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Soros étend encore son influence dans les médias polonais

20 février 2022

Temps de lecture : 5 minutes
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Soros étend encore son influence dans les médias polonais

Temps de lecture : 5 minutes

L’annonce est tombée en novembre 2021 et la transaction avait été divisée en deux tranches qui ont été réalisées respectivement en décembre et au début du mois de janvier 2022. La société néerlandaise Pluralis B.V., qui compte parmi ses investisseurs les fonds sorosiens Media Development Investment Fund (MDIF) et Soros Economic Development Fund (SEDF), devait racheter à l’homme d’affaires polonais Grzegorz Hajdarowicz, proche de la Plateforme civique (PO) de Donald Tusk, des parts de son groupe de presse comprenant notamment le prestigieux quotidien Rzeczpospolita (La République).

Extension du domaine Soros

Avec le rachat début févri­er d’actions de KCI SA par la société Gre­mi Inter­na­tion­al – deux sociétés du Polon­ais Haj­darow­icz –, la trans­ac­tion annon­cée en novem­bre dernier avec les fonds sorosiens est arrivée à son terme. KCI détient aujourd’hui 33,81 % du cap­i­tal et 42,7 % des droits de vote à l’assemblée générale de Gre­mi Media, pro­prié­taire du quo­ti­di­en Rzecz­pospoli­ta ain­si que du quo­ti­di­en économique et financier Parki­et, du men­su­el d’histoire Uważam Rze His­to­ria et de plusieurs sites Inter­net d’information. La société Plu­ralis détient quant à elle 40 % des actions et 37,6 % des droits de vote.

On assiste donc à une nou­velle exten­sion de l’influence du spécu­la­teur améri­cain George Soros dans les médias polon­ais après son entrée en 2016 dans le cap­i­tal d’Agora, déten­teur, entre autres médias, du quo­ti­di­en Gaze­ta Wybor­cza, puis le rachat en 2019 par Ago­ra du groupe polon­ais Eurozet, pro­prié­taire de plusieurs sta­tions de radio ain­si que d’un stu­dio de pro­duc­tion de radio et de télévision.

L’Observatoire du Jour­nal­isme a déjà évo­qué très briève­ment ce rachat de Rzecz­pospoli­ta « par Soros » en décrivant la manière dont « Tysol (Sol­i­darność) dénonce l’impunité de George Soros ».

Le fonds MDIF se vante d’investir dans les pays où la lib­erté médi­a­tique est men­acée. Pour­tant, en 2011, quand Grze­gorz Haj­darow­icz avait racheté Rzecz­pospoli­ta avec le sou­tien du gou­verne­ment de Don­ald Tusk pour procéder à sa reprise en main et faire taire ses cri­tiques, notam­ment en ce qui con­cer­nait la ges­tion par Tusk de l’enquête sur la cat­a­stro­phe de Smolen­sk, MDIF et même toute la nébuleuse sorosi­enne, très présente en Pologne par le biais des fon­da­tions et ONG, n’avait rien dit.

Avant son rachat par cet homme d’affaires proche du par­ti de Don­ald Tusk, 51 % des parts du pro­prié­taire de Rzecz­pospoli­ta apparte­naient au Bri­tan­nique Mecom Group et 49 % des parts à l’État polon­ais qui avait un pou­voir de blocage des déci­sions stratégiques, ce qui lui a per­mis d’exercer des pres­sions sur Mecom pour le con­train­dre à reven­dre ses parts à Haj­darow­icz. Le groupe que rachetait ce dernier était large­ment plus gros que les jour­naux qu’il pos­sé­dait déjà, mais il a sem­ble-t-il béné­fi­cié de facil­ités finan­cières de la part du gou­verne­ment de Tusk qui lui a aus­si reven­du les parts de l’État à crédit. L’opération avait été menée au  moyen d’un appel d’offres tail­lé sur mesure, sem­ble-t-il, pour l’ami du pou­voir et après avoir rejeté les offres d’autres investis­seurs, y com­pris celle de Mecom Group qui s’obstinait à refuser de chang­er de rédac­teur en chef mal­gré les pres­sions du gou­verne­ment de Don­ald Tusk. L’offre de Mecom por­tait sur 110 mil­lions de zlo­tys pour le rachat des 49 % de parts de l’État polon­ais que Haj­darow­icz a finale­ment pu racheter pour moitié moins.

