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Géants endormis… ou insomniaques de la censure ?

10 janvier 2020

Temps de lecture : 9 minutes
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Géants endormis… ou insomniaques de la censure ?

Temps de lecture : 9 minutes

Nous reproduisons un article de l’excellent site suisse Antipresse, sous la signature d’Arnaud Dotézac sur les “géants endormis” dont nous vous avons déjà parlé ici.

Les « Sleep­ing Giants » sont la nou­velle mil­ice privée de con­trôle de la pen­sée sur l’internet, qui assume pleine­ment son car­ac­tère répres­sif. Purs idéal­istes ? Les pro­fils des meneurs indiquent plutôt qu’il s’agit d’un mer­ce­nar­i­at tech­no qui bar­bote décidé­ment dans un petit monde. Le marécage du Deep State est pro­fond, mais pas si éten­du que ça…

Vue de Suisse, l’évolution poli­tique de la France macroni­enne a de quoi inquiéter. On y con­state l’instauration de fac­to d’un régime à par­ti unique anni­hi­lant tout débat démoc­ra­tique ; une judi­cia­ri­sa­tion galopante des opin­ions dis­cor­dantes ; un usage d’une rare vio­lence de la force publique con­tre les reven­di­ca­tions du peu­ple ; un niveau d’approbation car­i­cat­ur­al du pou­voir macronien par la presse de grand chemin, allant jusqu’au pro­jet abra­cadabran­tesque d’instituer un « Con­seil de l’Ordre des journalistes » !

Les jour­nal­istes auraient-ils à se présen­ter en robe de clercs, dans l’esprit de Cédric O, secré­taire d’État au numérique, qui émit cette bril­lante idée en juin dernier ? Certes, elle provo­qua un tel tol­lé qu’il dût se ravis­er mais tout de même, il fal­lait oser.

Vers l’éradication de toute opposition

Et voici que, devant les séna­teurs, en séance publique du 17 décem­bre 2019, il en remit une couche. Il y soute­nait la loi dite Avia, qui s’inscrit dans cette ligne otani­enne de muse­lage des dis­si­dences sur inter­net. Une loi qui pro­longe aus­si, de manière beau­coup moins com­men­tée, le fameux pacte de Mar­rakech, élar­gis­sant le con­cept de racisme et autres dis­crim­i­na­tions, aux mêmes dis­si­dences. Durant cette séance donc, Cédric O se félici­ta d’un amende­ment n° 47 relatif à l’article 6 bis AA de cette loi, visant à respon­s­abilis­er pénale­ment les annon­ceurs en les oblig­eant à con­stater et pub­li­er la des­ti­na­tion de leurs pub­lic­ités, en par­ti­c­uli­er celles qui se retrou­veraient, juste­ment, sur de tels sites dis­si­dents. L’objectif non écrit mais fig­u­rant aux débats (qui sont une source d’interprétation offi­cielle des textes en droit français), est de tarir la source de finance­ment pub­lic­i­taire cor­re­spon­dante pour ces sites, « [d’assécher] une par­tie du finance­ment des sites extrêmes ou que nous souhaitons ici voir dis­paraître » selon les pro­pres ter­mes de Cédric O, lors de cette séance.

La France vient donc d’institutionnaliser la cen­sure par inci­ta­tion au blo­cus pub­lic­i­taire, c’est-à-dire par sanc­tion économique privée. Restera à définir ce qu’est un « site extrême ». Une notion absente du Code pénal français mais qui se présente à l’évidence comme une ouver­ture arbi­traire à la répres­sion poli­tique. La men­tion qui suit dans la même phrase d’un « souhait de voir dis­paraître » de tels sites ne dit rien d’autre. On com­mence par l’appel à l’éradication poli­tique et puis quoi, demain ?

Mais ce n’est pas tout. Grâce à un nou­veau lap­sus d’O, on sait que le gou­verne­ment Macron s’est égale­ment amar­ré, par cette loi, à ce très étrange mou­ve­ment améri­cain du nom de « Sleep­ing Giants ». O explique en effet, benoîte­ment, que ce fameux amende­ment oblig­era les annon­ceurs à s’intéresser au con­tenu poli­tique des sites inter­net, faute de quoi, dit-il : « je suis cer­tain que cer­taines (sic) organ­i­sa­tions se pencheront sur le sujet et les alert­eront ». Or, c’est pré­cisé­ment l’objet social de cette nou­velle forme de prévôté en ligne, que sont les « Géants endormis ». On entend ain­si un mem­bre du gou­verne­ment français offi­cialis­er un groupe anonyme d’apparence privée dans un rôle de com­mis­saire poli­tique au boy­cott. Qu’est-ce donc que ce mou­ve­ment des Géants endormis pour qu’un État, mem­bre per­ma­nent du Con­seil de sécu­rité de l’ONU, lui fasse tant d’honneur ?

