C’est le titre du dernier livre d’Alain de Benoist, mais il l’exprime sans point d’interrogation et de manière affirmative : Survivre à la désinformation. Ces entretiens avec Nicolas Gauthier, préfacés par la patronne de Boulevard Voltaire, Gabrielle Cluzel, couvrent nombre de sujets dont certains des médias, regardons de plus près.
À deux amis et quatre mains
Ces chroniques parues sur Boulevard Voltaire de l’automne 2015 au printemps 2021 regroupent 116 articles ou plutôt entretiens menés de main de maître par Nicolas Gauthier chroniqueur à Boulevard Voltaire, Eléments et ailleurs. Comme dans le premier volume du même type, Survivre à la pensée unique, paru 6 ans plus tôt, Gauthier œuvre en accoucheur de l’essayiste. Les sujets collent à l’actualité, traitant entre autres du rôle du cinéma américain, des palabres de Nuit Debout, du Brexit, des sondages, des Gilets jaunes, de Salvini, de Trump ou de Michel Onfray. Les amateurs de politique intérieure ou étrangère, d’économie sociale, de religion ou de philosophie y trouveront leur miel. Mais intéressons-nous à la petite dizaine de papiers traitant des médias au sens large.
Intellectuels, état de la presse, état de la « haine »
Les neuf papiers concernés traitent de la crise de la presse (deux), des intellectuels (quatre), des sondages, de la post-vérité et enfin d’En finir avec la haine auquel nous allons nous intéresser. Les dénonciateurs de haine sont partout, de la députée Laetitia Avia qui voulait l’éradiquer en compagnie des GAFAM, de Tristan Mendès-France avec son Stop Hate Money, aux Sleeping Giants qui veulent assécher les finances des « porteurs de haine ».
Alain de Benoist remarque qu’une fois de plus, le mouvement vient des Etats-Unis, avec le « hate speech ». Il ajoute que le point de vue que l’on défend n’est bien sûr jamais haineux, c’est toujours le point de vue opposé qui est censé l’être. Si la gauche aime haïr, la droite préfère mépriser. Interrogé sur l’état de la liberté d’expression en France, l’auteur constate froidement « Elle n’est pas menacée, elle a disparu », la nouvelle censure protéiforme « relève d’une tentative de contrôle des pensées et d’un capitalisme de la surveillance ». Enfin, si la haine est un mauvais sentiment, ce n’est pas un délit et « ce n’est pas en interdisant la libre expression des dilections et des détestations qu’on fera disparaître les sentiments qui les inspirent ». On ne saurait mieux dire, un livre à lire et faire lire.
Survivre à la désinformation, Entretiens avec Nicolas Gauthier, éditions de la Nouvelle Librairie, Paris, 2021, 503p, 24.90 €
« Combattre la censure, quelle qu’elle soit et sous n’importe quel régime, est de mon devoir d’écrivain, ainsi que de défendre la liberté de la presse. Je suis fermement résolu à défendre cette liberté-là et j’imagine qu’un écrivain s’avisant de démontrer qu’elle ne lui est pas indispensable se mettrait dans la situation d’un poisson proclamant publiquement qu’il n’a pas besoin d’eau. »
Mikhaïl Boulgakov, lettre à Staline