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Sénégal : des patrons de presse en larmes

27 août 2024

Temps de lecture : 5 minutes
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Sénégal : des patrons de presse en larmes

Temps de lecture : 5 minutes

Les patrons de presse du Sénégal sont fatigués. Ils ne savent plus quoi faire. Confrontés à des difficultés énormes sous le mutisme des nouvelles autorités sénégalaises, ils n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Enquête de notre nouveau correspondant en Afrique francophone, d’autres suivront sur d’autres pays.

La liberté de la presse menacée au Sénégal

Le Séné­gal con­nu pour un pays les plus démoc­ra­tiques d’Afrique, se voit aujourd’hui men­acé ; car la presse vit un rouge total.

« L’objectif visé n’est autre que le con­trôle de l’information et la domes­ti­ca­tion des acteurs des médias. C’est tout sim­ple­ment la lib­erté de la presse qui est men­acée au Séné­gal » con­state le con­seil des dif­fuseurs et édi­teurs de presse du Sénégal.

Face à cette sit­u­a­tion, les nou­velles autorités blo­quent les comptes ban­caires des entre­pris­es de presse en arrê­tant aus­si uni­latérale­ment des con­trats pub­lic­i­taires, et gèlent des paiements.

Pour Maimouna Ndour Faye, direc­trice de la télévi­sion 7tv, « les nou­velles autorités doivent se con­cert­er avec nous », car, dit-elle, « la presse a besoin d’un cli­mat favor­able ». À l’en croire, « la presse séné­galaise ne peut pas con­tin­uer à être taxée de la même manière que les entre­pris­es minières ou les indus­tries com­mer­ciales par exem­ple, qui font beau­coup de rentes ».

N’appréciant guère le com­porte­ment des nou­velles autorités séné­galais­es, les patrons de presse du Séné­gal dénon­cent caté­gorique­ment la rup­ture illé­gale et uni­latérale des con­trats pub­lic­i­taires. « Nous deman­dons aux autorités de revoir la stratégie mise en place actuelle­ment, on ne peut plus faire des recou­vre­ments au niveau des struc­tures publiques et para­publiques. Il y a un gel des paiements con­cer­nant les créances dues aux entre­pris­es de presse, toutes les voies ont été fer­mées, et nous autres entre­pris­es de presse, ne pou­vons pas con­tin­uer à sup­port­er les charges et à faire face à nos oblig­a­tions légales économiques » dit-elle.

De son côté, Alioune Tine, prési­dent d’Afrikajom Cen­ter, est d’avis que « les respon­s­ables d’entreprises de presse sont des citoyens séné­galais qui jouent un rôle stratégique dans la démoc­ra­tie séné­galaise ». Selon lui, « s’ils ont besoin de par­ler au prési­dent de la République ou au Pre­mier Min­istre de leurs dif­fi­cultés, ils doivent être reçus, écoutés, enten­dus pour trou­ver ensem­ble la solu­tion la plus juste pour tout le monde ».

« La presse est un pili­er essen­tiel dans tout sys­tème démoc­ra­tique » recon­naît égale­ment Ababacar Fall, secré­taire général du groupe de recherche et d’appui con­seil pour la démoc­ra­tie par­tic­i­pa­tive et la bonne gou­ver­nance (Gradec). Il a tenu à pré­cis­er que « l’origine de la crise, c’est le fisc ». À cet effet, il invite les entre­pris­es de presse à s’acquitter de leurs impôts.

Reporters sans frontières crie au scandale

La sit­u­a­tion des médias au Séné­gal est préoc­cu­pante. « Bien que les dif­fi­cultés de la presse séné­galaise ne datent pas de l’arrivée des nou­velles autorités, ces dernières ne peu­vent rester insen­si­bles à la chape de plomb qui pèse sur le secteur avec notam­ment 26 % de reporters dépourvus de con­trats de tra­vail, de lour­des dettes fis­cales, et une crise de con­fi­ance entre les médias et le public.

RSF appelle les autorités séné­galais­es à veiller à ce que cette crise « ne prive pas les Séné­galais d’une presse bouil­lon­nante » explique Sadi­bou Marone, directeur du bureau Afrique Sub­sa­hari­enne (RSF). Il se dit con­va­in­cu que « les médias sont les canaux de trans­mis­sion du droit à l’information et les autorités en sont des garants ». À ce stade, il déclare « qu’il est impor­tant que l’État et les acteurs des médias se con­cer­tent pour trou­ver des solu­tions béné­fiques pour le secteur et pour la démoc­ra­tie ». RSF retrou­ve ici son rôle, ce qui n’est pas le cas en France.

Les trois déficits : liberté de la presse, rentabilité et professionnalisation

Plus tôt que dans la plu­part des autres pays africains, la presse s’est diver­si­fiée au Séné­gal con­cer­nant l’évolution générale des mass médias en Afrique. Au début de 2006, le marché était sat­uré, on ne dénom­brait pas moins de 19 quo­ti­di­ens et env­i­ron 50 heb­do­madaires, men­su­els et mag­a­zines. Générale­ment, ces jour­naux étaient édités par des entre­pris­es de presse rel­a­tive­ment pro­fes­sion­nelles ; ils étaient les meilleurs sur le plan de la qual­ité et, ont réus­si à créer un « label ». S’ajoutent aujourd’hui la nais­sance d’autres jour­naux y com­pris de nom­breux sites d’informations.

Mal­gré cette pléthore de titres, le secteur tra­verse une crise grave : le pays tou­jours cité en référence con­naît main­tenant une dérive inquié­tante avec des jour­nal­istes agressés, d’autres sont men­acés dans l’exercice de leur mis­sion. Si la presse écrite séné­galaise s’est démoc­ra­tisée et plu­ral­isée de façon remar­quable, la lib­erté de la presse, la rentabil­ité et la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion insuff­isante restent des hand­i­caps majeurs.

Le nouveau président Bassirou Diomaye Diakhar Faye interpellé

Les nou­velles autorités séné­galais­es doivent agir pour pro­téger ce secteur de la presse, sym­bole de la lib­erté d’expression et garant de la démoc­ra­tie. N’oublions pas de men­tion­ner que la pre­mière fonc­tion de cette presse est de nous informer. Sans infor­ma­tion, il est impos­si­ble de par­ticiper au débat pub­lic. Nom­bre de jour­nal­istes n’hésitent pas à pren­dre des risques et, même, dans le cas des cor­re­spon­dants ou reporters de guerre, prêts à don­ner leur vie, unique­ment pour sauve­g­arder le droit du pub­lic à l’information.

La lib­erté de la presse est l’un des principes fon­da­men­taux de nos sys­tèmes démoc­ra­tiques qui reposent sur la lib­erté d’opinion et la lib­erté d’expression. Il incombe au gou­verne­ment séné­galais de tout met­tre en œuvre pour une presse libre au Sénégal.

Les médias con­stituent donc incon­testable­ment non seule­ment un indis­pens­able qua­trième pou­voir face au monde poli­tique, mais aus­si un « liant » entre les citoyens. Ils sont à ce titre un élé­ment con­sti­tu­tif de la démocratie.

M.G.,
Cor­re­spon­dant Afrique

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