À 8h15, lundi 8 juin 2020, Jérôme Colombain, spécialiste du numérique sur FranceInfo, était l’invité du fil d’info de Marc Fauvelle sur FranceInfo : autant faire des économies d’échelle. De quoi s’agissait-il ? Parler de la « tribune » publiée, « coup de gueule » dit Marc Fauvelle, sur le site FranceInfo.fr par le journaliste de FranceInfo, dans sa rubrique « nouveaux mondes ». Pourquoi une telle mobilisation en interne ? Réponse : l’application stopcovid.
Lutter contre un fiasco ?
Malgré les informations du gouvernement et du ministre de la santé, ainsi que celles de Cédric O, lequel était fier d’annoncer durant la première semaine de juin que l’application avait été téléchargée près d’un million de fois en France, soit par un habitant de France sur soixante-dix, il semble que la réussite de l’opération « stopcovid » destinée à ce que nous soyons le plus nombreux possible à la télécharger dans nos smartphones tourne au fiasco. Du coup, lundi 8 juin c’est la mobilisation générale sur FranceInfo.
Elle démarre par un petit mensonge discret entre amis : la tribune de Jérôme Colombain ne paraît pas d’abord dans le cadre de FranceInfo, son employeur, mais le 6 juin 2020 sur le blog personnel du journaliste, « Attitude Techno ». Ce n’est pas un point de détail mais un des multiples exemples des modes de fonctionnement des médias de grand chemin qui de petits écarts en petits écarts fabriquent des fleuves invisibles d’infox. FranceInfo reprend la tribune mais Fauvelle le répète : « à retrouver dans la rubrique Nouveau Monde » où, du reste, elle ne se trouve toujours pas deux heures plus tard. L’imprécision permanente pour des journalistes, volontaire ou non, cela n’inspire pas confiance. Mais cela ne conduit toujours pas ces mêmes journalistes et médias à se poser les bonnes questions sur les causes de l’extraordinaire perte de confiance dont ils sont l’objet.
Fauvelle, Colombain et FranceInfo vendent du Colombain
Donc, au menu de la matinale de FranceInfo, un morceau de Colombain présenté comme une tribune, ou plutôt le plat réchauffé, mais non présenté comme tel, il est des restaurateurs qui fermeraient boutique pour moins que cela, d’une tribune publiée par Colombain 48 heures auparavant et propulsée à la une de l’actualité par le collègue-pote Fauvelle.
Le lundi 8 juin, il est entre 8 h 15 et 8 h 12, le message du gouvernement, qui n’est pas de la propagande, — ni de la vente de matériel numérique fabriqué par… par qui déjà ? Retracer la genèse de cette application fera sans aucun doute l’objet d’enquêtes dans les médias — vient de passer à l’antenne : « Bonjour, je m’appelle Mehdi et j’ai téléchargé l’appli stopcovid etc… ». Peu après, le temps d’un entretien avec un viticulteur qui sauve son entreprise par reconversion dans la fabrication de gel hydro-alcoolique, Marc Fauvelle passe à l’attaque, ou plutôt à la défense de l’application promue par le gouvernement.
La question est : « Aurions-nous peur pour rien ? », « Aurions-nous peur d’être espionnés par des intrusions dans nos vies privées ».
À tort.
Donc : « Bonjour Jérôme Colombain ! ».
Les arguments de FranceInfo pour que TU la télécharges cette appli mon bon
- L’application stopcovid plus que d’être dangereuse révèlerait surtout nos « peurs », nos « angoisses »
- Nous serions tous paranoïaques
- Notre méfiance irait bien au-delà de cette « simple » application, elle serait irrationnelle.
- D’ailleurs, insistent Colombain et Fauvelle, le gouvernement, par la bouche de Cédric O, l’a bien dit : « le Progrès n’a plus bonne presse ». Par contre, ils n’interrogent pas le pourquoi du comment de cet abandon.
- La peur de ce genre d’outils numériques serait irrationnelle et « hallucinante », « je n’ai pas peur du mot » dit Colombain.
- Pour Fauvelle ? « Quand cela vient du gouvernement c’est forcément plus suspect que quand cela vient de Facebook ou Google ». Colombain : « Exactement ». Il y a une prime au prorata de la défense du macronisme au sein de FranceInfo ?
- Ce qui est dit sur stopcovid, ce sont des « fake news d’ailleurs relayées par des politiques et certains médias ». Le mot « complot » n’est pas prononcé mais c’est passé tout près.
En vrai, ce dont nous aurions peur c’est de la complexité des outils, de notre incompréhension… Nous ne sommes pas très malins, bien moins fins que l’avant-garde parisienne des médias et des politiques qui pensent bien. Pourtant, les journalistes ne le relèveront pas, mais les moyens mis pour que nous soyons moins bêtes sont massifs : politiques, médias, écoles, associations, apprentissage de la programmation dès l’école primaire, éducation au numérique partout, numérisation de toutes les activités (travail, vie privée, échanges téléphoniques et humains, commerce, éducation, loisir, télévision…). Mais nous demeurons irrationnels, de vrais idiots du village.
Un grand moment de défense de la « réinvention » voulue par le gouvernement à l’occasion d’une pandémie, que disons-nous, d’une « guerre », pour reprendre le terme du président, d’une « guerre » nous conduisant dans « un monde qui plus jamais ne sera comme avant ». Nous n’étions visiblement pas assez En Marche et il semblerait qu’il y ait toujours un peu de résistance. Quant aux arguments de cette intervention, pour le coup propagandiste, Fauvelle et Colombain ont beau faire semblant, ils ne peuvent ignorer que nous sommes habitués aux pratiques des GAFA, souvent alliés aux gouvernements, quant à la volonté d’intrusion dans nos vies privées.
Encore un complot dira-t-on. Toute conception autre semble être devenue cet étrange objet, l’irrationnel du complot. Avec la bénédiction de FranceInfo.