Quand on est riche, très riche, on se pique volontiers de goûts artistiques. Quand cette inclination peut, en plus de vous donner une réputation d’homme de goût, vous assurer un revenu assez stable, c’est le bonheur. Patrick Drahi suit l’exemple de François Pinault qui avait racheté Christie’s en 1998 pour s’adjuger Sotheby’s et – qui sait – se mettre à l’abri si la dette effarante d’Altice devient un jour dangereuse.
Sotheby’s, une vieille maison
Fondée à Londres en 1744 par Samuel Baker, Sotheby’s est plus ancienne que Christie’s, tout d’abord spécialisée dans la vente des manuscrits et des bibliothèques (celle de Napoléon notamment). En bourse depuis 1988, ses ventes – plus ou moins équivalentes à celles de Christie’s – oscillent annuellement entre 6 et 7 milliards de dollars.
Sotheby’s a assuré la vente de grands collectionneurs ou d’artistes en Europe comme aux États-Unis : Meyer de Rothschild, Damien Hirst, Pierre Bergé. Ou celle de biens exceptionnels : le Cri de Munch en 2012, les bijoux de Marie-Antoinette.
3,7 milliards de dollars sur la table
Sotheby’s était côté en bourse, Drahi a dû surenchérir de plus de 60% sur le dernier cours de bourse connu à Wall Street pour l’emporter. Il a pour cela créé un véhicule financier familial aux États-Unis. L’acquisition se ferait à la fois sur fonds propres et avec un prêt de la BNP. Sotheby’s, société publique, doit publier ses comptes annuels : 129 millions de dollars de profits en 2018. Patrick Drahi paie donc la société trente années de bénéfices, une somme que d’aucuns pourraient considérer comme excessive.
Mais cet achat présente d’autres avantages. Comme le déclare l’acquéreur « Cet investissement renforce l’ancrage de ma famille aux États-Unis », une base de repli intéressante si les affaires européennes et/ou téléphoniques tournent mal. Qui plus est Drahi a vendu à cette occasion pour la modique somme de 400 millions de dollars d’actions d’Altice US. Il se désengage un peu des câblo-opérateurs pour investir dans le commerce de l’art. Les maisons de ventes aux enchères ne dégagent pas de gros bénéfices mais sont stables, contrairement aux câblo-opérateurs. Et posséder Sotheby’s vous met en contact avec toutes les grandes fortunes du monde. Une opération finalement plus attrayante que les investissements dans Libération et Next Radio.