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Slovénie et Pologne : mêmes répressions contre les médias conservateurs et même silence des grands médias

14 juillet 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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Slovénie et Pologne : mêmes répressions contre les médias conservateurs et même silence des grands médias

Temps de lecture : 6 minutes

Il y a trois ans de cela, la Slovénie était devenue la cible des critiques de Bruxelles et des médias de gauche en Europe, rejoignant ainsi la Hongrie et la Pologne. On accusait son premier ministre conservateur, Janez Janša, de s’en prendre aux médias de gauche de son pays et aussi à l’agence de presse slovène. C’était suite aux critiques exprimées par Janša, notamment sur son compte Twitter. Des critiques en réponse aux attaques dont il faisait lui-même l’objet de la part de ces médias.

Aujourd’hui, la Slovénie est gou­vernée par une coali­tion de gauche avec à sa tête un nou­veau pre­mier min­istre, Robert Golob, en place depuis juin 2022. Les attaques lancées par le gou­verne­ment Golob con­tre les médias con­ser­va­teurs ne font réa­gir per­son­ne à Brux­elles et dans les rédac­tions européennes qui s’inquiétaient aupar­a­vant des tweets de Janša.

Descente de police !

On attend en effet tou­jours les réac­tions inquiètes après la descente de police qui s’est déroulée il y a main­tenant un mois et demi dans les locaux de la télévi­sion con­ser­va­trice Nova24 et au domi­cile de son directeur Boris Tomašić. Les seuls médias européens à s’être inquiétés sont anglo­phones : The Euro­pean Con­ser­v­a­tive, dans un arti­cle inti­t­ulé « Slovénie : les con­séquences de la poli­tique de deux poids deux mesures de Brux­elles », et le Brus­sels Sig­nal, dans trois arti­cles inti­t­ulés respec­tive­ment « La police slovène fait une descente dans le média Nova24 à quelques jours des élec­tions au Par­lement européen », « Une descente de la police slovène “motivée poli­tique­ment”, selon le chef de Nova24 » et « Le directeur de Nova24 reproche à Brux­elles d’ig­nor­er les attaques con­tre les médias slovènes ».

Les perqui­si­tions en ques­tion se sont déroulées le 29 mai, soit dix jours avant les élec­tions européennes. Le télé­phone et l’ordinateur de Tomašić lui ont été con­fisqués par les autorités. « Je ne peux pas tra­vailler. Vous pou­vez com­pren­dre [les dif­fi­cultés] en tant que jour­nal­iste, de n’avoir aucun con­tact, rien. Et je ne peux pas les récupér­er », a expliqué le directeur de la télévi­sion Nova24 au Brus­sels Sig­nal.

Le seul média slovène d’opposition réduit au silence

Janez Janša, leader du Par­ti démoc­ra­tique slovène (SDS), arrivé large­ment en tête aux élec­tions européennes du 9 juin avec plus de 30 % des voix et ancien pre­mier min­istre de son pays (à trois repris­es), a décrit Nova24 comme étant « le seul média impor­tant qui soit favor­able à l’op­po­si­tion ».

Ain­si qu’on peut le lire dans l’article du Euro­pean Con­ser­v­a­tive, « Les événe­ments [du 29 mai] sont le résul­tat d’une enquête sur l’en­tre­prise publique Telekom qui aurait financé Nova24TV. Cette enquête con­tre Telekom et cer­tains de ses directeurs a con­duit à la perqui­si­tion de Nova24 et du domi­cile de son directeur, Boris Tomašič alors que celui-ci n’é­tait pas encore directeur [de Nova24] au moment de l’en­quête. »

Comme en Pologne

Cette attaque de la coali­tion de gauche menée par Golob con­tre Nova24 inter­vient alors que, comme le gou­verne­ment de Don­ald Tusk en Pologne depuis décem­bre dernier, le gou­verne­ment slovène a pris le con­trôle direct de la télévi­sion pub­lic qu’il a purgé de tous ses jour­nal­istes aux vues con­ser­va­tri­ces, et il sem­blerait avoir pour cela pris quelque lib­erté avec la loi en vigueur. C’était une promesse élec­torale de Robert Golob qui avait promis de détru­ire des médias de droite qu’il qual­i­fi­ait de « fab­riques du mal ». Ain­si que l’écrivait le jour­nal­iste espag­nol Alvaro Peñas, spé­cial­iste de l’Europe cen­trale et ori­en­tale, le 30 mai dans The Euro­pean Con­ser­v­a­tive, « L’Assem­blée nationale [slovène] a créé une com­mis­sion d’en­quête com­posée de jour­nal­istes “indépen­dants”, c’est-à-dire de mil­i­tants de gauche, et de députés de gauche pour enquêter sur un éventuel finance­ment illé­gal des par­tis (le SDS de Janez Janša) et des médias, mais unique­ment des médias con­ser­va­teurs (Nova24TV et le mag­a­zine Demokraci­ja). »