Épuration au journal alors hostile au libéral libertaire Tusk

Immé­di­ate­ment après le rachat de Rzecz­pospoli­ta par Haj­darow­icz, le rédac­teur en chef du jour­nal, Paweł Lisic­ki (aujourd’hui rédac­teur en chef de l’hebdomadaire Do Rzeczy) et tous les jour­nal­istes trop cri­tiques à l’égard du gou­verne­ment de Don­ald Tusk ont dû faire leurs adieux au jour­nal (voir à ce sujet : « Quand Don­ald Tusk, ‘prési­dent de l’Europe’, muse­lait la presse d’opposition »).

Depuis, Rzecz­pospoli­ta est donc resté la pro­priété de l’homme d’affaires polon­ais Grze­gorz Haj­darow­icz qui, ne béné­fi­ciant plus depuis l’arrivée au pou­voir du PiS en 2015 du sou­tien financier de l’État, a donc aujourd’hui choisi de faire entr­er une société financée par les fonds de George Soros au cap­i­tal de son groupe médiatique.

Rzecz­pospoli­ta est sur une ligne libérale, moins pro­gres­siste que Gaze­ta Wybor­cza, européiste mais moins fana­tique­ment égale­ment que ce pre­mier jour­nal soutenu par les fonds sorosiens depuis 2016, et égale­ment cri­tique des gou­verne­ments du PiS et aligné sur l’opposition libérale, mais de manière mal­gré tout net­te­ment moins engagée que Gaze­ta Wybor­cza, ce qui lui con­fère une plus grande crédibilité.

« L’ac­qui­si­tion des actions par Plu­ralis B.V. assur­era, avec une diver­si­fi­ca­tion plus com­plète de la pro­priété de Gre­mi Media, la com­pé­tence et l’ex­per­tise garanties par de grands investis­seurs inter­na­tionaux dans le domaine des médias, tout en per­me­t­tant à la direc­tion actuelle de con­serv­er le con­trôle opéra­tionnel », pou­vait-on lire dans un com­mu­niqué pub­lié sur le site de Rzecz­pospoli­ta après la transaction.

Pro UE, pro OTAN, pro marché

« La sit­u­a­tion sur le marché polon­ais des médias est de plus en plus dif­fi­cile. Le poids de la poli­tique se fait de plus en plus sen­tir et a un impact négatif. Rzecz­pospoli­ta et Parki­et restent en dehors des prin­ci­pales lignes de partage de la vie poli­tique polon­aise, mais ils ont une bous­sole de valeurs claire – défense du libre marché, pro­tec­tion de la pro­priété privée, respect des droits de l’homme et des droits civiques au sens de l’Eu­rope occi­den­tale, sou­tien à l’ad­hé­sion de la Pologne à l’U­nion européenne et à l’OTAN. Tout le monde n’aime pas ça. J’ai essayé de trou­ver des parte­naires économique­ment forts en Pologne, prêts à cofi­nancer les titres détenus par Gre­mi. Le résul­tat a été moins que sat­is­faisant. En out­re, je me suis heurté à une ten­ta­tive de rachat hos­tile des droits sur les titres, sous des pré­textes absur­des. Heureuse­ment, la ten­ta­tive a échoué », a déclaré de son côté Grze­gorz Haj­darow­icz.

En par­lant de ten­ta­tive de rachat hos­tile, Haj­darow­icz fai­sait sans doute allu­sion à l’intérêt porté à son groupe médi­a­tique par la com­pag­nie pétrolière polon­aise Orlen, qui a déjà racheté en 2020 les jour­naux locaux détenus par Pol­s­ka Press, pro­priété de la société alle­mande Ver­lags­gruppe Pas­sau (voir : « Des médias polon­ais moins alle­mands, les médias français choqués »).

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