohème (parfois enfants de journalistes ?) et les médias officiels continuent à penser que la révolte « antifa » serait légitime. Une chose est certaine : les idéologies à l’œuvre dans les mouvances zadistes, issues de la gauche se disant « antifa», provenant parfois d’outre Atlantique, investissent toutes les strates de l’Éducation.
Ce point, aucun média ne l’évoque, sinon l’OJIM. La bienveillance médiatique, politique et judiciaire à l’égard des membres de mouvances de type « gauche antifa », celle qui considère que la France pratiquerait par exemple un « racisme d’État » ou que tout être humain aurait le droit, naturel, de changer de sexe autant de fois qu’il le souhaite au cours de son existence, vient du simple fait que ces courants politiques minoritaires naissent à l’intérieur de l’école et de la culture. Un exemple ponctuel concret ? À 14h02, sur CNews il y a deux invités pour analyser les événements : Ian Brossat, membre du PCF et tête de liste de ce parti aux prochaines européennes, et un « expert des mouvements sociaux », Sylvain Boulouque, historien qui – pour conforter une sorte de complot royaliste – confondit le drapeau de la Picardie et celui de la monarchie le 2 décembre, en direct sur BFM, obligeant la chaîne à s’excuser ensuite. Malheureux historien et malheureuse chaîne.
La bienveillance s’exerce dans les médias dominants vis-à-vis des militants de gauche radicale, par proximité de vision du monde. Mais elle s’exerce aussi vis-à-vis des casseurs de banlieue aux caractéristiques ethniques claires à l’image, casseurs de banlieue qu’une chaîne telle que BFM présente ainsi en début de soirée samedi 8 décembre :
« De plus en plus de jeunes en survêtement qui s’impliquent physiquement dans les affrontements ».
Des « jeunes en survêtement », l’euphémisme est charmant. Un peu plus tard, sur Franceinfo, les débats en appellent à ce que la confiance soit maintenue envers les politiques et les « élites », « sans quoi on tombe dans le populisme et on sait où cela nous a mené ». C’est reparti pour un tour de chauffe en uniformes noirs ? Mais sans survêtements, c’est promis.
Crédit photo : NightFlightToVenus via Flickr (cc)