Vera Jourova aux abonnés absents

Boris Tomašić, le directeur de Nova24, a des mots par­ti­c­ulière­ment durs pour la vice-prési­dente de la Com­mis­sion européenne Věra Jourová, chargée de la « Trans­parence ». « Je ne sais pas com­ment elle fait pour dormir la nuit avec ce deux poids, deux mesures », a‑t-il déclaré au Brus­sels Sig­nal. Le 4 juin, Jourová s’inquiétait des ten­dances néga­tives dans les médias en… Ital­ie et Slo­vaquie. Deux pays gou­vernés par des pre­miers min­istres qual­i­fiés à Brux­elles de « pop­ulistes ». Or elle ne pou­vait pas ne pas être au courant de la sit­u­a­tion puisqu’un député slovène au Par­lement européen, Milan Zver, lui avait adressé une let­tre ouverte le 29 mai pour l’alerter de la situation :

 

« Afin que la vice-prési­dente de la Com­mis­sion européenne, Věra Jourová, soit bien infor­mée de la sit­u­a­tion de l’É­tat de droit et de la lib­erté des médias en Slovénie, je lui ai écrit une let­tre aujour­d’hui. Dans cette let­tre, je l’ai infor­mée de la descente de police à @Nova24TV, qui a eu lieu 10 jours seule­ment avant les élec­tions européennes, et des abus poli­tiques de la police. Étant don­né qu’elle est sou­vent inter­v­enue dans les affaires intérieures de la Slovénie, je lui demande égale­ment com­ment elle éval­ue la sit­u­a­tion de l’É­tat de droit et la lib­erté des médias en Slovénie à la lumière de ce qui s’est passé aujour­d’hui. Je m’attends à ce que cette attaque con­tre les médias et les abus de la police soient inclus dans son rap­port sur la sit­u­a­tion de l’É­tat de droit en Slovénie. »

Comme au temps du communisme

Mais c’est en vain : un mois et demi plus tard, la vice-prési­dente de la Com­mis­sion européenne n’a tou­jours pas daigné réa­gir. De même qu’elle ne réag­it pas aux com­porte­ments anti­dé­moc­ra­tiques et illé­gaux de la coali­tion gau­cho-libérale en Pologne. Après la prise de con­trôle mus­clée des médias publics par Don­ald Tusk dans ce pays et les men­aces portées con­tre le prési­dent de l’autorité indépen­dante des médias, l’on y assiste à une curieuse sit­u­a­tion où, pour la pre­mière fois depuis la tran­si­tion démoc­ra­tique de 1989–90 avec la chute du com­mu­nisme, une grande télévi­sion se voit sys­té­ma­tique­ment exclue des con­férences de presse du gou­verne­ment. Cette télévi­sion, c’est TV Repub­li­ka, une chaîne privée d’information en con­tinu, dont l’ancien prési­dent du Con­seil européen Don­ald Tusk n’avait apparem­ment pas prévu l’expansion con­séc­u­tive à sa reprise en main des chaînes de la télévi­sion publique TVP. Une reprise en main qui a en effet sus­cité l’exode des téléspec­ta­teurs de TVP Info vers TV Repub­li­ka alors que TV Repub­li­ka con­tin­ue de se dévelop­per mal­gré le boy­cott pub­lic­i­taire dont elle fait l’objet de la part des grands annon­ceurs depuis le début de l’année.

Le silence complice des grands médias européens

Et si l’exclusion des con­férences de presse du gou­verne­ment polon­ais de la seule et unique télévi­sion de droite a fait l’objet de dures cri­tiques de la part du prési­dent de l’autorité polon­aise des médias, qui a souligné le car­ac­tère illé­gal de cette exclu­sion, et aus­si d’une pre­mière con­damna­tion du gou­verne­ment de Don­ald Tusk en jus­tice (sans que celui-ci ne daigne mod­i­fi­er son com­porte­ment), elle ne fait pas non plus réa­gir Brux­elles et est passée sous silence par les médias français et européens. Des médias qui s’étaient pour­tant beau­coup intéressés à la lib­erté de fonc­tion­nement des médias polon­ais quand la majorité con­ser­va­trice avait voulu réguler l’accès des jour­nal­istes au parlement.

Encore un deux poids, deux mesures qui saute aux yeux, et qui est en réal­ité pleine­ment assumé.

Voir aus­si :

 

 

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