Alors que les soupçons d’une nouvelle attaque chimique en Syrie de la part du gouvernement de Bachar El Assad redoublent dans les médias français, le 9 avril 2014 les médias italiens ont relayé assez largement (voir aussi sur repubblica.it) les conclusions de Seymour M. Hersh, la « star » du journalisme d’investigation américain, initialement publiées dans la London Review of Books.
Ces dernières vont totalement à l’encontre des premières suppositions occidentales concernant le massacre de la Ghouta, le 21 aout 2013, attribué alors aux forces gouvernementales syriennes. L’article de Seymour M. Hersh, citant des sources américaines et britanniques, donne de nombreux éléments laissant à penser à une probable implication de la Turquie dans ce massacre. Le Corriere della Sera fait mention des conclusions du prestigieux journaliste dans un article du 12 avril.
Cette couverture médiatique italienne des affirmations de Hersh est à comparer au traitement de l’actualité syrienne en France. L’information, pourtant cruciale et émanant d’un journaliste internationalement reconnu, n’a en effet pas été relayée par les médias, à l’exception de quelques revues spécialisées ou confidentielles. Ainsi, le site Agoravox en a fait mention dans un article publié sur son site le 10 avril. Le Grand soir, c’est fendu d’une traduction de l’article, tout comme Afrique-Asie.
Quelques grands journaux français avaient précédemment relayé les conclusions d’une première enquête de Hersh fin 2013, accusant l’administration Obama d’avoir manipulé les informations concernant l’attaque chimique du 21 août dans le but de justifier des frappes militaires contre le régime Assad. Ainsi Le Monde avait titré « L’enquête à charge contre la Syrie ». Libération avait également fait allusion à l’enquête de Hersh mais l’avait contredite en relayant les propos du porte-parole de l’ODNI, Shawn Turner. L’Express se montrait lui aussi dubitatif, tout comme France 24 ; alors que Marianne était quant à lui beaucoup plus affirmatif, tenant pour acquis que les djihadistes possédaient eux aussi un stock de gaz sarin, en dépit de l’affirmation de l’administration américaine. Mais aujourd’hui, il n’existe aucun grand quotidien français pour commenter les nouvelles investigations de Hersh ! L’article de Marianne cité précédemment finissait sur un paragraphe annonciateur : « Tous les médias américains, tétanisés par ces accusations, se bouchent le nez. Rappelons qu’ils s’étaient tous alignés sur les mensonges bushistes à la veille de l’intervention en Irak. Seymour Hersh était seul alors. Comme aujourd’hui ». Et d’autant plus seul que même Marianne désormais ne relaie plus ses travaux…
Crédit photo : fanega via Flickr (cc)