La résurrection des titans

Les Sleep­ing Giants sont apparus dès le lende­main de l’élection de Don­ald Trump dans le but de ruin­er les sites d’information ayant con­cou­ru à cette élec­tion, tels que Bre­it­bart et autres. Ils y ont réus­si au-delà de leurs espérances, allant même jusqu’à ten­ter le boy­cott à la carte ban­caire, avec l’aide de George Soros. Tou­jours lui.

Plus récem­ment, ils se sont attaqués à la France, notam­ment à Valeurs Actuelles, à Boule­vard Voltaire, à CNEWS, etc. Même si leur suc­cès est moins spec­tac­u­laire qu’outre-Atlantique, ils ont tout de même réus­si à con­va­in­cre de nom­breuses mar­ques à en retir­er leurs pubs. Il se con­firme donc que cette loi Avia vient bien au sou­tien d’un regroupe­ment d’individus anonymes et pour la plu­part étrangers, pra­ti­quant le chan­tage économique à des fins d’éradication des opposants à la pen­sée unique. Il s’agit bien d’un tour­nant insti­tu­tion­nel majeur.

Les meneurs des Géants endormis ont tout de même fini par se faire démas­quer, dès juin 2018. Deux pro­fils ont émergé, dont un nous amène à d’étranges con­nex­ions qu’Antipresse est le pre­mier média à révéler ici.

Le pre­mier meneur se nomme Matt Rivitz. Son pro­fil d’activiste anti-Trump est banal, biberon­né au sein d’une famille démoc­rate, avec notam­ment un père dirigeant un insti­tut sub­ven­tion­né de réin­ser­tion à Bal­ti­more, etc. Pas de quoi s’étendre out­re mesure dans le cadre de cet arti­cle. En revanche, le deux­ième pro­fil est beau­coup plus énigmatique.

La Mata Hari branchée

Il s’agit d’une jeune femme d’origine indi­enne, du nom de Nan­di­ni Jam­mi. Autant dire « Jacque­line Durand » dans la France des années soix­ante. Mais même après avoir recoupé de très enfouies et très rares infor­ma­tions sur son envi­ron­nement famil­ial (père haut fonc­tion­naire du FMI), on con­state que Nan­di­ni Jam­mi n’existe qua­si­ment pas sur Inter­net avant son dévoile­ment. Ce genre d’intraçabilité relève ordi­naire­ment soit d’un tra­vail d’effacement très pro­fes­sion­nel, soit d’un change­ment d’identité. Dans les deux cas, on a de fortes chances d’avoir affaire à une per­son­ne qui n’est pas entière­ment ce qu’elle pré­tend être, c’est-à-dire dont l’histoire et l’environnement réels doivent rester dans l’ombre. On ne trou­ve d’elle qu’un très faible sig­nal provenant d’Amérique latine, et qui mérite encore des véri­fi­ca­tions de notre part, même si son vis­age de là-bas, dont nous avons retrou­vé une image, avant relook­ing donc, est révéla­teur d’une méta­mor­phose assistée, très pro­fes­sion­nelle là encore.

Il est très sur­prenant égale­ment de con­stater avec quelle rapid­ité elle a su trans­former le dévoile­ment de son iden­tité en un for­mi­da­ble trem­plin médi­a­tique. C’est à tel point qu’on se l’arrache aujourd’hui pour les plus grandes con­férences geek, par exem­ple le Tur­ing Fest 2019 d’Édimbourg. Elle y expli­quait que les médias qu’elle attaque ont en com­mun d’être « financés par des supré­macistes blancs », pro­duisant des écrits signés « par des supré­macistes blancs » de sorte « qu’ils ne sont tout sim­ple­ment pas des médias » (1). Valeurs actuelles, CNEWS, Boule­vard Voltaire, RT, etc. ne sont pas des médias, et appar­ti­en­nent au Ku Klux Klan, c’est bien con­nu. En tout cas, c’est cette nou­velle inqui­si­tion qui plaît tant à Macron et ses ouailles.

