Le 25 juillet, un sondage IFOP publié dans L’Express annonçait : « Les sympathisants UMP préfèrent les motions modérées aux droitières ». À la question de savoir pour la motion de quelle sensibilité ils voteraient, s’ils le pouvaient, les sympathisants placeraient en tête celle de la Droite moderne des libéraux emmenés par l’ancien ministre Luc Chatel (31%), juste devant celle des Humanistes de l’ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin (29%).
Viendraient ensuite la Droite forte (18%), lancée par le sarkozyste Guillaume Peltier. Presque bonne dernière, arriverait la Droite populaire (12%), dont le chef de file est l’ancien ministre Thierry Mariani.
Au total donc, les courants « centristes » et libéraux de l’UMP récolteraient près de 60% des suffrages ; et le mouvement ayant incarné la « droitisation » de Nicolas Sarkozy se retrouverait aux pelotes. Exit, donc, la fameuse « ligne Buisson ».
Cette analyse a été rapidement reprise par Le Monde et l’AFP, puis leurs confrères, sans le moindre recul. Or, le résultat de ce « sondage » appelle plusieurs remarques :
Il est d’abord en contradiction avec ceux effectués durant les campagnes présidentielle et législatives, où la majorité des sympathisants et adhérents de l’UMP se classait très nettement à droite, sur la fameuse « ligne Buisson », du nom du principal conseiller de Nicolas Sarkozy. Régulièrement, les électeurs de droite se disaient majoritairement favorables à des accords avec le Front national. Et la Droite populaire semblait le courant le mieux placé pour répondre à leurs attentes (sources : lien 1, lien 2).
Comment expliquer cet apparent revirement des « sympathisants » UMP annoncé par L’Express, Le Monde et l’AFP – entre autres ?
Tout simplement en regardant en détail comment l’IFOP a travaillé : « Ce sondage, nous dit l’institut, a été réalisé par Internet du 10 au 24 juillet auprès d’un échantillon de 544 sympathisants de l’UMP ». Autrement dit, il s’agit d’un simple coup de sonde sur Internet, avec toutes les limites de l’exercice, et non d’un sondage effectué avec la rigueur habituelle, sur l’ensemble de la population, à partir d’un échantillon dépassant 1 000 personnes.
Ensuite, les sondeurs ont interrogé des gens se disant « sympathisants » de l’UMP et non des adhérents – qui seront pourtant les seuls à voter lors du congrès.
À ce niveau de superficialité, on peut difficilement tirer des conclusions pertinentes de ce qui, dans le jargon spécialisé, n’est même pas un « sondage », mais une simple « consultation ».
Il serait intéressant de savoir qui l’a commandée et s’il ne s’agirait pas d’un coup de communication émanant de certains « spécialistes » des relations publiques au sein de l’UMP.
Le but pourrait être de consolider une ligne « centriste » et libérale en prévision du congrès du 18 novembre. Et d’asphyxier l’incontrôlable Droite populaire.
Les médias qui ont donné à cette consultation la valeur d’un sondage ont fait preuve d’imprudence : ils lui donnent une dimension performative : les adhérents de l’UMP, influencés par les commentaires des journaux « de référence » pourraient bien caler leur vote en fonction des principales conclusions de qu’ils perçoivent comme une étude sérieuse. À ce stade, faut-il blâmer la légèreté des journalistes ou carrément leur collusion avec certains politiques ? Les analyses du politologue Alain Garrigou, L’ivresse des sondages, La Découverte, 2006 semblent parfaitement validées.