Première diffusion le 3 mai 2023
Créée en 2004, l’école de journalisme de Sciences-Po accueille 160 élèves en formation initiale, issus de 26 nationalités, et se vante d’être « la seule école de journalisme française où les étudiants se voient proposer des embauches en CDI dans des rédactions professionnelles avant même d’être diplômés ». Comptant 150 enseignants (essentiellement des journalistes professionnels), elle revendique 855 anciens étudiants diplômés actuellement en poste, dont 25 % à l’étranger.
Depuis 2022, l’établissement est installé dans l’hôtel de l’Artillerie, au cœur du très chic 7e arrondissement.
Déboires sexuels de la direction de ScPo
L’école bénéficie bien sûr de l’aura de la prestigieuse institution à laquelle elle est intégrée, même si l’image de la « rue Saint Guillaume » a été quelque peu ternie par les déboires de deux de ses grandes figures, le toxicomane amateur d’escort boys Richard Descoings, ancien directeur, et la grande conscience de gauche accusée de pédophilie incestueuse Olivier Duhamel, éminent professeur de l’établissement et président de la Fondation nationale des Sciences Politiques.
Voir aussi : Affaire Duhamel : Frédéric Mion, directeur de Sciences Po, démissionne
Déontologie à géométrie variable
Si les étudiants de l’école de journalisme doivent, en début d’année, signer une rigoureuse « charte des valeurs » qui rappelle les fondamentaux et les exigences du métier de journaliste (rigueur, exactitude, vigilance, honnêteté, etc), certains cadres de l’école semblent avoir les plus grandes difficultés à l’appliquer à eux-mêmes et à leurs travaux comme l’illustre l’affaire « Agnès Chauveau ». En effet, en 2015, Agnès Chauveau, directrice exécutive de l’école, est « remerciée » suite à des accusations de plagiat, le Huffington Post ayant démontré, captures d’écran à l’appui, que des passages entiers de certaines de ses chroniques avaient été copiés sur d’autres articles sans mention d’aucune source.
Les « élites » sachant néanmoins se serrer les coudes et ne pas laisser les copains dans la détresse, la peu scrupuleuse journaliste sera finalement confortablement recasée à l’INA.
L’école se félicite par ailleurs de sa politique sociale « innovante et très ambitieuse », versant notamment des compléments financiers à chaque boursier du CROUS et déployant des bourses d’excellence académique « pour permettre aux meilleurs étudiants, non ressortissants de l’Espace économique européen, de financer leurs études en France ». Si, par ces mécanismes, l’établissement encourage « la diversité sociale », il n’en est pas exactement de même pour la diversité des opinions.
Surveillance idéologique
Mairie Mawad, doyenne de l’école et membre du programme « European Young Leaders », affirme : « Avec l’esprit critique pour maître mot, nous préparons nos élèves à endosser l’importante responsabilité inhérente à la profession de journaliste. Le développement d’une capacité étoffée à réfléchir sur le monde et sur soi est essentiel, tout comme l’acquisition d’une culture déontologique aiguisée ». Un esprit critique toutefois largement aiguillé, pour ne pas dire formaté, à l’instar de ce qui se passe dans la plupart des écoles de journalisme, afin de ne pas contrevenir à la doxa dominante, comme en témoigne un ancien élève, sous couvert d’anonymat, qui évoque une « surveillance idéologique » étroite et sourcilleuse, notamment au travers des commentaires faits sur les bulletins.
« Chaque professeur doit rédiger ses observations sur chaque élève. Une observation sur son travail et une observation plus générale. Ces bulletins sont l’occasion pour les professeurs de relever ce qui ne va pas avec un élève. Moi par exemple, des professeurs m’ont mis par écrit que j’avais des « questionnements bizarres » sur des parallèles entre immigration et délinquance. Cela conduit à deux choses : d’abord, on comprend qu’il faut se taire pour ne plus avoir ces remarques dans son bulletin, que ce qu’on dit n’est pas correct ni accepté. Ensuite, c’est aussi une manière de faire remonter à la direction des choses qui se passent en cours » explique-t-il. Un système qui entraîne une grande docilité des élèves durant les enseignements, les intervenants n’étant pas de simples professeurs, mais avant tout des journalistes, des chefs de rédactions, des professionnels occupant souvent des postes importants, c’est à à dire potentiellement les futurs employeurs des apprentis journalistes. Il serait donc fort imprudent de contredire ou de contrarier son possible futur patron ! Surtout dans un secteur ultra-concurrentiel où les places sont rares et chères.
Masterclass conformes et directifs
Autre instrument de calibrage idéologique, les « masterclass », soit des cours présentant de grandes thématiques sociales ou sociétales comme le féminisme, la lutte des classes, la justice… et qui sont en réalité l’occasion de définir et d’imposer, sans débat, la « vérité officielle » sur ces sujets. Et gare à qui rechigne à pleinement adhérer à celle-ci !
Notre ancien élève témoigne encore : « Lors de l’une de ces « masterclass », j’avais, avec un autre élève, exprimé mon désaccord profond avec un intervenant faisant un incroyable amalgame entre catholicisme et antisémitisme. Le résultat de cette intervention fut extraordinaire : plusieurs élèves n’ont pas hésité à écrire un mail à la direction et à l’intervenant en question pour « s’excuser au nom des fachistes de la classe »… Apparemment la délation ne fait pas partie des pratiques interdites par la fameuse « charte des valeurs » de l’école.
Pour l’anecdote, donnons le résultat d’un vote fictif des élèves au moment de l’élection américaine Hilary Clinton contre Donald Trump : Clinton 49 voix, Trump une voix, la direction et les élèves ont estimé que le vote Trump était l’œuvre d’un petit plaisantin. Dans une telle ambiance, la pression sur les étudiants « non-conformes » est très forte et ceux-ci ont tout intérêt à faire profil bas s’ils ne veulent pas compromettre leur carrière avant même de l’avoir entamée. En attendant, l’ordre idéologique règne à Sciences Po journalisme, comme dans le reste de l’école.