Pour en savoir plus, il n’y avait pas d’autre choix que d’approfondir notre enquête dans les liens pro­fes­sion­nels de Nan­di­ni. C’est là que nous avons décou­vert une rela­tion avec un coach, dont le change­ment d’identité n’a pas effacé toute pos­si­bil­ité d’identification.

L’Ukraine connection

« Myk Pono », tel qu’il se présente, Myko­la Pono­marenko de son vrai nom, est un expert en récla­ma­tions-clients en ligne, au moyen d’actions virales, du type de celles dévelop­pées juste­ment par les Sleep­ing Giants. Il a cosigné un arti­cle de 38 pages à ce sujet avec Nan­di­ni Jam­mi en août 2018 (après le démasquage donc). En d’autres ter­mes, c’est sur la base de cette exper­tise mar­ket­ing, com­mer­ciale en essence, que Nan­di­ni Jam­mi aura lancé l’opération des Géants endormis. Jusque-là, on pour­rait croire à une sim­ple extrap­o­la­tion pratique.

Mais en par­al­lèle, et à l’instar de toute ONG qui se respecte, les Géants endormis se sont dotés d’une belle ligne graphique, pro­pre et bien déclinée. Là encore, un tra­vail de pro­fes­sion­nels. Or, par une sur­prenante coïn­ci­dence, il se trou­ve que Myk Pono a recours à un graphiste, du nom de Niki­ta Sekatchev, qui se pré­vaut de la créa­tion du logo de la célèbre société ukraino-chypri­ote Buris­ma.

Oui, Buris­ma, celle-là même qui nom­ma Hunter Biden & Co. à son con­seil d’administration et dont nous avons retracé les liens avec l’État pro­fond améri­cain dans les numéros 205 et 206 d’Antipresse. Non seule­ment il n’est pas anodin que l’emblème de Buris­ma soit « made in USA », mais nous décou­vrons-là une trace du Deep state améri­cain, dans la prox­im­ité immé­di­ate de l’opération des Géants endormis. Comme il y a peu de hasard en ce domaine, le lap­sus par­lemen­taire de Cédric O se ver­rait alors éclairé d’une lumière beau­coup plus crue qu’on ne pour­rait le penser.

En effet, alors qu’une loi de sol­i­dar­ité avec une « ini­tia­tive citoyenne » privée et néan­moins sub­ver­sive, serait des plus incon­grues, rien de tel ne le serait, en revanche, d’une sol­i­dar­ité d’allégeance, envers le Deep state améri­cain. D’autant que les liens de l’équipe orig­inelle d’En Marche avec l’Ukraine sont con­nus. Rap­pelons qu’Ismaël Émelien (frère d’armes de Cédric O) a tra­vail­lé pour l’oligarque ukrainien Vik­tor Pinchuk, en par­ti­c­uli­er pour son Think Tank « YES » (pour Yal­ta Euro­pean Strat­e­gy con­fer­ence), comme le rap­pelle Marc Endeweld dans son déca­pant ouvrage Le grand manip­u­la­teur, les réseaux secrets de Macron (Stock, Paris, 2019). Or, nous avons nous-mêmes établi la fil­i­a­tion, au moins tem­po­raire, entre Pinchuk et Buris­ma, sans oubli­er le spon­sor­ing de YES par Buris­ma. Le monde est petit !

Certes, une trace de prox­im­ité rela­tion­nelle n’est jamais qu’un sim­ple indice. Cela ne vaut pas preuve de col­lu­sion et encore moins de ser­vice com­mandé. Nous nous con­tentons donc de le livr­er comme tel et rien de plus. En revanche, un fais­ceau d’indices com­mencerait à chang­er la donne. Or, il nous sem­ble à cet égard que les ori­en­ta­tions anti­dé­moc­ra­tiques de l’idéologie macroni­enne four­bis­sent déjà quelques-uns de ces fais­ceaux. Nous y revien­drons la semaine prochaine.

Arnaud Dotézac

Note

  1. Voir à cet égard les analy­ses péné­trantes de Matthieu Bock-Côté, notam­ment L’empire du poli­tique­ment cor­rect. Essai sur la respectabil­ité politi­co-médi­a­tique (Le Cerf, 2019), présen­té par le Can­ni­bale lecteur dans l’Antipresse 178.

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