Rediffusion estivale. Première diffusion le 18 février 2022
La charte de Munich ? Appelée aussi Déclaration des droits et des devoirs des journalistes, elle a été adoptée en 1971 à Munich. Elle stipule cinq droits et dix devoirs. Le quatrième devoir énonce « Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ». Il arrive que des journalistes s’assoient gentiment dessus comme une certaine Sophie Broyet de France 2, plus proche de l’auxiliaire de police (politique) que de Jack London. Voyons comment.
Vous avez dit déontologie ?
Le respect de la déontologie est souvent l’une de ces notions avec laquelle certains attaquent facilement des reportages allant à contre sens de leurs opinions. Ce respect est attendu (en théorie) de chaque journaliste. Néanmoins, certains peuvent se permettre de la laisser au placard dans un silence général. C’est le cas de Sophie Broyet, reporter pour l’Oeil du 20h de France 2.
Camouflage/infiltration
La journaliste s’était déjà illustrée en novembre 2021, en infiltrant le mouvement « One Nation », qualifié de sécessionniste et complotiste par le Ministère de l’Intérieur. Une infiltration qui lui avait valu son quart d’heure de gloire sur BFMTV. Voilà qu’elle récidive cette fois avec Academia Christiana, institut de formation politique catholique.
Ainsi la journaliste, payée par la redevance des Français, s’est infiltrée dans plusieurs réunions du mouvement sous le pseudonyme d’« Amandine Loramar », ainsi que dans une école hors contrat, en omettant de préciser qu’elle était journaliste. Si la méthode – contraire à l’article 4 de la charte de Munich – peut déjà susciter quelques émois, les agissements – quasi policiers – de la journaliste, eux, posent encore plus problème.
Une maman bien particulière
Le 28 janvier 2022, la journaliste débarque à Sées en Normandie, à l’Institut Croix des Vents, en se faisant passer pour une mère souhaitant inscrire sa fille dans cet établissement hors contrat. Elle y visite les bâtiments – en caméra cachée – avec l’autorisation du directeur. Puis, à la sortie, elle va à la gare, à la rencontre des élèves de l’Institut afin de savoir s’ils sont racistes, si les prêtres sont violents, et s’ils appartenaient à Academia Christiana, en finissant par prendre, sans autorisation, des photos et des vidéos des élèves dans le train. Elle avait auparavant participé à plusieurs réunions d’Academia Christiana, en se faisant passer pour une sympathisante souhaitant intégrer le mouvement.
Cette méthode, basée à la fois sur le mensonge et l’omission, contrevient à la charte de Munich (voir supra) qui stipule qu’il ne faut pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations. Comment qualifier le fait d’interroger des gens sans préciser ses intentions, et en les poussant au vice sur des questions orientées ? Un manque à la déontologie journalistique qui n’émeut pas plus que ça les médias puisqu’ils n’en parlent pas ou peu. Pourtant, lorsque M6, le 22 janvier 2022, diffusait un Zone Interdite à propos de l’islam radical, nombreuses ont été les polémiques et les accusations de manque à la déontologie.
La charte de Munich exige pour tout journaliste de «ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des infos».C’est raté pour Zone interdite. @arretsurimages montre, messages à l’appui, comment l’émission a massivement trompé les personnes interviewées. https://t.co/CTwXg5Vwau
— David Perrotin (@davidperrotin) February 1, 2022
Un reportage publié à pic
Hasard du calendrier, le 16 février 2022, France 2 diffuse le reportage en informant les personnes interrogées par Sophie Broyet le jour même par mail. Un délai très court, avec une liste de questions très orientées, sous forme d’interrogatoire de police : êtes-vous antisémites ? Appelez-vous à la violence ? Dans ce même mail, Sophie Broyet admet avoir « mené une enquête ». Un élément qu’elle avait nié lorsque des personnes qu’elle a interrogées avaient découvert le pot aux roses. Pratiquant avec bonheur la juxtaposition d’éléments hors de leur contexte, elle montre par exemple un prêtre qui tire au ball-trap, filmé comme une formation de préparation à la guerre (sic). Elle qui assure sur son Twitter « assumer (presque) tout ». Inclue-t-elle ce genre d’enquête dans « presque » ?
Appel à la dissolution
Une réaction Monsieur le ministre @GDarmanin ? cc @MEllerbach https://t.co/TnwQgP17Ds
— Sophie Broyet (@sophiebroyet) February 16, 2022
Cerise sur le gâteau, la journaliste interpelle le 16 février sur Twitter le Ministre de l’Intérieur pour l’inciter (sans que le mot soit prononcé) à la dissolution de l’association catholique, illustrant ainsi une nouvelle (et ancienne aussi) forme de journalisme, le journalisme policier. De mauvais esprits y verraient une commande politique bienvenue en période électorale, mais ce sont de mauvais esprits…