Avec Society, la presse d’informations pour les “bobos” parisiens n’est plus orpheline. Elle qui ne comptait que Les Inrockuptibles depuis 1986 s’est enrichie d’un nouveau quinzomadaire le 6 mars. Le nouveau venu, édité par So Press (So Foot, So Film, etc…), pourrait faire très mal à l’hebdomadaire déclinant (OJD DSH 2014 : 36 440 exemplaires, ‑13,1%), détenu par Les Éditions indépendantes du banquier d’affaires, Matthieu Pigasse. Le co-actionnaire du groupe Le Monde trouve face à lui un éditeur, Essec, trentaine, Franck Annese, à qui tout réussi depuis 2003.
Pour trancher avec son aîné, mais aussi avec la famille des newsmagazines en général (Le Point, L’Express, L’Obs), Society utilise les deux recettes qui ont fait le succès So Foot (DSH OJD 2014 : 49 988 exemplaires, +1,8%), concernant l’actualité du football. Le quinzomadaire proposera des articles longs et au ton léger et distancié. Les rubriques classiques des newsmagazines y seront traitées : politique, économie, sciences, culture, faits divers, sport. So Press a basé son business plan sur des ventes de 60 000 exemplaires la seconde année. Un objectif ambitieux lorsqu’on scrute les ventes de son principal concurrent, Les Inrocks. L’hebdomadaire a encore perdu plus de 13% de sa diffusion en 2014. Il ne doit son relatif équilibre financier qu’à l’événementiel (concerts). Society compte justement renouveler largement le genre de la presse branchée pour, d’une part récupérer des lecteurs des Inrocks, et d’autre part en conquérir de nouveaux.
Cette incertitude quant à la cible — les fameux bourgeois-bohèmes de la capitale — qui reste limitée, n’empêche par So Press d’avoir investi près de huit millions d’euros dans le lancement de Society. Le groupe a pu en financer la majeure partie sur des fonds propres grâce à ses bons résultats (500 000 euros de résultat net pour cinq millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014). Il a aussi effectué un emprunt de 600 000 euros et procédé à une ouverture de capital de 852 000 euros. Les quatre fondateurs de So Press, Guillaume Bonamy, Franck Annese, Stéphane Régy et Sylvain Hervé, n’en détiennent plus que 80% tout en restant largement majoritaires.
L’importance de l’investissement est à la mesure du changement d’ère qu’impulse Society au sein de So Press. Le groupe, qui comptait une dizaine de CDI en 2014, est passé à 43 salariés en février. Il a recruté une vingtaine de journalistes pour mener à bien son nouveau projet, piloté en direct par trois rédacteurs en chef, Franck Annese, Stéphane Régy et Marc Beaugé (ex Inrocks). Un directeur général, Eric Karnbauer (ex Radio Nova) et un directeur du développement, Brieux Férot (ex cadre à l’université de Saint Denis) ont été recrutés. Baptiste Lambert (ex KM production) avait déjà pris la direction administrative et financière de So Press à la rentrée de septembre. Il a succédé à Javier Prieto-Santos, devenu rédacteur en chef de So Foot. Le groupe, désormais sérieusement staffé veut multiplier par presque trois ses recettes en 2015 et atteindre 13 millions d’euros. Un sacré défi !