À la fois actionnaire du Monde et banquier d’affaires, Matthieu Pigasse s’est dit « fier » des investigations menées par le quotidien du soir au sujet des exilés fiscaux, mais a toutefois appelé à ne pas tomber dans la « délation ».
En effet, alors que Le Monde venait de révéler les « SwissLeaks » (l’évasion fiscale de plus de 180 milliards d’euros organisée par HSBC Suisse) ainsi que les noms des personnes concernées, le numéro deux de la banque Lazard s’est retrouvé dans une position compliquée.
Celui-ci s’est donc contenté de saluer « le travail d’investigation remarquable fait par le Monde », dont il s’est dit « fier », mais a demandé à ce que l’on ne tombe pas « dans une forme de maccarthysme fiscal et de délation ». Actionnaire du quotidien, il a réclamé « une discussion (…) avec la direction éditoriale du Monde ». « C’est une interrogation légitime, je trouve », a‑t-il estimé.
Autre actionnaire du Monde, Pierre Bergé a été nettement plus critique vis-à-vis de son journal. Invité d’« On refait le monde», l’émission de Marc-Olivier Fogiel sur RTL mardi 10 février, il s’en est violemment pris aux journalistes Fabrice Lhomme et Gérard Davet, à l’origine (avec 152 autres journalistes) des révélations sur les « SwissLeaks ». Pierre Bergé a dit réprouver les méthodes des journalistes, et notamment la publication du nom de Gad Elmaleh dont la situation est depuis régularisée.
Se considérant « triste » et « déçu », Pierre Bergé a considéré que cette manière de « jeter en pâture des noms » d’évadés fiscaux était de la « délation » et du « populisme ». « Pour moi, c’est flatter les pires instincts qui soient et ce n’est pas ça que devrait être un journal, en tout cas un journal comme Le Monde. Ce n’est pas pour ça que je suis venu au secours du Monde et ce n’est pas pour ça que j’ai permis aux journalistes du Monde d’acquérir leur indépendance. Ce n’est pas pour ça. Ce sont des méthodes que je réprouve totalement et qui n’ont aucune justification ».
N’importe quel patron de presse aurait félicité les journalistes pour leur longue et patiente enquête ayant permis de faire éclater la vérité. Sauf Pierre Bergé pour qui la vérité, quand elle est « populiste » (entendons : quand elle donne raison à ceux qui constatent que les privilégiés ne jouent pas le jeu), n’est pas bonne à dire.
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